Séralini, entre détox et intox
Le site Agriculture et Environnement, animé par Gil Rivière-Wekstein, a publié récemment une enquête1 qui concerne Gilles-Eric Séralini, preux chevalier de la lutte anti-OGM et auteur de l'inénarrable étude sur un maïs Monsanto , étude qui a fait la Une des médias avant d'être rejetée par la communauté scientifique et toutes les agences d'expertise consultées à son sujet. L'enquête concerne notamment la société pharmaceutique Sevene Pharma, qui produit des trucs détoxifiants à la limite de l'homéopathie et le phytothérapie, comme Séralini le dit lui-même dans une petite vidéo de promotion sur le site de la boîte en question2.
Cet article a été écrit en collaboration avec Yann Kindo , auteur du blog Le labo et la faucille
http://blogs.mediapart.fr/blog/yann-kindo/030213/seralini-entre-detox-et-intox
Globalement, ce que montre l'enquête, c'est que Séralini a joué un rôle de consultant, de caution scientifique et de propagandiste pour cette société, dont il a testé des produits, au service de celle-ci, avant d'en vanter les mérites dans le cadre du Criigen3 [qui, rappelons-le, est censé être un Centre de Recherche Indépendant sur le Génie Génétique, et pas une officine de propagande pour les pseudo-médecines]. On peut déjà s'amuser de voir un scientifique connu pour ses sorties sur le thème : « les études sur les OGM sont insuffisantes »... se mettre au service d'une boîte fabriquant des produits homéopathiques, c'est à dire ceux d'une pseudo-médecine qui précisément n'a pas besoin de justifier par des études en double-aveugle l'efficacité de ses produits avant leur mise sur le marché. Ce qui est plus surprenant, c'est de constater que le professeur Séralini a mis ses immenses compétences au service précisément d'un boîte qui est largement l'émanation d'un groupuscule de guérisseurs catho-New Age nommé Invitation à la Vie (IVI).
Nulle part, l'enquête ne dit que Séralini est un adepte d'IVI, ni même qu'il savait précisément qui était derrière Sevene Pharma. Ce que l'enquête montre, avec des noms et des faits à l'appui, c'est que Séralini se retrouve dans un sorte de conjonction d'intérêts idéologiques avec ce groupe et son émanation laborantine. Ce que l'on peut retenir de ces révélations, c'est que les frontières sont décidément très poreuses entre la junk science du Criigen, la pseudoscience du labo homéopathique, et les délires des guérisseurs. Ce qui anime Gilles-Eric Séralini sur la question des OGM, c'est certainement ce que lui pense être le souci du bien public, mais c'est aussi une vision du monde qui entre en conjonction non pas avec l'horizon intellectuel de la science, mais avec celui d'illuminés. Rappelons que Georgina Dufoix, qui a organisé en 1984 le remboursement des produits homéopathiques par la Sécurité Sociale (avec une exemption de preuve d'efficacité), s'est convertie ensuite au protestantisme évangélique et milite aujourd'hui contre le mariage pour tous4. Elle l'a fait non pas par clientélisme électoral ou par volonté de ne pas froisser une glorieuse entreprise française – ce qui est sans doute le cas de tous ses successeurs qui ont maintenu ce remboursement - , mais par authentique conviction militante en faveur des médecines parallèles. Ce que l'on constate avec l'enquête d' A.et E., c'est que dans le champ des médecines et sciences alternatives», ces trajectoires parallèles se croisent assez facilement et fort logiquement : entre l'imposition des mains sur fond de prières et la détoxification plus ou moins homéopathique, il n'y a pas de différence de nature, mais de uniquement de degré dans l'irrationnel. Et ce n'est sans doute pas un hasard si le groupuscule de guérisseurs mondains un peu grillé publiquement et ayant choisi de se donner une façade phytothérapeutique a choisi le héraut du mouvement anti-OGM, partisan de l' « écomédecine », pour lui servir de caution scientifique.
Deux droits de réponse croquignolesques
Depuis la publication de son enquête, Gilles-Rivière Wekstein reçoit des demandes de droit de réponse émanant de la mouvance IVI. Sur son site, on peut trouver un double droit de réponse particulièrement croquignolesque5. Le premier droit de réponse émane de Daniel Chauvin, qui est le président du directoire du labo Sevene Pharma. Il dit :
« Nous nous étonnons que vous puissiez penser qu’une entreprise industrielle ou commerciale devrait être étiquetté et qualifiée en fonction des convictions politiques, philosophiques, religieuses ou artistiques de quelques-uns de ses employés, actionnaires ou dirigeants. »
Non, franchement, on voit mal pourquoi il faudrait associer Sevene Pharma à IVI. Surtout quand le deuxième droit de réponse émane de l'actuel Président d'IVI. l'autre partie mise en cause, et qu'il est signé..... du même Daniel Chauvin !!!!!. Merci à M. Chauvin pour cette bonne tranche de rigolade à base de double casquette présidentielle.
