La communication toxique de Générations futures, par Wackes Seppi
En 2010 : « Menus toxiques »
L'année dernière, Générations futures, anciennement Mouvement pour le droit et le respect des générations futures (MDRGF), nous avait gratifiés d'une « étude » nauséabonde sue les « substances chimiques » présentes dans les « repas types d’une journée d’un enfant d’une dizaine d’années » [1]. En composant les quatre repas et l'en-cas supposés être représentatifs, la pseudo-organisation – un faux-nez pour un certain François Veillerette qui en a longtemps été le président et en est maintenant le porte-parole [2] – avait fait preuve de « sagacité » pour s'assurer un résultat anxiogène à souhait ; l'enfant ingurgitait par exemple du thé le matin, ainsi que deux poissons du sommet de la chaîne alimentaire, du thon en entrée à midi et du saumon le soir. Alors que les produits avaient été prétendument achetés entre juillet et septembre 2010, soit en pleine saison de production française, la pomme était originaire du Brésil et les haricots du Kenya... Un menu de fils ou fille de Français pas vraiment moyen et certainement pas smicard !
Et donc,
« Les résultats de cette 1ère enquête, publiée en décembre 2010, montraient qu’en 24h, un enfant était susceptible d’être exposé, uniquement par son alimentation, [à] pas moins de 128 résidus chimiques, la palme ayant été attribuée aux pesticides avec 36 molécules différentes ingérées en une seule journée dont 17 cancérigènes et perturbateurs endocriniens ! » [3]
Tout cela était étalé sur un site intitulé Menus toxiques et s'inscrivait, était-il dit, dans le cadre d'une campagne « Environnement et Cancer » menée avec HEAL [4] en partenariat avec le RES[5] et le WWF-France.
En 2011 : une comparaison entre « conventionnel » et « bio » sur fond de polissonnerie médiatique
Une « organisation » qui fait dans la « comm » ne peut évidemment pas survivre sans « comm ». Pour rester sous les feux de la rampe, Générations Futures a donc produit une nouvelle « étude » comparant les versions « conventionnelles » et « bio » des produits végétaux du menu de 2010. Avec un ajustement signalé : la pêche, qui n'était plus de saison, a été remplacée par une clémentine... espagnole dans le premier cas et française dans le deuxième [6].
Mais l'objectif déclaré n'était évidemment pas un vulgaire besoin d'assurer l'existence et le train de vie de l'organisation (et de quelque personne ?)et la (leur) notoriété :
« Suite à la parution de cette enquête et aux résultats obtenus, de nombreuses personnes ont souhaité savoir si il (sic) y avait une réelle différence entre les menus non bio étudiés et des repas composés avec les mêmes aliments issus de l’agriculture biologique. Nous sommes donc partis en quête de la réponse entre septembre et décembre 2011, en nous concentrant sur les résidus de pesticides. »
Les déclarations grandiloquentes n'engagent que ceux qui les écoutent...
Pour le buzz, rien ne vaut une manipulation médiatique
Pour s'assurer un fort impact médiatique rien ne vaut une petite manipulation. Surtout pour un « rapport » qui énonce, tout compte fait, une évidence, à savoir qu'on trouve des traces de résidus de pesticides dans les produits « conventionnels » et aucune – c'est la moindre des choses pour des produits loyaux – dans le cas du « bio ».
L'« information » a donc été confiée au Parisien [7] qui, sous le titre Le bio, c’est vraiment plus sain, a fait référence, le plus sérieusement du monde, à une « étude, que nous nous sommes procurée en exclusivité ». Rien ne vaut, en effet, une petite dose de conspiration... même sur une « étude » que l'on trouve sans effort sur la toile [6].
Et, sur le fond, du pipeau
Une présentation biaisée des « résultats »
L'« étude » de Générations Futures » – tel est le libellé sous lequel on en parle désormais sur la toile – reprend les données de 2010 pour les produits conventionnels (y compris les fautes d'orthographe !), et ce, malgré les critiques qui ont pu être formulées à l'époque. On peut penser que c'était une mesure d'économie ; ou aussi une tricherie à bon compte pour amplifier le message en faveur du « bio » ; ou les deux. Les produits et les origines avaient en effet été « soigneusement » choisis pour trouver au final le maximum de résidus : jus de raisin (et thé, pour pouvoir montrer du doigt le bisphénol A de la bouilloire) au petit déjeuner, pomme du Brésil en pleine saison de production en Europe, haricots du Kenya, citrons d'Argentine, etc. Même le pain du soir et le pain de mie du matin étaient complets pour être sûr de récupérer les résidus de pesticides de contact.
