De « Home » à « Echappées belles », l'intox continue
« Home », le film de propagande de Yann-Arthus Bertrand, a-t-il pesé dans la balance électorale des Européennes ? Lui-même semble le penser et a l’outrecuidance de s’en féliciter, ainsi des efforts personnels de Sarkozy pour donner à sa propagande une dimension planétaire ! C’est bien connu, les cons osent tout et c’est à ça qu’on les reconnaît ! En gros : je triche, je manipule, et alors c’est pour une bonne cause, où est le problème ?
Ne nous étonnons pas que ces gens soient sûrs de leurs bons droits, quand aucun politicien n’a le courage d’apporter le moindre début de contradiction à ces « grandes consciences » qui pontifient en permanence. Il y a 20 ans, chaque politicien se devait de jurer sur l’honneur qu’il était un super démocrate. Aujourd’hui, on montre patte verte, et le désolant Juppé de faire acte de contrition, et de proclamer qu’il ne mangera plus de cerises en hiver ! Ce Juin n’était-il pas le « D-Day » de l’écologie ainsi que l’a proclamé un médiocre personnage récemment épinglé ici même ? On devrait se poser la question de savoir qui a fourni à nos drôles de libérateurs les barges du débarquement. Les bombardements ne sont pas près de diminuer en intensité. Après Home, le D-Day, on nous remet du Hulot à France 2, et un people qui bien sûr « boit ses paroles" . Quelques jours après, c’est encore du Yann-Arthus Bertrand. Et aucun contradicteur.
Dimanche dernier, en matinée, c’était au tour de France 5 de prendre le relais de cette propagande en boucle avec une « Echappées belles » en Indonésie. Ca vaut très largement du YAB. Le type qui a commis ça s’appelle Vincent Leduc
D’indonésiens vous n’en verrez guère dans ce reportage. Le journaliste, véritable Tintin au Congo, se désespère du paradis tropical perdu, celui qui était peuplé de bons sauvages animistes qui vivaient en harmonie avec Mère nature. On a droit à de très belles images de ces volcans, véritables mastodontes qui écrasent symboliquement de leur taille et de leur puissance les misérables petites créatures humaines qui ont oublié d’être humbles et s’exposent à la juste colère de ces dieux.
Le petit bourgeois parisien qui a payé (lui ou sa chaîne) des milliers d’euros enrage de retrouver l’ambiance du périphérique dans les grandes villes du Sud. « C’est le village mondial » commente-t-il aigrement. Ces salauds d’indonésiens lui ont volé son rêve de pureté originelle, eux qui ne reconnaissent plus les « vraies valeurs » et semblent aimer les bagnoles, comme les vulgaires populos des pays riches. Si ça continue, ils voudront eux aussi le tout-à-l’égout, où va-t-on je vous le demande !!!
Il part à la recherche de la « vraie humanité », celle des communautés villageoises traditionnelles, de la société vernaculaire qui n’a pas été « pervertie », et peine à en trouver quelques vestiges. Les 150 millions d’indonésiens réellement existants n’existent pas pour ce monsieur, à part comme repoussoirs. Tout au long de son parcours, la magique forêt équatoriale perd du terrain au profit des palmeraies vouées à produire du biocarburant qui rempliront peut-être un jour le réservoir de son véhicule parisien. N’attendez pas de l’ingrat qu’il se rende compte de ses propres contradictions…N’attendez-pas non plus une ébauche de réflexion écologique scientifique sur le sujet, qui est certes sérieux. Seule émerge de ce discours la complainte du petit blanc nanti qui n’en a pas eu pour son argent en matière de dépaysement.
Il arrive enfin à trouver un village plus ou moins préservé : il ne reste plus que deux grandes demeures traditionnelles. Tout-à-fait révélateur d’une mentalité, on nous invite à nous émerveiller d’un dispositif antisismique de ces demeures construites sur pilotis, dont nous n’avons toutefois aucune indication de l’efficacité réelle. Reconnaître que l’ingéniosité humaine n’a pas d’âge ni de frontière ne pose a priori aucun problème à aucun matérialiste scientifique, mais la trivialité du message ne lui aura pas échappé : voyez comme nous avons tout à « réapprendre ». Ces gens là savaient déjà tout ce qu’il fallait savoir pour apprivoiser la nature, contrairement à tous ces minables ingénieurs et leur maudite technologie moderne !
Le comble est atteint lorsque le triste Vincent Leduc intercale dans ce reportage quelques portraits humains, ces individus (certes très sympathiques) qui évoquent encore ce monde « merveilleux » dont il se languit. Un véritable forçat fait des kilomètres pour venir ramasser des galettes de souffre dans le cratère d’un volcan, respirant des vapeurs qui réduisent sans doute considérablement son espérance de vie. Si le même individu était exposé à un risque cent fois moindre par des pesticides utilisés dans les palmeraies dénoncées dans ce reportage, le reporter trouverait ça scandaleux. Le pauvre homme ramène sur ses épaules, dans un voyage périlleux sur des chemins escarpés, environ 75 kilos de souffre. A vue de nez, compte tenu de son gabarit, au moins de son propre poids. Incontestablement un exploit sur le plan physique. Mais aussi quelle souffrance pour au final, ne gagner que de 2,50 euros à chaque voyage. Loin de s’émouvoir du dénuement extrême de cet homme , obligé de tuer au travail en gagnant par jour ce que le journaliste gagne en quelques minutes, celui-ci exalte au contraire cette condition inhumaine! C’est un peu comme si on réécrivait Germinal en magnifiant ce monde merveilleux d’enfants poussant des chariots dans les galeries des mines, un idéal pour l‘humanité. Véritable philistin, Vincent Leduc justifie très ingénument son plaidoyer : le forçat ne se plaint pas...
Là, on se dit que la coupe est pleine, mais c’est oublier que ne connaissant pas de limites, certains se débrouillent toujours pour faire déborder le vase. Oui la vie de cet homme est merveilleuse. La preuve ? Il a deux femmes et il les contente tous les soirs (« c’est lui qui me l’a confié » affirme la voix off du journaliste).Ce journaliste est décidément un sombre crétin réactionnaire, il n‘y a pas d‘autres mots ! La complainte écologiste charrie avec elle les pires clichés qu’on espérait disparus à jamais.
On peut donc faire encore pire que Yann Arthus Bertrand. Ca paraît incroyable mais ce journaliste l’a réussi.
Anton Suwalki