Sexe, argent : des zones cérébrales spécifiques à chaque « plaisir »
Une équipe de chercheurs dirigée par Jean-Claude Dreher du Centre de Neuroscience Cognitive de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) montre pour la première fois qu'il existe, au sein du cortex orbitofrontal (situé dans la partie antérieure et ventrale du cerveau), des régions distinctes répondant à des récompenses secondaires comme l'argent ou à d'autres plus primaires comme des images érotiques. Ces résultats ouvrent de nouvelles pistes de recherche pour la compréhension de certaines pathologies comme l'addiction aux jeux d'argent ou l'étude des réseaux neuronaux impliqués dans la motivation et l'apprentissage. Ils sont publiés le 29 septembre 2010 dans The Journal of Neuroscience.
Dans notre quotidien, nous sommes fréquemment confrontés à divers types de « récompenses » : un billet de 20 €, un carré de chocolat ou un bon vin... De plus, nous devons bien souvent faire des choix entre elles ou les échanger les unes contre les autres. Pour ce faire, il est important de pouvoir comparer leur valeur relative sur une même échelle, ce qui laisse supposer qu'elles sont traitées dans des régions cérébrales communes. De plus, il est possible que ces récompenses, en raison de leurs particularités propres, sollicitent parallèlement des zones du cerveau bien distinctes. Plus particulièrement, il pourrait exister une dissociation entre les récompenses dites « primaires » (comme la nourriture ou le sexe qui satisfont aux besoins vitaux et ont une valeur innée) et celles plus « secondaires » (comme l'argent ou le pouvoir qui ne sont pas indispensables à la survie et ont une valeur qui s'apprend par association avec des gratifications primaires).
C'est pour vérifier ces hypothèses que Jean-Claude Dreher et Guillaume Sescousse du Centre de Neuroscience Cognitive de Lyon (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1) ont proposé à 18 volontaires de se prêter à une expérience originale sous forme de jeu permettant de gagner de l'argent ou de voir des images érotiques. Pendant l'expérience leur activité cérébrale était enregistrée à l'aide d'un scanner IRMf (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle).
Résultat : la valeur des récompenses est effectivement traitée dans des régions cérébrales partiellement communes (composées du striatum ventral, de l'insula, du mésencéphale et du cortex cingulaire antérieur). Les chercheurs ont également confirmé qu'il existe une dissociation entre récompenses primaires et secondaires dans le cortex orbitofrontal. Sa partie postérieure (plus ancienne sur l'échelle de l'évolution) est activée spécifiquement par les images érotiques (récompense primaire), alors que sa partie antérieure (apparue plus récemment chez l'Homme) l'est spécifiquement par les gains d'argent (récompense secondaire). Ainsi, plus les récompenses sont abstraites et complexes, plus leur représentation sollicite des régions antérieures du cortex orbitofrontal.
Ces résultats démontrent pour la première fois une dissociation entre deux types de récompenses au niveau cérébral et suggèrent qu'il pourrait exister des zones distinctes pour ces différentes gratifications. Des travaux qui pourraient permettre de mieux comprendre certaines maladies psychiatriques, notamment l'addiction aux jeux d'argent.
Origine : Centre national de la recherche scientifique
Commentaire :
Nous ignorons toute la portée de cette découverte, et les portes qu’elles ouvrent pour un meilleur traitement de certaines addictions. Elle peut déjà permettre de remettre en cause les poncifs habituels sur le thème « sexe,argent, pouvoir », ou les sornettes freudo-lacaniennes sur l’argent :
Rappelons-en quelques unes :
« Le point de départ de la réflexion psychanalytique sur l'argent est le travail de Sigmund Freud en 1908 quant au caractère anal de l'argent. Il émet un rapport d'équivalence entre le symbole argent et les fèces, autour de la rétention et de la défécation. Ferenczi analyse ce déplacement par le passage d'un objet sale à quelque chose de plus propre où l'œil prend plaisir à voir l'éclat et l'oreille à écouter le tintement métallique. À ce stade, les pièces sont estimées comme objet de plaisir à amasser et à contempler et non pour leur valeur économique. L'enfant comprend ensuite que l'argent est un moyen d'arriver à obtenir ce qu'il désire par sa capacité à exercer sa puissance sur ses parents et à susciter chez eux des réactions affectives. C'est pourquoi Melanie Klein attribue à l'argent une signification orale en tant que sein inépuisable. (…)
L'argent n'a aucune valeur propre et c'est pourquoi Jacques Lacan le définit en tant que signifiant. Il permet d'accéder à son désir par son glissement dans la chaîne du langage. Quand le sujet le possède et le garde, il répond de la valeur et de la puissance qu'il a réellement à l'intérieur de lui. En tant que signifiant, il correspond à un manque, à l'objet « a ». Le figer arrête la course désirante et conduit à l'esclavage. Dans l'Avare de Molière, Harpagon est possédé par sa caisse qui le pousse à un désir de mort, ayant incarné le grand Autre. »
Misère !!!