Au-delà, il est remarquable que les deux droits de réponse ne réfutent aucun des nombreux liens croisés entre IVI, Sevene Pharma et la Fondation Denis Guichard (actionnaires, montages financiers), qui sont mis en évidence par l’enquête de GRW. Il se contente de nier que ceux-ci puissent avoir une quelconque influence sur l’activité de Sevene Pharma et d’affirmer l’absence totale de liens avec Séralini. Mais chassez le naturel, et il revient au grand galop. Il est en effet écrit dans le doit de réponse de Sevene Pharma :
« Nous devrions à notre tour nous interroger sur ce que masquerait votre hostilité apparente et assez constante envers les mouvements qui estiment que les OGM peuvent présenter des risques pour la santé humaine ».
De quel « mouvements » parle-t-on ici, Mr le PDG de Sevene Pharma ? Ainsi, votre société serait autre chose qu’un simple laboratoire de produits « détoxifiants » ? Daniel Chauvin semble ici avoir oublié qu’il avait enlevé la casquette d’IVI pour enfiler celle de Sevene Pharma !
Gilles-Eric Séralini contre-attaque :
Gilles-Eric Séralini vient lui aussi de se fendre sur le site du Criigen d'une réponse6, qui est faite à un article du Figaro7 , dont le journaliste Marc Ménessier avait repris l'enquête d'Agriculture et Environnement.
On comprend dès le titre que le but de Séralini n'est pas de dire qu'il est désolé de s'être fait avoir par une « secte » de guérisseurs, et qu'il rompt ses relations avec ce milieu douteux. Non, bien évidemment, il s'agit plutôt d'expliquer que tout cela est une campagne de lobbies pour le déstabiliser, et que ses détracteurs sont obligés d'avoir recours à « la diffamation ad hominem » car lui sort grand vainqueur sur le terrain scientifique . Bien entendu, lui n’a jamais recours à des attaques ad hominem…
« Les critiques scientifiques contre notre recherche sur la toxicité à long terme d’un OGM agricole et du principal herbicide du monde s’essoufflent enfin, et nous publions dans la même revue de toxicologie alimentaire en ce début 2013 un nouvel article qui répond point par point ànos déracteurs. Ceux-là décident alors de passer à l’étape supéieure : la diffamation ad hominem. Et ils trouvent apparemment quelques oreilles bien complaisantes… ».
Le terme d’essoufflement est pour le moins abusif. Depuis plus de 4 mois que l’étude foireuse est parue, tout a été dit dessus, et a priori seule la stratégie médiatique et judiciaire adoptée par le CRIIGEN permet de relancer la polémique alors que le sujet est selon nous scientifiquement réglé. Mais au-delà de cette mauvaise foi évidente et du style fielleux qu’il affectionne, GES feint de croire qu’il y a une concertation entre les scientifiques de tous continents (ses « détracteurs ») qui ont dénoncé les carences graves de son étude, et l’auteur de l’enquête qui met en cause ses liens sulfureux, ainsi que le journaliste du Figaro qui l’a relayé. Venant de quelqu’un qui dénonce un ragot «qui rappelle l'histoire de « l'homme qui a vu la femme qui a vu l'homme qui a vu l’homme qui a vu l'ours », voilà qui ne manque pas de sel. Mais lorsque le délire de persécution8 évite la moindre remise en cause personnelle, l’usage des insinuations et des ragots est un mode de défense légitime pour GES.
Adepte du pâté d’alouette
« Au final, nos adversaires représentent une quarantaine de lobbyistes et groupements, qui se sont empressés d’agir en chœur dès les premiers jours. ».
Avouons que devant le déluge de critiques, il devient difficile de compter le nombre d’ « adversaires » de Séralini. Mais « une quarantaine » parait d’autant plus sous-estimé que dans l’algèbre séralinienne (encore une science « revisitée » par l’omniscient), 1 « lobbyiste » + 1 « groupement » = 2 ! Un peu comme dans la recette du pâté d’alouette, où on prend un cheval et une alouette....
Ces critiques d’ailleurs, GES les balaye du revers de la main au motif que
« [leur] bêtise n’a parfois d’égal que l’ignorance crasse du sujet de la part de leurs auteurs (qui n’ont d’ailleurs jamais rien publié, ni sur les OGM ni sur la toxicologie) ! »
Rappelons que celui qui dénonce l’ignorance crasse de ces critiques est capable d’affirmer des incongruités telles que l’on ne peut pas faire de tests statistiques sur des nombres entiers (sic !), ou bien que les statistiques sont inutiles devant les courbes terrifiantes qu’il sort de son chapeau !
