Une fois les OGM disculpés, qui se soucie du papillon monarque ?

Publié le par Anton Suwalki

En 1999, alors que l’activisme anti-OGM était encore embryonnaire et manquait d’arguments concrets pour légitimer ses actions, une étude par John Loosey publiée dans la revue Nature fit grand bruit : des larves de papillons Monarques nourries en laboratoire avec des feuilles d’asclépiade (sa nourriture habituelle) sur lesquelles on avait répandu du pollen de maïs BT mangeaient moins , grandissaient moins et souffraient d’une sur-mortalité élevée par rapport aux larves témoins (nourries avec un régime sans pollen BT).

Bien qu’il s’agisse d’une expérience de laboratoire et qu’on ait soumis les papillons à un régime forcé, le résultat n’en constituait pas moins une « alerte » au sens non galvaudé du terme. Les résultats avaient été publiées dans une prestigieuse revue à comité de lecture , alors que les mœurs actuelles privilégient les annonces médiatiques , le court-circuitage journalistique par des journalistes en mal de scoop qui ne lisent même pas les études.

Les résultats obtenus en laboratoire étaient suffisamment préoccupants pour justifier une vérification de l’impact des cultures BT en champs sur ces créatures fragiles, très répandues aux USA et au Canada. Six études (*) furent menées en 2001 dans les conditions d’exposition réelle des papillons. Seule une variété de maîs, le BT176  , dont la culture est arrêtée depuis 2003, s’avéra affecter réellement les papillons. Les autres variétés de Maïs OGM, dont le MON810 qui a fait l’objet de la clause de sauvegarde activée par la France, se sont révélées inoffensives pour le Monarque.

Ces études effectuées sur un période toutefois très courte furent complétées en 2004 par des essais réalisés sur une vingtaine de jours, c’est-à-dire la période de vie larvaire du Papillon. Elles relevèrent une baisse d’environ 20% des larves capables d’arriver au stade adulte, une proportion qui peut paraître non négligeable : mais il fallait tenir compte du fait que ces larves avaient été protégées dans l’expérience alors que 80% des larves ne survivent pas dans la nature. D’autre part, période de floraison du maïs et période de développement des papillons Monarques coincident rarement.  Ainsi, les scientifiques ont calculé que dans les zones de maïsiculture intensive, la mortalité des larves pouvait passer de 80 à 85%, et sur l’ensemble de son habitat, seuls 0,6% des Monarques étaient susceptibles d’être affectés par le maîs BT.

Il était désormais acquis que le maïs OGM n’allait pas décimer les populations de Monarques et que les risques réels étaient bien en deçà de ceux pointés en laboratoire par Loosey. Pourtant la réputation de maïs BT tueur de papillons est restée intacte dans la mythologie anti-OGM, au mépris des connaissances acquises sur le sujet.

Tout porte à croire que le sort des Monarques et les dangers que feraient peser les OGM sur la bio-diversité n’était qu’un alibi : même en on ne peut totalement écarter un impact des OGM sur certaines espèces non-cibles, en particulier ceux sécrétant une protéine insecticide, tout indique qu’il ne s’agit que d’une goutte d’eau dans la mer houleuse de la bio-diversité.

Les Monarques sont bel et bien en danger, mais comme les OGM ne sont plus en cause, la disparition de cette espèce pourrait bien advenir dans l’indifférence la plus totale. Parmi les dangers qui guettent les Monarques, il en est qui échappent totalement à notre maîtrise : un hiver particulièrement rude en 2002 au Mexique a exterminé 80% de la population des papillons en hivernage au Mexique. Le seuil critique de destruction de l’espèce ne semble pourtant pas avoir été atteint puisque les populations de Monarque se sont reconstituées les années suivantes. Un fait qui renforce la conviction que les inquiétudes sur l’impact du maïs BT étaient disproportionnées par rapport aux risques réels.

Mais aux aléas climatiques, vient s’ajouter un danger d’origine anthropique qui inquiète les biologistes. Le numéro de Février 2009 de National Géographic rappelle le risques que fait peser sur les papillons  la déforestation d’un très petite zone de quelques centaines d’hectares au Mexique, accueillant les colonies de Monarques en provenance du Canada et des Etats-Unis pour leur période d’hivernage. Victime de déboisement sauvage, la réserve a été classée par l’UNESCO au Patrimoine Mondial de l’Humanité. Une initiative dont certains espèrent qu’elle entraînera des mesures contre le déboisement illégal : « Cela doit cesser, ou les papillons n’y survivront pas » estime Lincoln Brower, un biologiste américain.

La décision de l’UNESCO aboutira-t-elle à des mesures concrètes permettant de sauvegarder une espèce de papillon menacée ? Jusqu’à présent, le fait que cette zone ait été classée comme réserve de biosphère par le gouvernement mexicain n’a pas été suivie d’effets. Il est en tout cas paradoxal de constater que le Monarque dont le sauvetage fut élevé au rang des grandes causes écologiques lorsque son ennemi supposé était un maïs OGM, pourrait bien disparaître dans l’indifférence générale, maintenant que les dangers réels qui pèsent sur lui sont clairement identifiés.

Anton Suwalki

 


Références :

-Résumé de l’étude de Loosey http://www.mindfully.org/GE/Transgenic-Pollen-Monarch20may99.htm

Sur les études menées en champs :

- Marcel Kuntz : Les OGM, l'environnement et la sante (Ed. Ellipses)

http://www.plantphysiol.org/cgi/content/full/127/3/709#B3http://www.plantphysiol.org/cgi/content/full/127/3/709

http://www.internutrition.ch/in-news/point/dez04_f.html

Sur les menaces actuelles qui pèsent sur le Monarque.

http://www.radio-canada.ca/actualite/decouverte/reportages/2004/05-2004/09monarques.html

(notons l’initiative intelligente relatée ici qui consiste à tenter de concilier la protection du Monarque et les besoins économiques de la population)   

-National Geographic, Février 2009

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L
Dans le même ordre d'idées, je crois me souvenir que avant cela, au tout début des cultures OGM aux Etats-Unis (un peu après 1996, donc), il y avait eu une chute de la population des Monarques, que les anti-OGM ont mis immédiatement et sans la moindre preuve sur le compte des nouvelles cultures. Ensuite, les cultures se sont étendues... et les populations avaient recommencé à croître ! On ne comprenait alors pas la raison ni de la chute, ni de la croissance (faut dire qu'il est compliqué le Monarque, avec ses migrations hallucinantes sur plusieurs générations). Faudrait revérifier ça, mais j'ai toujours gardé cette histoire comme le premier hoax répandu par le mouvement anti-OGM.<br /> Sinon, j'ai eu l'occasion d'aller voir le Monarque dans la baie de Monterey en Californie, et c'est un spectacle magnifique...
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