Le monde selon Monsanto, un chef d'œuvre de propagande
Le film de Marie-Monique Robin est donc passé sur Arte. L'heureuse surprise n'est pas au rendez-vous . Quand on lit les critiques dithyrambiques
de la presse sur son enquête, dépourvues de tout recul critique, on se dit que la presse française est bien mal en point, en voie de bovéïfication totale. « Le Monde selon Monsanto » est un chef
d'œuvre de propagande qui fonctionne à merveille, destiné à conforter les convaincus d'avance qui ont du s'étrangler d'indignation devant leur petit écran en
« découvrant » les horribles méfaits de la firme. MM Robin, à la différence de Monsanto, est d'une transparence absolue, malgré son omniprésence à l'écran : on sait d'avance ce qu'elle va «
prouver », qui elle va interviewer, les questions qu'elle va poser , les réponses (qui sont comprises dans la question), quels martyres elle va exhiber, qui elle ne va pas interroger, quelles
horreurs elle va montrer complaisamment à l'écran. Elle filme exactement et dit exactement ce qu'on attend d'elle.
La seule innovation réside dans l'échafaudage des scénarios diaboliques sur les techniques de lobbying de Monsanto. Certes, il ne fait aucun doute que Monsanto ait fait du lobbying, comme
le font toutes les grosses firmes. Mais les scénarios sont parfois tellement échevelés que les faits qui sont à peu près indiscutables dans le film sont stupidement noyés dans une mare
d'affirmations, certaines extrêmement douteuses, d'autres totalement abracadabrantes. La notion de curseur de vraisemblance est visiblement étrangère à madame Robin, ou plutôt ne l'intéresse pas.
A « découvrir » les soi-disant cabales contre les chercheurs ayant publié des résultats jetant la suspicion sur les OGM, le téléspectateur est invité à croire que le PDG de Monsanto possède une
ligne directe avec les présidents d'Université ou d'instituts de recherche et qu'il obtient la tête de n'importe qui . Elle feint d'ignorer toutes les études indépendantes , pourtant
nombreuses, qui ont tenté d'examiner les
problèmes concrets que pouvaient poser telle variété d'OGM, les problèmes qu'elles ont parfois soulevés et le fait que les chercheurs n'ont jamais été remis en cause ni dans leur rigueur ni dans
leur honnêteté. La cause anti-OGM ne fonctionnant que sur la comploïte et les martyrs, celles-ci ne peuvent pas rentrer dans son cadre propagandiste.
Elle ne cherche pas à informer sur la réalité de l'affaire Putzaï, alors qu'elle avait toute la possibilité de le faire. Elle interroge Putzaï qui naturellement se pose en victime. Dans l'affaire (Quist et Chapela) et du maïs mexicain, elle expose une diabolique entreprise de déstabilisation à partir d'une traque fumeuse de fantômes sur Internet et de leurs supposés identifiants IP renvoyant soit à Monsanto soit « à des sites dont Monsanto est un des clients », sachant parfaitement que le principe même d'Internet rend possible toutes les manipulations dans un sens ou dans l'autre et qu'elle est incapable d'apporter la preuve. Elle ignore superbement toutes les critiques méthodologiques portées contre le protocole expérimental de Chapela, et elle cache même le fait que celui-ci se soit partiellement rétracté (sur les points d'insertion du transgène au moins). Si le doute demeure sur la réalité de la présence de maïs transgénique mexicain (et sur l'origine de sa présence), aucune trace, même résiduelle n'a été retrouvée les années suivantes. MM Robin fait dire à un militant anti-OGM local (en le lui suggérant, comme chaque fois qu'elle pose une question) que Monsanto lui-même pourrait être à l'origine de la « contamination » ! Une fois le berceau historique du maïs envahi par les OGM, quelle barrière y aurait-il encore une barrière à l'envahissement de la planète des OGM , nous dit-on : c'est tellement évident que 6 ans après l'affaire, il n'y a plus de trace d'OGM au Mexique, contrairement à ce qu'affirme le militant qui manipule les paysans en leur montrant des photos de monstres. Par contre les OGM poursuivent inlassablement leur expansion. Comment un journaliste sérieux peut-il ignorer la différence entre un fait et un ragot ?