Mais ici, GES ment effrontément. Examinons le CV de quelques uns des critiques qui se sont exprimés :
Tom Sanders, directeur du département de nutrition du King’s Collège de Londres
Alan Boobis, biochimie, pharmacologie, Imperial College de Londres
Gérard Pascal, nutritionniste, toxicologie (INRA)
Jean-François Narbonne, Toxicologie, CNRS , ANSES
Alain de Weck, immunologie, allergologie, Université de Berne
Marc Lavielle, statisticien, HCB
Louis Ollivier, génétique animale, INRA
Christian de Duve, prix Nobel de médecine
Wim Grunewald, biologie moléculaire, biologie des plantes, Institut des biotechnologies de Gand
Colin Berry , histopatholgie, Université de Londres
On nous pardonnera de ne pas aller jusqu’au bout de la longue liste des « nullités » qui ont osé critiqué une étude dont aucun des signataires n’est toxicologue ou cancérologue… Par contre, parmi les signataires de l'étude, l’un est simple doctorant, l’autre homéopathe et acupuncteur….
« Quant aux avis négatifs des agences sanitaires sur la validité de notre étude, ils étaient malheureusement plus que prévisibles. Comment espérer que ceux-là mêmes qui ont contribué – c’est leur rôle premier – à autoriser ces produits (sur la base de tests de la compagnie Monsanto huit à dix fois moins longs et détaillés que les nôtres !), qui ont toujours nié les signes de toxicité que nous y avons vus, et qui se refusent toujours à communiquer leurs données, comment espérer que ceux-là se désavouent un jour en reconnaissant la validité de toute ou partie de notre étude ? »
Quel dérisoire procédé rhétorique, bien connu des zététiciens, qui consiste à admettre pour vrai ce qu’on est censé démontrer ! Résumons le sous la forme stylisée suivante :
Séralini : « mon étude démontre la toxicité des OGM et par là-même le laxisme des agences qui ont autorisé ces produits ».
Le sceptique : « oui, mais de nombreux scientifiques et des agences ont émis un avis négatif sur vos travaux »
Séralini : « cet avis est nul et non avenu, puisque venant de ceux ont autorisé ces produits ».
Le culot étant toujours la meilleure défense quand on est pris en flagrant délit, aux « 40 lobbyistes et groupements » ignares ou corrompus qui se seraient donc acharnés contre lui, GES oppose
« plus de 300 signatures de soutiens et félicitations de scientifiques de trente-trois pays du monde sur cinq continents ».
Mouais…
1/ Le manifeste de soutien assassin9,vraisemblablement à l’initiative de Pierre Henri Gouyon, est signé par des chercheurs dont la plupart ne sont pasdu domaine de l’étude (OGM, toxicologie). Quand on soutient Séralini, l’ignorance crasse n’est donc pas un problème. …
2/ Il y a à boire et à manger parmi les « scientifiques » de trente-trois pays10 : citons entre autres Vandana Shiva, les époux Bourguignon, un ingénieur forestier, et même un représentant de l’Église unie du Christ….
3/ Mais surtout, ce soutien « citoyen » masque la terrible solitude de GES sur le plan scientifique. Même le manifeste est obligé de concéder les défauts de cette étude. Sur le plan technique, une seule personne s’est risquée à en défendre les conclusions probablement sans l’avoir lue : l'académicien Paul Deheuvels, dont les écologistes admirateurs de Séralini seront ravis d'apprendre qu'il a été un soutien à Claude Allègre dans la controverse sur le climat.11.
Un consultant sans relations avec ceux pour qui il a travaillé
Voici comment Séralini résume l'enquête qui met en lumière ses liaisons douteuses :
« Ainsi donc, me voilà maintenant lié à une secte parce que j’ai testé dans mon laboratoire les produits pharmaceutiques d’une compagnie, Sevene Pharma, qui met au point des extraits de plantes détoxifiantes et dont certains actionnaires auraient fait partie d’une organisation soi-disant sectaire. »
1) Pourquoi « organisation soit-disant sectaire ? ». GE Séralini veut-t-il par là simplement suggérer que le terme de secte n'est en général pas très pertinent et que les limites entre religion et secte sont difficiles à établir, ou alors veut-il plutôt dédouaner IVI d'une caractérisation communément utilisée pour désigner un groupe manifestement dingo ? Pour se rendre compte de ce qu'est IVI, on peut revoir dans les archives de l'INA le documentaire diffusé en 1988 par Antenne 2 après que leurs journaliste aient filmé les guérisseurs en pleine action :
http://www.ina.fr/video/CAB02017343/ja2-20h-emission-du-8-juillet-1988.fr.html
Alors, secte ou pas secte, difficile à dire, ça dépend de l'usage que l'on fait du mot et de l'extension qu'on lui donne. Mais, à coup sûr, après avoir vu le reportage, on se dit que les membres d'IVI ne sont pas « soit-disant barjots », mais bien « complètement illuminés », si c'est cet aspect-là des sectes que l'on veut faire ressortir.