Générations Futures annonce donc dans son « étude » la détection de
« 0 résidu de pesticides dans les fruits et légumes bios contre 37 dans le conventionnel (ce qui représente 27 molécules différentes) ».
On notera la formulation : par exemple les résidus de pypéronyl butoxyde dans le pain de mie du matin, la baguette de midi et le pain complet du soir sont d'abord comptabilisés pour trois... tout ça pour gonfler les chiffres et l'anxiogénèse.
Motus sur les polluants ubiquistes
Bien entendu, la communication a été axée sur le chiffre de 37 résidus... mais avec un rappel des résultats encore plus alarmants de 2010 puisque ceux-ci incluaient aussi les polluants quasi ubiquistes comme les PCB. « ...128 résidus chimiques, dont 47 substances suspectées d'être cancérigènes et 36 pesticides différents », c'est toujours mieux que 37 résidus [8].
Et donc se pose la question de savoir pourquoi l'« étude » a été limitée aux pesticides ? Les manipulateurs d'opinion expliquent [3] :
« ...La grande différence entre les pratiques culturales et de stockage des aliments bio et non bio réside dans l’usage, ou non, de pesticides de synthèse. En outre, certains sceptiques disent parfois que les cultures ne se font pas sous cloche et que donc les champs bios pourraient être contaminés par des pesticides pulvérisés sur les champs conventionnels. Nous avons donc souhaité vérifier, par cette enquête, si la différence entre les produits bios et non bios était bien réelle. »
Les gens honnêtes et informés savent que « les cultures ne se font pas sous cloche » et que les champs « bios » sont aussi contaminés par des polluants, certains naturels, d'autres répandus dans l'environnement, et d'autres encore apportés par les agriculteurs, fussent-ils « bio ». Si on les avait inclus, le message pro-bio aurait été beaucoup moins lisible.
Ce qu'on appellera ici biais, d'autres l'appelleront malhonnêteté. Il en est de même pour l'exclusion des produits carnés. Nous ne saurons donc pas pour sûr si le saumon « bio » contient aussi 34 résidus ( mais on peut s'en douter puisqu'il nage dans la même eau que son homologue « conventionnel »).
Des « résultats » bidons pour les produits « conventionnels »
Selon des sources officielles concordantes (EFSA, ANSES et précédemment AFSSA, Observatoire des résidus de pesticides, etc.), les deux tiers environ des produits agricoles « conventionnels » sont exempts de résidus de pesticides [9]. Générations Futures en a trouvé sur chacun des 14 produits analysés. Même si un tel tir groupé n'est pas inconcevable, statistiquement parlant (sachant aussi que les concepteurs de l'« étude » ont mis toutes les chances de leur côté), cela n'en reste pas moins étonnant.
Dans le détail, on trouve cinq résultats sous la forme « <0,01 » (aucune unité n'est indiquée dans les tableaux, mais il s'agit de mg/kg) ; ils correspondent sans nul doute à des signaux en-dessous de la limite de quantification ; des signaux qui risquent fort d'être sans signification. Pourquoi les avoir mentionnés ? Certainement par volonté de noircir le tableau.
Aucune limite maximale de résidus (LMR) n'est indiquée. Là encore, il y a une raison « médiatique » : sauf exception, les quantités trouvées dans les produits sont peanuts par rapport aux LMR. Par exemple, pour le premier produit de la liste, le pain de mie complet : 0,32 mg/kg de pipéronyl butoxyde (LMR : 10 mg/kg, soit 31 fois plus) et 0,11 mg/kg de pyrimiphos méthyl (LMR : 5 mg/kg, soit 45 fois plus).
Et, pour faire plus noir que noir, le tableau des résultats comporte aussi une colonne « usage interdit ». Là également, le lecteur est – sciemment – induit en erreur. Un produit non autorisé peut avoir une LMR en France. C'est le cas par exemple de la carbendazime trouvée sur les pommes brésiliennes à un niveau inférieur à la limite de quantification : la LMR étant de 0,2 mg/kg sur pommes, cette pomme brésilienne est donc doublement stigmatisée, d'une part, parce qu'on a eu un signal à un niveau au moins 20 (vingt) fois inférieur à la LMR et, d'autre part, parce qu'il s'agit d'un produit « interdit » en France. Et là encore, Générations Futures joue sur les mots. Une substance peut être « non autorisée en France », selon la terminologie utilisée sur http://e-phy.agriculture.gouv.fr/ , soit parce qu'elle est positivement interdite, soit parce que personne n'a demandé d'autorisation de mise sur le marché.
