Étude du CRIIGEN sur le maïs NK 603 : Une bombe médiatique, et après ? (2ème partie)
Cet article a été divisé en plusieurs épisodes, compte tenu de l’affaire qui nécessite des réactions rapides Il sera par la suite refondu, amélioré et rectifié si nécessaire.
Retour à la première partie :
Deuxième partie :
Quelques remarques de fond sur l’étude
Des lecteurs pourront observer à juste titre que l’analyse qui suit n’émane pas d’un toxicologue ni d’un oncologue (5). C’est exact, mais il faut souligner qu’aucun des auteurs de l’étude ne l’est non plus. D’autre part, si des spécialistes devaient confirmer certains résultats de GES , il faudrait alors évidemment en tenir compte. Mais il est difficile, en lisant l'étude de ne pas réagir devant la répétition manifeste de certaines fautes déjà maintes fois reprochées à l’auteur et aux études du CRIIGEN. En voici une liste non exhaustive :
A/ Nombre de rats par groupes :
La presse parle d’une étude inédite dans sa durée ,ce qui est faux, et sur le nombre de rats (200) soumis à l’expérience : ce qui est encore faux. La plupart des études comportent au moins 200 rats. Celle de Hammond et al.(6), à l’origine de la première publication de GES sur le sujet en comportait par exemple 400. De toute façon , ça n’est pas le nombre total de rats qui compte, mais le nombre de rats par groupe sexe&régime alimentaire. Or, l’étude de GES ne comporte que 10 individus par groupe, et il fait de nombreuses comparaisons entre des résultats mesurés dans le groupe contrôle (10 individu/sexe) et l’ensemble des groupes traités. Un comble lorsqu’on sait qu’un des reproches récurrents de GES (peut-être le plus pertinent) sur les études antérieures était la faible puissance statistique de tests sur des groupes trop petits (10 à 20 individus selon les paramètres mesurés).
B/ Mortalité :
Si GES utilise une méthode d’analyse peu ordinaire pour l’analyse des données biochimiques, il se contente de mentionner pour la mortalité le nombre de rats par groupe de 10 morts avant la durée moyenne de vie du groupe de contrôle. C’est vraiment le « service minimum » pour une telle étude.Il ne faut pas s’étonner des résultats erratiques et ininterprétables de cette mortalité prématurée, sauf pour GES bien sûr. Sur de si petits groupes, seul la moyenne de survie au sein de chaque groupe et une analyse de la variance aurait un minimum de pertinence.
Ce qui n’empêche pas l’auteur de sélectionner les faits à l’appui de sa thèse : « Avant cette période, 30% des mâles du groupes de contrôle (3 au total), et 20% des femelles (seulement 2), sont mortes spontanément , alors que jusqu’à 50% des mâles et 70% des femelles sont mortes dans certains groupes nourris au mais GM (7) ». Tout est dans le « certains groupes ». GES aurait très bien pu écrire : Avant cette période, 30% des mâles du groupes de contrôle (3 au total), et 20% des femelles (2), sont mortes spontanément , alors que seulement 10% des mâles sont morts dans certains groupes nourris, soit au mais GM, soit ayant absorbé du RoundUp , dans les 2 cas à des doses élevées ».
Une affirmation qui serait tout aussi vraie (et tout aussi biaisée), mais absente parce que ça ne colle pas à ce qu’il veut démontrer. Le biais est confirmé par le fait que les causes détaillées du décès fournies pour les rats traités, mais non expliquées pour les rats témoins.
Le fait qu’aucune relation dose/mortalité n’apparaisse ne gène nullement GES , adepte des relations non linéaires , hypothèse qui lui offre l’énorme avantage de botter en touche toute contradiction, et d’interpréter n’importe quoi comme bon lui semble : « Le taux de mortalité n’est pas proportionnel à la dose, atteignant un seuil à la dose la plus basse (11%) ou intermédiaire (22%) de maïs GM dans l’alimentation , avec ou sans application de Roundup ». Mais pourquoi ne pas aller jusqu’au bout de cette logique et mentionner que comme cela à apparaît les 6 graphiques de la figure 1, la mortalité décroit au-delà du seuil, et elle décroit en dessous de celle du groupe témoin dans deux cas (mâles nourris au OGM seuls, et mâles ayant absorbés du RoundUp mais sans OGM) ? Autrement dit, GES devrait tirer la conclusion que ces produits pourraient réduire la mortalité, à condition d’en consommer suffisamment. Mais GES, atteint du syndrome de l’effet bi-standard, ne poussera évidemment pas jusqu’au bout ses hypothèses sur l’effet de seuil.
C/ Tumeurs : anomalie dans le groupe contrôle, et non pas dans les groupes traités !
Bien des commentateurs scientifiques ont émis des réserves sur la lignée de rats choisis pour l’étude, des Sprague-Dawley, connus pour leur propension à développer spontanément des tumeurs, et des tumeurs multiples. Selon GES, « Au début du 24ème mois, de 50 à 80% des femelles avaient développé des tumeurs dans tous les groupes traités, alors que seulement 30% des individus du groupe contrôle étaient affectés».
Or, la proportion de Sprague-Dawley affectés par des tumeurs auquel on doit généralement s’attendre est beaucoup plus proche de 80% que de 30% (8). Si anomalie, il y a, c’est donc plutôt sur le groupe témoin que sur les groupes traités et c’est la première chose qui devrait alerter l’auteur (9) : est-ce le simple fait du hasard, ou bien est-ce dû à autre chose ?
Certes, on ne peut pas totalement écarter le rôle du hasard dans ce petit groupe contrôle : avec une probabilité de 0,8 qu’a une rate de développer des tumeurs, on n’a « que » 99,9% de chances d’avoir d’en avoir au moins 4 dans un groupe de 10. Je vous laisse calculer la probabilité d’en avoir au plus 3…
On peut en tout cas comprendre pourquoi sur tous ces aspects de l’étude, GES ne s’est pas trop embarrassé de statistiques…
La suite à paraître très bientôt…
Anton Suwalki
Notes :
(5) même si elle est en grande partie inspirée des premières réactions de scientifiques qui ont un avis autorisé.
(6) http://www.ask-force.org/web/Bt/Hammond-Results-90-day-MON810-2006.pdf
(7) souligné par moi.
(8) http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/521452
http://cancerres.aacrjournals.org/content/33/11/2768 (sur 18 mois)
(9) Il est absolument remarquable que l’une des études accessibles citées par GES donne confirmation en gros ces valeurs , mais que
http://intl-tpx.sagepub.com/content/33/4/477.full
« The most commonly observed neoplasms in these female control Harlan SD rats were mammary gland fibroadenoma (71%), tumors of the pars distalis of the pituitary (41%) and thyroid gland C-cell tumors (30%)»