2) Pourquoi écrire que certains actionnaires de Sevene Pharma « auraient fait partie » d'IVI ? Pourquoi ce conditionnel ? Séralini remet-il en cause les informations avancées à ce sujet par Agriculture et Environnement, et qui n'ont non seulement pas été démenties par les différents droits de réponse envoyés au site [4 à l'heure où nous écrivons], mais même de fait confirmées par le coup de la double casquette de Daniel Chauvin.
Rappelons que, dans son enquête, Gil Rivière-Wekstein ne fait pas de vagues sous-entendus diffamatoires, comme les affectionnent les anti-OGM, mais qu'il apporte des éléments précis et des noms :
« Anne de Constantin possède des actions de Sevene Pharma, tout comme d’autres responsables notoires d’IVI, dont son président actuel, Daniel Chauvin, son actuelle vice-présidente, Maud André-Vilgrain, et son ancien président, Georges Dulaurans. Et ce n’est pas tout. La direction commerciale et marketing de Sevene Pharma se situe au siège d’IVI, à Boulogne-Billancourt. »
Donc, oui, M. Séralini, nous avons toutes les raisons de croire que vous avez testé dans votre laboratoire des produits d'une firme homéopathique, dont certains actionnaires sont membres d'un groupe que l'on peut considérer comme une secte si l'on pense pertinent le jugement sur ce groupe établi par une commission d'enquête parlementaire 12.
Peu importe, Gilles-Eric Séralini ne se démonte pas et nous livre cette incroyable perle :
« Soit dit en passant, j’ai également testé les produits de Monsanto sans qu’on me tienne pour autant responsable du curriculum de leurs actionnaires, ni qu’on me soupçonne d’êtretombé sous leur influence, tant s’en faut. »
Elle est bien bonne, celle-là !!! Quand Séralini a testé les produits de Monsanto, l'a-t-il fait au service de Monsanto, avec la pleine et entière collaboration de cette firme et en partenariat avec du personnel de celle-ci ? Parce que c'est ce qu'il a fait avec Sevene Pharma, si l'on suit les informations très précises d' A. et E. que Séralini n'essaie même pas de réfuter :
« Pour réaliser ses études, commanditées par la petite société cévenole, G.-E. Séralini a intégré à son équipe de recherche de Caen la directrice du personnel de Sevene Pharma, Cécile Decroix-Laporte, ainsi que sa « collaboratrice scientifique et coordinatrice des données cliniques », Claire Laurant-Berthoud, sympathisante d’Invitation à la Vie depuis plus de 20 ans. D’autres fidèles d’IVI ont apporté au chercheur de considérables financements, qui lui ont permis de réaliser huit de ses études. »
Avec cet argument, Séralini prend manifestement ceux qui le lisent pour des imbéciles.
Une enquête aux graves conséquences sanitaires pour des millions de gens
« Ces rumeurs sont simplement ridicules, et je n’aurais pas pris la peine d’y répondre, si elles ne risquaient d’avoir de très graves conséquences »
Encore une fois, il ne s'agit pas de rumeurs, mais d'informations très précises, avec des noms, des lieux et des chiffres. Peut-être que les noms, les lieux et les chiffres sont faux et mensongers, mais encore faudrait-il prendre la peine de les réfuter en les évoquant précisément, ce que le militant anti-OGM ne fait jamais dans sa supposée « réponse ». En ce sens, on peut dire que non, en réalité, Gilles-Eric Séralini n'a pas pris la peine de répondre à l'enquête d'A. et E. reprise par le Figaro.
« L’auteur [de l'article du Figaro] s’appuie sur une pseudo-enquête pleine de contre-vérités d’un blogueur qui cache à peine sa militance éhontée en faveur des OGM agricoles et dont les intérêts financiers qu’il entretient avec les firmes semencières viennent d’être dévoilés par Le Monde. »
Ça devrait être facile de citer au moins une contre-vérité . Par contre , voici effectivement un gros mensonge : nulle part Le Monde, qui procède surtout par insinuations, n’a dévoilé les liens du « blogueur » avec les firmes semencières13 !
