Pourquoi les anti-bio ...tiquent (suite 2)
3ème partie
4) Les lendemains qui chantent de l'agriculture bio ?
Après avoir inlassablement dénoncé le productivisme , voilà maintenant que les partisans de l'agriculture biologique militent pour une agriculture 100% bio, affirmant avec un certain aplomb que
celle-ci est susceptible de nourrir la planète. Voyons ce qu'il en est :
Certes, un colloque de 3 jours tenu à Rome sous le patronage de la FAO a bien émis un rapport final
selon lequel c'est possible (1) . Une assertion rapidement démentie par le président de la FAO, très
intelligemment dénoncé par un commentateur de l'article de Yann Kindo (2), comme le porte-parole des Lobbies. Pourtant le caractère partisan du rapport final saute aux yeux. L'exposé
condamne sans appel l' « agriculture industrielle », et on relève dès les premières lignes quelques erreurs intéressées:
« l'utilisation d'intrants agricoles chimiques n'a cessé d'augmenter ces 20 dernières années, mais la productivité du secteur céréalier est en constant recul »
Une assertion vite démentie lorsqu'on se reporte aux données concernant des pays ayant recours à
l'agriculture intensive, un exemple en France :
On trouvera pour les années récentes, des données concernant le Canada (3) ne mentionnant aucune
tendance récente au déclin de la productivité, les variations annuelles liés aléas climatiques gommées.
Dans d'autres domaines , les données de la FAO elle-même prouvent une augmentation très forte des
rendements dans diverses régions du globe. Comment faut-il juger, les affirmations sur l'aptitude à nourrir le monde dans un rapport qui commence par des « erreurs » afin d'incriminer son
adversaire supposé ?
Plus fort, le rapport de 14 pages réussit le tour de force d'occulter TOTALEMENT le rôle pourtant désormais clé des OGM, et le fait qu'ils contribuent à une réduction de l'utilisation des
intrants agricoles, un soucis pourtant affiché par les participants.
La seule mention faite sur les OGM est dans les préconisations finales :
« protéger les surfaces dédiées à l'agriculture biologique contre toute forme de contamination (zones exemptes d'organismes génétiquement modifiés); ».
L'aspect purement idéologique du rapport est donc limpide.
Et les amateurs de modélisation seront ravis d'apprendre que :
« Une conversion planétaire à l'agriculture biologique, sans défrichement de zones sauvages à des fins agricoles et sans utilisation d'engrais azotés, déboucherait sur une offre de produits
agricoles de l'ordre de 2640 à 4380 kilocalories par personne et par jour. »
Il est vraiment amusant de constater dans un dossier qui prétend se soucier de nourrir le monde demain et donc d'assurer la sécurité alimentaire, que le modèle d'agriculture que l'on prône repose sur un rendement « de l'ordre de » , avec un écart de 80% sur les minima et maxima !
Si le rapport a le mérite de souligner les problèmes sociaux qui n'ont pas en soi pour origine l'agriculture moderne mais le mode d'organisation économique, la problématique est donc viciée dès le départ, et il n'est donc pas si étonnant que la FAO s'en soit démarquée.
En outre, l'affirmation selon laquelle l'agriculture biologique permettrait un accroissement des rendements (au moins dans certaines régions ) du Sud à l'agriculture archaïque n'est pas fausse, mais volontairement réductrice. En effet, la simple acquisition de connaissances qui peuvent faire défaut à des agriculteurs, la sélection judicieuse de variétés à meilleurs rendements ou plus résistantes etc… aboutiraient par définition à de meilleurs rendements, toute chose égale par ailleurs. Mais il est évident que l'emploi judicieux et raisonnable d'intrants phytosanitaires serait susceptible (dans la plupart des cas) d'augmenter considérablement les rendements par rapport aux simples acquisitions techniques. Une augmentation dont les partisans du bio ne veulent pas entendre parler.
Dans le contexte de 2,5 milliards de bouches supplémentaires à nourrir dans les prochaines décennies, et compte tenu de centaines de millions de personnes qui
ont déjà soi faim soit souffrent de carences alimentaires diverses , comment admettre un discours qui condamne les seuls moyens connus pour augmenter sensiblement la disponibilité en produits
agricoles (l'agriculture « productiviste ») et qui condamne les biotechnologies susceptibles de répondre au moins partiellement aux conséquences environnementales de l'agriculture basée sur la
chimie, aux adaptations nécessaires compte tenu des perspectives climatiques (résistance à la sécheresse, moindre consommation d'eau etc…) ? Le rapport lui-même admet pour les pays développés une
diminution par 2 des rendements due à l'adoption de l'agriculture biologique tandis qu'ils tableraient sur une augmentation hypothétique de 50% dans les pays « en développement ». La première
hypothèse est directement vérifiable à partir des comparaisons faites sur le terrain entre agriculture biologique et agriculture productiviste. La deuxième relève elle de « modèles » dont
on a pu apprécier la précision… Par ailleurs, ces rendements immédiats ne prennent pas en compte les pertes extrêmement variables de culture due aux ravageurs,
champignons etc…, et pour lesquelles les moyens de lutte de l'agriculture biologique sont la plupart du
temps beaucoup moins efficaces (4). Priver ainsi que le veulent les partisans du bio les agriculteurs de moyen de lutte les plus efficaces contre les agression de leurs récoltes, c'est
incontestablement
augmenter considérablement l'insécurité alimentaire, et non la diminuer.
Alors, oui, bien etendu, l'agriculture bio a le droit d'exister. Mais ce prosélytisme qui s'est invité à Rome comme au Grenelle de l'environnement, est au
mieux un néo-lyssenkisme dangereux, au pire un néo-impérialisme culturel lorsque ces gens cherchent à priver les agriculteurs du Sud d'avoir accès à une agriculture réellement efficace. De
ce point de vue, les Pères Verts (5) valent bien les Pères Blancs. De là à ce que ce soucis d'interdire aux populations du Sud l'accès à une alimentation variée ,une alimentation carnée
régulière (6) et une agriculture efficace aient pour certains des mobiles moins nobles que le respect des cultures locales , de l' « authenticité » ….
Notes :
(1) ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/meeting/012/J9918F.pdf
(2) http://imposteurs.over-blog.com/article-16105584-6.html#anchorComment
(3) http://www.stat.gouv.qc.ca/regions/profils/profil13/struct_econo/agriculture/cultures13.htm
(4) lire par exemple :
http://www.agriculture-environnement.fr/Des-patates-bio-cultivees-avec-des.html
Les affaires de perte massives de récolte bio, là où les cultures traditionnelles résistent mieux sont très
nombreuses, et se multiplient avec l'engouement bio.
(5) Je précise que ça s'écrit en deux mots…
(6) fait dont on n'a pas parlé , la moitié de la production mondiale est destinée à l'alimentation animale. Le modèle bio généralisée suppose une réduction drastique de l'alimentation
carnée dans les pays riches et interdit en pratique son augmentation dans les pays « pauvres ».