Enfin, la dystopie ne saurait être complète sans quelques avertissements sur les dangers des pesticides en tant que cancérogènes ou perturbateurs endocriniens. Mais, pour effrayer, il importe de ne pas être précis. Que peut bien signifier, par exemple, « suggestive evidence » ? L'ombre d'un soupçon de début d'une hypothèse quant à l'existence possible d'un problème ?
« Bio » : qui ne cherche pas ne trouve pas !
En regard, les colonnes consacrées au « bio » affichent plein de zéros, sauf pour le pain : on a trouvé, en effet [3],
« 1 molécule en résidu de synergisant dans 2 échantillons de pain à des doses très faibles en bio ».
« Très faible », c'est 0,016 mg/kg dans le pain de mie (0,32 dans le « conventionnel » pour une LMR de 10 mg/kg), 0,011 pour la baguette (0,07 dans le « conventionnel ») et 0 dans le pain bio entier du soir (0,03 en « conventionnel »).
Les idéologues expliquent [6] :
« Le piperonyl butoxyde ou PBO est un synergisant (utilisé avec d’autres molécules) autorisé en agriculture biologique pour les céréales, uniquement pour le nettoyage des lieux de stockage vide de ces céréales. Cela signifie que logiquement le produit ne doit jamais être en contact direct avec les céréales. Générations Futures souhaiterait que cette molécule, au vue de ses propriétés, ne soit cependant plus autorisée en bio. »
Ah ! Enfer et damnation ! La logique n'a pas été respectée. Le produit « bio » est CON-TA-MINÉ !
Il importe donc de minimiser. Ainsi, pour que la conclusion puisse rester percutante, on affirme dans la « comm » [3] :
« 0 résidu de pesticides dans les fruits et légumes bios analysés contre 37 dans les conventionnels (ce qui représente 27 molécules différentes) » (le gras est de nous)
et on ajoute :
« 1 molécule en résidu de synergisant dans 2 échantillons de pain à des doses très faibles en bio. »
Remarquez que la parenthèse de la première citation est fausse, en ce qu'elle inclut également les résidus dans le pain « conventionnel »). Mais, ce que l'on aurait aimé savoir, c'est à quoi le « synergisant » avait été associé. Nous resterons bredouilles. Visiblement, les auteurs de l'« étude » n'ont pas cherché à savoir et n'ont analysé les produits « bio » que pour les molécules recherchées dans les produits conventionnels.
On peut aussi s'étonner du fait que l'origine de certains produits « bio » (haricots verts, smoothie et pain entier) n'ait pas été identifiée, et ce, malgré les règles strictes en matière d'étiquetage.
Une conclusion en-deçà des vœux
Si, comme ils l'ont prétendu, il s'agissait de tester l'avis de « certains sceptiques » qui disent que « les champs bios pourraient être contaminés par des pesticides pulvérisés sur les champs conventionnels » (voir ci-dessus pour la citation complète), les auteurs de l'« étude » n'en ont pas moins formulé une conclusion extraordinaire :
« Il ya (sic) 223 fois moins de résidus de pesticides en moyenne dans les aliments bios que dans les aliments conventionnels. »
Admirez la précision du chiffre et la généralité de la conclusion ! Comment ont-ils fait pour le chiffre ? En additionnant les quantités de résidus – style un kilo de métal (fer) plus une once de métal (or) égalent 1,031 kg de métal – et en faisant le rapport. Moyennant quoi, selon le « rapport » :
« Cette enquête est basée sur l’analyse d’aliments susceptibles d’être ingérés lors d’une seule journée. Elle ne prétend pas être parfaitement représentative de la consommation alimentaire française moyenne et ne prétend pas refléter exactement l’état moyen de la contamination et non contamination par des résidus de pesticides des aliments vendus en France. Enfin, les résultats contenus dans ce dossier n’ont pas de valeur statistique significative au regard du faible nombre d’échantillons analysés, mais sont illustratifs de la problématique traitée. »
Un caveat miraculeusement oublié dans la communication [3] et, bien sûr, la presse.