Mais voici venue la deuxième perle de la réponse de Séralini, qui amène à s'interroger sur l'équilibre psychologique de l'auteur :
« En essayant de salir ma réputation, on tente de décrédibiliser mes travaux et l’on met peut-être ainsi indirectement en danger la santé de millions de gens »
Voici Gilles-Eric Séralini autoproclamé garant de la santé de millions de gens, rien que ça !
Quiconque enquêtera sur les pratiques de Gilles-Eric Séralini au service d'un laboratoire homéopathique tenus par des guérisseurs catho-bouddhistes adeptes de l'imposition des mains et de la prière salvatrice..... mettra immédiatement en danger la santé de millions de gens, qu'il le sache !
D'ailleurs, nous-mêmes, en écrivant ce texte, nous nous sentons gagnés par le poids de la culpabilité. Quels salauds nous sommes, quand même, à mettre ainsi en péril le bien être et peut-être la vie de millions d'être humains innocents dont Séralini est le protecteur indirect.
Qui finance qui ?
« Qu’il soit donc bien clair que :
1° La Société Sevene Pharma, qui vend des médicaments en pharmacie, n’a participé ni de près ni de loin aux financements de nos travaux sur les OGM »
Sans doute, dit comme ça. Sevene Pharma n'a pas en tant que telle, directement financé les travaux de Séralini sur les OGM contrairement par exemple à Carrefour, à Auchan ou au député UMP François Grosdidier (pour la dernière étude,sur le KN 603)
N'empêche que :
1) Quand Séralini publie d'un côté 3 études sur le « poison » RoundUp, produit testé par GES car utilisé avec les plantes GM tolérantes, et de l'autre deux études sur.... les contre-poisons préparés par Sevene Pharma, il y a comme une sorte de conjonction d'intérêts. Soit.
2) Cette conjonction d'intérêts a une vraie grosse gueule de « conflit d'intérêts », quand, selon les informations du Figaro qui a voulu vérifier celles d'Agriculture et Environnement, GE Séralini a perçu des rémunérations de la part de Sevene Pharma :
« Joint par Le Figaro, le directeur de la société [Sevene Pharma] nous précise que «le laboratoire de recherche de Caen (dirigé par le Pr Séralini, NDLR) a perçu deux fois en 2012 des rémunérations de prestations pour des conférences auprès des professionnels de santé, plus une rémunération en 2011 pour une formation de biochimie auprès de (ses) visiteurs médicaux.»
En général, du côté des anti-OGM, on hurle à la corruption pour bien moins que ça. Imaginons un instant un professeur de biologie moléculaire qui recevrait une rémunération de Monsanto pour d'une part faire des conférence de promo de produits Monsanto et de l'autre former les représentants de commerce [ce que sont les visiteurs médicaux] de Monsanto, et qui ensuite publierait des articles dans des revues scientifiques sur les qualités des produits de Monsanto, articles rédigés à partir d'expériences réalisées avec la participation de membres du staff Monsanto. Les anti-OGM s'époumonneraient à n'en plus finir sur ces liens qui décrédibiliseraient totalement selon eux la publication. Mais pourquoi ne le font-ils donc pas ici avec Séralini, qui a fait précisément la même chose ???? Il le fait pour sa part avec un labo homéopathique [ce qu'il savait et qu'il revendiquait] lié à un groupe d'illuminés surveillé par la Miviludes [ce qu'il ne savait pas forcément, et on veut bien le croire d'ailleurs, mais cela ne change rien à ce que nous disons ici].
3) Si Sevene Pharma n'a pas financé les travaux du Criigen sur les OGM, en revanche, les deux entités se retrouvent parfois côté à côté pour soutenir les glorieux efforts du professeur. Ainsi, lorsque l'on va voir les remerciements à la fin d'une étude dans laquelle Séralini participe à l'évaluation d'un produit de Sevene Pharma14, on peut lire ceci :
« This study was supported by Sevene Pharma Company. C.G. and E.C. received fellowships from the Conseil Regional de Basse-Normandie and the CRIIGEN (Committee for Independent Research and Information on Genetic Engineering). l C.G. fellowship was also supported by the Ethic Committee of Léa Nature Group/Jardin Bio for which we are very grateful. Part of the work was accomplished at C.Ris Pharma (for the Cytochromes and GST study). We thank the Foundations Human Earth and Denis Guichard for structural support. »
Amis non anglophones, sachez que « to support » signifie en anglais « soutenir/ aider/subvenir aux besoins», sans que le verbe n'indique en lui-même la nature de ce soutien (financier ? matériel ? « moral » ?). Donc, pour faire son étude en 2011 sur les produits de Sevene Pharma qui permettraient de réparer les dégâts que causerait le Round Up dans nos organismes, Séralini a travaillé avec des membres du personnel de Sevene Pharma [Cécile Decroix-Laporte15 et Claire Laurant16] et a reçu le « soutien » de Sevene Pharma [ainsi que la participation amicale (« fellowships ») du Criigen.... et du Conseil Régional de Basse-Normandie, dont on se demande ce qu'il vient foutre là], alors que par ailleurs, il effectuait visiblement à la même époque des prestations rémunérées pour la même société sous forme de conférence et formation.