Terminons sur le maïs mexicain (nous ne reviendrons pas sur les innombrables « défaillances » du volet scientifique, déjà évoquées dans d'autres articles : MM Robin n'a questionné aucun chercheur critique de la propagande anti-OGM, considérant de toute façon que ceux-ci sont des suppôts de Monsanto) : En balayant d'un revers de main sur son blog les arguments de l'AFIS sur le maïs mexicain , MM Robin affirme :
« Quant au « militant anti-OGM » mexicain qui s'exprime dans mon film, s'il l'est devenu c'est tout à fait par hasard : c'est parce qu'il a été contacté par des paysans indiens, inquiets de voir subitement des « maïs bizarres » dans leurs champs, qu'il a décidé de faire tester les « monstres » : ceux-ci ont révélé qu'ils contenaient un transgène, dû au croisement d'un maïs transgénique avec un maïs traditionnel… »
Or Chapela dément lui-même dans le documentaire cette assertion et proclame que c'est tout-à-fait par hasard (et apparemment à sa grande surprise) qu'il a découvert la présence de maïs transgénique, en voulant apprendre aux paysans à faire des tests de détection.
Sur cette question, il y en a au moins un qui ment !
Toutes les autres affaires Monsanto dénoncés dans ce film sont uniquement des pièces à charge pour dénoncer les OGM. Nous ne reviendrons pas sur les images écœurantes des bombardements américains sur le Vietnam et le musée des horreurs des bébés-monstres conservés dans le formol. Un tel procédé est révoltant. Il rappelle ceux qui à chaque fois qu'on dénonce la brutalité de l'Etat d'Israël à l'égard des palestiniens, évoquent l'holocauste ! Nous suggérons à la journaliste, si jamais elle doit faire un reportage pour "démontrer" les dangers sur les nanotechnologies, qu'elle cible des firmes textiles produisant des « tissus intelligents » qui auraient fourni les vêtements de l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam ! On peut décliner à l'infini ce genre de procédé.
Quelques questions véritablement intéressantes sont posées dans ce film , notamment sur l'expansion de la monoculture en Amérique latine et les réels problèmes que cela pose pour l'agriculture de proximité et l'alimentation des populations locales pauvres qui ne peuvent pas se payer les produits d'importation etc… Autant de problèmes qui ne relèvent pas en soi des OGM en général et de Monsanto en particulier, mais qui sont liés aux désordres du marché mondial, aux crises financières (ex : dévaluation du peso en Argentine), à la spéculation démente, à la structure de la propriété dans ses pays etc … Bref à des rapports économiques et sociaux que MM Robin, obnubilée par les OGM et Monsanto, ne pouvait traiter qu'avec une extrême superficialité, confirmant avec un indéniable talent le célèbre dicton « Quand le sage montre la lune, l'idiot regarde le doigt ». Et dans le rôle de la lune, le capitalisme international, dans le rôle du doigt, les OGM.
Après le créationnisme, le paranormal et bien d'autres choses douteuses, Arte la chaîne dite culturelle s'est donc vautrée dans le conformisme le plus crasse sur la question des OGM.
Le débat qui a suivi la projection du film étant bien entendu un « modèle d'équilibre » : d'un côté, une députée européenne plutôt pondérée, défendant simplement l'idée que l'on ne pouvait pas aller à l'encontre des OGM et que ceux-ci faisaient l'objet d'une réelle évaluation sanitaire et environnementale, de l'autre : l'incontournable chouan du Larzac, le professeur Christian Vélot à la neutralité bien connue, et le présentateur qui ne cherchait même pas à cacher son hostilité aux OGM. 3 contre un , et aucun scientifique invité pour donner le change à Vélot !
On ne voit plus qu'un degré à franchir pour que le bovétisme devienne l'idéologie officielle du pays : Que Bové soit nommé ministre de la désinformation lors du prochain remaniement ministériel.