Pourquoi les anti-bio ...tiquent (suite 2)

Publié le par Anton Suwalki

                                                                           3ème partie

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4) Les lendemains qui chantent de l'agriculture bio ?

Après avoir inlassablement dénoncé le productivisme , voilà maintenant que les partisans de l'agriculture biologique militent pour une agriculture 100% bio, affirmant avec un certain aplomb que celle-ci est susceptible de nourrir la planète. Voyons ce qu'il en est :

Certes, un colloque de 3 jours tenu à Rome sous le patronage de la FAO a bien émis un rapport final
selon lequel c'est possible (1) . Une assertion rapidement démentie par le président de la FAO, très
intelligemment dénoncé par un commentateur de l'article de Yann Kindo (2), comme le porte-parole des   Lobbies. Pourtant le caractère partisan du rapport final saute aux yeux. L'exposé condamne sans appel l' « agriculture industrielle », et on relève dès les premières lignes quelques erreurs intéressées:
« l'utilisation d'intrants agricoles chimiques n'a cessé d'augmenter ces 20 dernières années, mais la productivité du secteur céréalier est en constant recul »

Une assertion vite démentie lorsqu'on se reporte aux données concernant des pays ayant recours à
l'agriculture intensive, un exemple en  France :

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On trouvera pour les années récentes, des données concernant le Canada (3) ne mentionnant aucune
tendance récente au déclin de la productivité, les variations annuelles liés aléas climatiques gommées.
 
Dans d'autres domaines , les données de la FAO elle-même prouvent une augmentation très forte des
rendements dans diverses régions du globe. Comment faut-il juger, les affirmations sur l'aptitude à nourrir le monde dans un rapport qui commence par des « erreurs » afin d'incriminer son adversaire supposé ?

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Plus fort, le rapport de 14 pages réussit le tour de force d'occulter TOTALEMENT le rôle pourtant désormais clé des OGM, et le fait qu'ils contribuent à une réduction de l'utilisation des intrants agricoles, un soucis pourtant affiché par les participants.
La seule mention faite sur les OGM est dans les préconisations finales :
« protéger les surfaces dédiées à l'agriculture biologique contre toute forme de  contamination (zones exemptes d'organismes génétiquement modifiés); ».


L'aspect purement idéologique du rapport est donc limpide. 

Et les amateurs de modélisation seront ravis d'apprendre que :
« Une conversion planétaire à l'agriculture biologique, sans défrichement de zones sauvages à des fins agricoles et sans utilisation d'engrais azotés, déboucherait sur une offre de produits agricoles de l'ordre de 2640 à 4380 kilocalories par personne et par jour. »

Il est vraiment amusant de constater dans un dossier qui prétend se soucier de nourrir le monde demain et donc d'assurer la sécurité alimentaire, que le modèle d'agriculture que l'on prône repose sur un rendement « de l'ordre de » , avec un écart de 80% sur les minima et maxima !

Si le rapport a le mérite de souligner les problèmes sociaux qui n'ont pas en soi pour origine l'agriculture moderne mais le mode d'organisation économique, la problématique est donc viciée dès le départ, et il n'est donc pas si étonnant que la FAO s'en soit démarquée.

En outre, l'affirmation selon laquelle l'agriculture biologique permettrait un accroissement des rendements (au moins dans certaines régions ) du Sud à l'agriculture archaïque n'est pas fausse, mais volontairement réductrice. En effet, la simple acquisition de connaissances qui peuvent faire défaut à des agriculteurs, la sélection judicieuse de variétés à meilleurs rendements ou plus résistantes etc… aboutiraient par définition à de meilleurs rendements, toute chose égale par ailleurs. Mais il est évident que l'emploi judicieux et raisonnable d'intrants phytosanitaires serait susceptible (dans la plupart des cas) d'augmenter considérablement les rendements par rapport aux simples acquisitions techniques. Une augmentation dont les partisans du bio ne veulent pas entendre parler.