Pourtant, bien entendu dans l'article publié par toute cette fine équipe, on peut lire au-dessus des remerciements cette formule assez drôle :
« The authors declare that they have no competing interests. »
Mais oui, en français, ça veut bien dire que les auteurs déclarent qu'ils n'ont pas de conflit d'intérêt !!!!!!!
Du coup, que ce soit en anglais ou en français, on se demande bien ce que ça pourrait encore être, un « conflit d'intérêt » ???
4) Dans les remerciements précédents, pour l'étude sur les détoxifiants anti-Round Up de Sevene Pharma, on note que la « Fondation Denis Guichard » est remerciée pour son « structural support » [whatever that means...]. La président actuelle de cette Fondation est Anne de Consantin, qui est plus ou moins adepte d'IVI17, et qui est par ailleurs actionnaire de.. devinez-quoi ?... de Sevene Pharma, mais oui !
Et, tant qu'on y est, qui est l'ancien président de la dite Fondation Denis Guichard ? On reste en pleine spiritualité écolo- chrétienne, puisqu'il s'agit du catholique Jean-Marie Pelt, qui a confondé avec Gilles-Eric Séralini.....le Criigen, bien sûr !
C'est sans doute au nom de ces anciennes relations amicales croisées et de ces affinités spiritualo-pseudoscientifiques que la fondation Denis Guichard a elle bel et bien financé à de nombreuses reprises les études de Séralini sur les OGM. C'est ainsi que Madame Anne de Constantin, qui a aussi un pied dans Sevene Pharma, est passée de l'éloge d'Yvonne Trubert, qui guérissait par la prière, au financement des études bidons de Séralini sur les OGM.
Donc, M. Séralini a beau prendre la pose en disant que jamais Sevene Pharma n'a financé les études du Criigen sur les OGM, tous ces éléments vérifiables et vérifiés [voir ce que nous avons mis en notes] indiquent bien qu'entre IVI, Sevene Pharma,la Fondation Denis Guichard et le Criigen, il y a effectivement un même réseau fait d'accointances, de « support », et de participations croisées, qui amènent à conclure que oui, M. Séralini et son Criigen baignent bien dans ce petit monde de guérisseurs pseudoscientifiques.
Nous qui avons toujours pensé qu'il y avait dans l'opposition aux OGM un mode de pensée irrationnel et antiscientifique, nous ne nous en étonnons pas.
Un chercheur homéosympathisant
« La firme vend des produits homéopathiques, c’est son droit le plus strict, mais une simple enquête aurait pu montrer, puisque ces travaux sont publiés, que nos expériences n’ont pas porté sur ceux-ci, mais sur des produits liquides de phytothérapie. Peu importe. »
Ben non, pas « peu importe », justement.
On peut effectivement penser que « c'est son droit le plus strict» et estimer que, dans une société du libre-choix revendiqué, il soit légitime que les croyants puissent croire à l'homéopathie, qu'on puisse en faire la propagande et que des boîtes de croyants intéressés puissent attraper les gogos consommateurs (étant donné que les pilules homéopathiques sont vides de tout principe actif, il n'y a pas de risque d'effets secondaires délétères, le risque direct en termes de santé publique est donc nul). Mais on n'est pas obligés non plus d'apporter sa caution scientifique, même indirecte, à ces inepties.
On peut à la fois défendre le droit des astrologues à croire en leurs trucs et même à en faire commerce, pour ne pas exercer une forme de police de la pensée, tout en trouvant honteux qu'il se soit trouvé, via la thèse d'Elisabeth Teissier, un jury de sociologues post-modernes pour servir de caution universitaire à la pseudo-science des astres. On peut à la fois défendre le droit à l'existence de l'homéopathie et de toutes les charlataneries du même genre, tout en souhaitant, à la fois pour des raisons d'éthique intellectuelle et pour des raisons pratiques de santé publique, qu'elles disparaissent naturellement faute de croyants pour les nourrir. Et il faut d'ici là refuser le remboursement par la sécurité sociale de produits n'ayant pas passé avec succès l'épreuve des tests en double-aveugle, et aussi résister aux tentatives d'imposer l'homéopathie dans les facs de médecine18.