Mais gageons que le grand pourfendeur de pesticides François Veillerette ainsi que la présidente en titre de Générations Futures Maria Pelletier – également représentante multicartes du « bio » [10] – auraient préféré une meilleur conclusion. À zéro résidu dans le « bio », celui-ci aurait été infiniment plus sain que le « conventionnel ».
Satané piperonyl butoxide !
Idéologie über alles (euh...pas vraiment !)
Et donc,
« Générations Futures souhaiterait que cette molécule, au vue de ses propriétés, ne soit cependant plus autorisée en bio. »
Joli voeu pieux comme l'indique le choix du verbe et, plus encore, le mode. Comme le piperonyl butoxyde est une molécule de synthèse – de ce fait honnie, en principe, par les idéologies anti-pesticides et « bio » – on aurait pu s'attendre à une revendication formulée en termes comminatoires. Et bien non ! C'est qu'il faut, d'un côté, rester fidèle à la ligne du parti pris anti-pesticides (de synthèse) et, de l'autre, ne pas froisser ses alliés.
Des alliés – agriculteurs, les marchands de poudres de perlimpinpin se portent bien, merci – déjà pris à la gorge du fait des impasses phytosanitaires qu'impose l'idéologie du « bio » et son rejet des molécules de synthèse [11].
Wackes Seppi
_________________
[1] http://www.menustoxiques.fr/pdf/Rapport_assiette_toxique_281110.pdf
[2] Générations Futures fait partie des organisations les plus opaques selon le Baromètre 2010 de transparence des ONG de Prometheus, avec une note de 3 sur 10 :
http://www.lafranceagricole.fr/var/gfa/storage/fichiers-pdf/Docs/2011-2/Barometre_ONG_2010.pdf
Le site de l'entité est totalement opaque. Pour le « qui sommes-nous », il faut se contenter d'une phrase en très petit caractères sur la page d'accueil. Alors que la présidence a été confiée à Maria Pelletier, le site continue de présenter François Veillerette comme son président (voir par exemple à http://www.mdrgf.org/1action.html ou http://www.mdrgf.org/1cvFV.html).
[3] News de Générations futures annonçant l'« étude » de 2011
http://www.mdrgf.org/news/news201211_menus_bio.html
[4] Health and Environment Alliance, selon son site, une « coalition » de plus de 70 organisations à but non lucratif internationales et nationales, de groupes environnementaux et d'instituts de santé publique. Pour la liste :
http://www.env-health.org/spip.php?rubrique5
Selon le Registre de transparence (des lobbyistes) de la Commission européenne, HEAL disposait en 2010/2011 d'un budget global de 537.603 €, dont 433.519 € de financements publics (80 %). Sous « structure », l'entité déclare 0 (zéro) adhérents « personnes physiques » et 0 (zéro) organisations membres. Moyennant quoi elle se déclare «strongly committed to transparency ».
[5] Réseau Environnement Santé. Pour les membres :
http://reseau-environnement-sante.fr/category/la-vie-du-reseau/membres/
On y notera, en particulier : Générations Futures, dont la présidente est Maria Pelletier, et Objectif Bio, dont la représentante est Maria Pelletier, ainsi que le WWF - France. Le monde est petit...
[6] http://www.menustoxiques.fr/pdf/doc_menubio_151211.pdf
[7] http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/le-bio-c-est-vraiment-plus-sain-20-12-2011-1776126.php (payant)
[8] Voir par exemple La Dépêche, 223 fois moins de pesticides dans les aliments bio
[9] Voir notamment, sur le site de l'ANSES, Etudes de l'Alimentation Totale (EAT)
[10] C'est tout à fait à son honneur, mais l'activisme anti-pesticides a pour effet de favoriser ses propres affaires... bel exemple de conflit d'intérêts dans un milieu qui, se drapant dans le manteau de l'intégrité et du désintéressement, en voit tout plein, tout plein... en face.
[11] Impasses phytosanitaires qui obligent certains agriculteurs « bio » à recourir à des produits non autorisés, lesquels sont vendus grâce à des artifices (par exemple comme « phyto-stimulant », mais avec des préconisations pour les traitements insecticides et nématicides). Voir notamment :
http://www.youtube.com/watch?v=VVeowXl1HVo&context=C26915ADOEgsToPDskLEwnqGX5k0SOY5gqhuRY41