 

Dans le contexte de 2,5 milliards de bouches supplémentaires à nourrir dans les prochaines décennies, et compte tenu de centaines de millions de personnes qui ont déjà soi faim soit souffrent de carences alimentaires diverses , comment admettre un discours qui condamne les seuls moyens connus pour augmenter sensiblement la disponibilité en produits agricoles (l'agriculture « productiviste ») et qui condamne les biotechnologies susceptibles de répondre au moins partiellement aux conséquences environnementales de l'agriculture basée sur la chimie, aux adaptations nécessaires compte tenu des perspectives climatiques (résistance à la sécheresse, moindre consommation d'eau etc…) ? Le rapport lui-même admet pour les pays développés une diminution par 2 des rendements due à l'adoption de l'agriculture biologique tandis qu'ils tableraient sur une augmentation hypothétique de 50% dans les pays « en développement ». La première hypothèse est directement vérifiable à partir des comparaisons faites sur le terrain entre agriculture biologique et agriculture productiviste. La deuxième relève elle de « modèles »  dont on a pu apprécier la précision… Par ailleurs, ces rendements immédiats ne prennent  pas en compte les pertes extrêmement variables de culture due aux ravageurs,
champignons etc…, et pour lesquelles les moyens de lutte de l'agriculture biologique sont la plupart du
temps beaucoup moins efficaces (4).  Priver ainsi que le veulent les partisans du bio les agriculteurs de moyen de lutte les plus efficaces contre les agression de leurs récoltes, c'est incontestablement
augmenter considérablement l'insécurité alimentaire, et non la diminuer.


Alors, oui, bien etendu, l'agriculture bio a le droit d'exister. Mais ce prosélytisme qui s'est invité à Rome comme au Grenelle de l'environnement, est au mieux un néo-lyssenkisme dangereux, au pire un néo-impérialisme culturel lorsque ces gens cherchent à priver les agriculteurs du Sud d'avoir accès à une agriculture réellement efficace. De ce point de vue, les Pères Verts (5)  valent bien les Pères Blancs. De là à ce que ce soucis d'interdire aux populations du Sud l'accès à une alimentation variée ,une alimentation carnée régulière (6) et une agriculture efficace aient pour certains des mobiles moins nobles que le respect des cultures locales , de l' « authenticité » ….

 

Notes :

(1) ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/meeting/012/J9918F.pdf

(2) http://imposteurs.over-blog.com/article-16105584-6.html#anchorComment

(3) http://www.stat.gouv.qc.ca/regions/profils/profil13/struct_econo/agriculture/cultures13.htm

(4) lire par exemple :
http://www.agriculture-environnement.fr/Des-patates-bio-cultivees-avec-des.html
Les affaires de perte massives de récolte bio, là où les cultures traditionnelles résistent mieux sont très
nombreuses, et se multiplient avec l'engouement bio.
(5) Je précise que ça s'écrit en deux mots…
(6) fait dont on n'a pas parlé , la moitié de la production mondiale est destinée à l'alimentation animale. Le modèle bio généralisée suppose une réduction drastique de l'alimentation carnée  dans les pays riches et interdit en pratique son augmentation dans les pays « pauvres ».

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L
Lu jusqu'au bout. Toujours très bien argumenté, mais un peu moins nuancé, plus partisan dans les dernières pages me semble-t-il. Peut-être contrebalancer avec un peu plus d'analyse du fonctionnement actuel de l'agriculture internationale (car le mythe des pauvres paysans isolés ne sachant pas produire assez pour eux-mêmes me semble plus que problématique et à interroger — les mécanismes du marché international actuel peuvent également expliquer certaines mauvaises passes alimentaires, sans compter d'autres facteurs tels que le changement climatique, l'accroissement de populations, les instabilités politiques etc. ) L'article reste excellent à lire toutefois, soulevant de vraies questions, et les soulevant bien. Merci, donc.
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