C'est en cela que l'attitude de GE Séralini est à la fois condamnable... et amusante. Quand on exige sans cesse « plus de preuves scientifiques » sur les OGM, on devrait sans doute éviter de fricoter avec un laboratoire qui s'est installé sur le créneau (confortable et porteur) de la médecine qui s'abstient d'avoir à fournir des preuves scientifiques. On sent d'ailleurs dans ce passage de son communiqué que GE Séralini est un peu gêné aux entournures, vu qu'il tient à préciser que les produits de Sevene Pharma qu'il a testés, avec un grand succès selon lui, n'étaient pas des produits homéopathiques. Il était nettement moins affirmatif dans la vidéo d'une de ses conférences au cours de laquelle il faisait la promotion des produits de Sevene Pharma [voir note 2], dans laquelle il parlait à l'époque , à 0.22 , d'un « mélange de plantes, sur des granules, un mélange de plantes qui sont à la frontière de l'homéopathie et de la phytothérapie, et que nous avons testées.... »
Et les sceptiques de se demander ironiquement à combien de hautes dilutions se trouve la frontière entre l'homéopathie et la phytothérapie...
En tous cas, il semble que selon les publics et selon l'image qu'il veut donner, Gilles-Eric Séralini prend plus ou moins ses distances avec l'homéopathie. Mais l'on peut constater que, en dehors même du cas de Sevene Pharma, sa distance habituelle avec l'homéopathie est très réduite, puisque le président actuel du Criigen, Joel Spiroux de Vendomois. est précisément un homéopathe (et acupuncteur !), avec qui il cosigne la plupart de ses articles. On peut rappeler aussi que Gilles-Eric Séralini, tout comme son compère anti-OGM Christian Vélot, est signataire, ça tombe bien, d'une pétition-manifeste pour la « liberté thérapeutique » et la reconnaissance des « médecines non conventionnelles »19. Donc, si on comprend bien, la médecine, c'est pas comme les OGM, là on peut être libre de faire n'importe quoi sans se fonder sur des preuves scientifiques expérimentales, c'est bien ça ? Ben oui, c'est bien ça, c'est très précisément ce que dit le Manifeste en question, dont Séralini est des premiers signataires.
Aux côtés de Jean-Marie Pelt, confondateur du Criigen et ancien président de la Fondation Denis Guichard, que le monde est petit !
Une dernière petite entourloupe pour la route
Lorsque GE Séralini dit à la fin de son texte :
« Par ailleurs, IVI affirme avoir gagné en justice contre ce qu’on leur reproche, et l’affaire en question remonte à… 25 ans (1987) ! »
il laisse penser au lecteur que IVI aurait gagné un procès face à ceux qui l'accusent d'être une secte, et que donc tout cela ne serait qu'une question de conscience spirituelle personnelle et que bon on va pas en faire tout un fromage.
Sur le site Prévensectes20, on peut constater qu'IVI et Séralini ont au moins un autre point commun en dehors de leurs relations croisées via Sevene Pharma et la Fondation Denis Guichard, c'est leur propension à faire des procès à ceux qui disent du mal d'eux. En cherchant sur Internet trace d'une victoire judiciaire d'IVI comme celle que Séralini évoque21, on ne trouve rien. Mais peut-être est-il fait allusion à la simple victoire judiciaire contre Antenne 2, pour une question de contrat préalable entre la chaîne et l' « association spirituelle » : le contrat d'autorisation de filmer portait sur un reportage pour une émission sur les guérisseurs, alors que la chaîne, un peu polissonne sur ce coup-là, a diffusé les images d'IVI dans une émission consacrée aux sectes. C'est en tous cas ce que laisse penser le début de la vidéo dans les archives de l'INA... et c'est l'occasion de reposter ce lien et de reconseiller son visionnage, pour que chacun se rende bien compte de à quoi on a affaire :
http://www.ina.fr/video/CAB02017343/ja2-20h-emission-du-8-juillet-1988.fr.html
Donc, en l'état de nos informations, on peut supposer que quand il dit que IVI a gagné un procès contre "ce qu'on leur reproche", Gilles-Eric Séralini a simplement mal compris ce que disent ces gens qu'il ne connaît pas très bien....
Une séralinade en guise de conclusion
Bien évidemment, chacun l'aura compris, les journalistes ou bloggeurs qui s'intéressent aux relations de Séralini avec IVI et Sevene Pharma ne peuvent être que des conspirateurs au sevrice de on ne sait qui mais on se doute bien :
« Et l’on peut se demander, en retour, quels sont les intérêts ainsi servis, au nom du « journalisme objectif » »
D'ailleurs, la publication conjointe du présent billet sur les blogs "Imposteurs" et "La faucille et le labo" indique clairement l'existence d'une offensive concertée manipulée par un puissant lobby tentaculaire décidé à coûte que coûte mettre en danger la vie de millions de gens.
Amen.
Yann Kindo et Anton Suwalki
1 http://www.agriculture-environnement.fr/a-la-une,6/la-part-d-ombre-du-professeur-seralini,849.html
2 http://blog.sevenepharma.com/de-linteret-de-la-detoxification-des-cellules/
3Voir par exemple : http://www.criigen.org/SiteFr//index.php?option=com_content&task=view&id=350&Itemid=32 http://www.criigen.org/SiteFr//index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=85&Itemid=126 (pour le séminaire « Ecomédecine et détoxification »)
4 L'article de Wikipédia consacré à IVI mentionne Georgina Dufoix comme une membre ou ancienne membre d'IVI. http://fr.wikipedia.org/wiki/Invitation_%C3%A0_la_vie Il se fonde sur un article de L'Express de 1996, à propos de Marie de Hennezel et d'IVI, qui présente la ministre de la Santé de Mitterrand comme une « célèbre adepte d'IVI » http://www.lexpress.fr/informations/ceux-qui-harmonisent-la-mort_611979.html Il n'a pas été possible de trouver ailleurs sur Internet confirmation de cette information.
5 http://www.agriculture-environnement.fr/actualites,12/droit-de-reponse-a-daniel-chauvin,852.html
6 http://www.criigen.org/SiteFr//index.php?option=com_content&task=view&id=464&Itemid=1
7 http://www.lefigaro.fr/sciences/2013/01/09/01008-20130109ARTFIG00671-ogm-les-liaisons-dangereuses-du-pr-seralini.php
8 Séralini se complait dans la posture du héros victime de la pieuvre mondiale : « Chacun aura compris que la bassesse des attaques dont je fais l’objet est inversement proportionnelle à la hauteur des enjeux économiques liés aux OGM agricoles et aux pesticides. Il s’agit en effet de breveter, grâce aux biotechnologies, la base même de l’agro-alimentaire ! Et l’évitement de tests sérieux de plus de trois mois sur des mammifères, grâce à la complicité des agences sanitaires se répondant en écho, ne fait qu’augmenter la rentabilité de ces nouveaux aliments. C’est peut-être là que se situent les liaisons dangereuses entre scientifiques et industriels ! »
9 http://imposteurs.over-blog.com/article-gilles-eric-seralini-un-manifeste-de-soutien-assassin-par-wackes-seppi-112720115.html
10 http://www.criigen.org/SiteFr/images/stories/openletterindepeendentscience.pdf
11 http://imposteurs.over-blog.com/article-etude-du-criigen-sur-le-mais-nk-603-une-bombe-mediatique-et-apres-conclusion-provisoire-111638962.html
12 http://fr.wikipedia.org/wiki/Invitation_%C3%A0_la_vie
13 http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/01/17/accusations-de-liens-entre-m-seralini-et-une-secte-guerisseuse_1818564_3244.html
14 http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3041787/
15 Cécile Decroix-Laporte ets présentée comme « Directrice Générale de la Société Sevene Pharma Monoblet » dans le jury de la thèse soutenue par Cécile Gasnier à l'université de Caen le 23 septembre 2009. Gilles Eric Séralini et l'homéopathe Joel Spiroux de Vendemois, du Criigen, figurent également dans ce jury. http://www.unicaen.fr/ednbise/actualites/new_soutenances.html
16 Elle est présentée ici, à propos d'aromathérapie [encore une autre spécialité hautement scientifique] comme membre du laboratoire Sevene Pharma : http://uk.aromatherapie.ville-grasse.fr/Professionnals/The-Speakers
17 Elle préfaçait par exemple ce livre de la gourou originelle d'IVI, Yvonne Trubert : http://www.amazon.fr/Semeurs-desp%C3%A9rance-Chroniques-Invitation-ebook/dp/B00813OB4O
18 Voir par exemple ce qui se passe en Belgique ces jours-ci : http://www.lavenir.net/article/detail.aspx?articleid=DMF20130128_00261214
19 http://www.acecomed.org/manifeste/index.php?petition=2 et http://www.medecine-ecologique.info/?Manifeste-pour-une-medecine
20 http://www.prevensectes.com/ivi4.htm
21 La recherche est compliquée par le fait qu'une affaire d'assassinat jugée en Languedoc-Roussillon en 2011 concernait des membres d'IVI, donc la recherche procès/IVI amène souvent sur ça :