Étude du CRIIGEN sur le maïs NK 603 : retour sur les carabistouilles statistiques assumées par Séralini
Maltraiter les chiffres est une pratique constante dans les études menées par l’équipe du CRIIGEN. Toutefois, dans l’effort désespéré de défendre la crédibilité de sa dernière étude, GES a franchi un nouveau pas. Celui-ci contestait jusqu’à présent que des variations puissent être statistiquement significatives mais sans signification biologique. Il est à présent à l’origine d’une innovation majeure qui va certainement révolutionner la science : si on comprend bien ses dires, on peut désormais interpréter les résultats d’une étude biologique sans recourir à l’analyse statistique. Dans le reportage de France 5 ( OGM, vers une alerte mondiale ?), il déclarait texto que ses résultats n'étaient en effet pas significatifs, mais affirmait dans la foulée que ça ne changeait rien pour lui. "Pas besoin de chiffres devant ces graphiques" se justifiait-il après nous avoir expliqué en long en large et en travers à quel point la méthodologie de son étude était rigoureuse (1).
C’est bien connu, les graphiques parlent d’eux-mêmes…. N’hésitant pas à revisiter les fondements de la statistiques, il en rajoute une couche : « La statistique n'est pas la vérité en biologie, c'est un des éléments de rapprochement par rapport à tout le reste, c'est-à-dire les rats, la pathologie, la biochimie, les organes et ce que nous faisons c'est quand on compare par exemple 12 à 4 c'est dire "et bien, c'est 3 fois plus.(…) On ne peut pas comparer statistiquement des nombres entiers, et là ce sont deux nombres entiers de tumeurs au cours du temps. ». Vous avez bien lu, on ne peut pas comparer statistiquement des nombres entiers. Nous voilà au moins rassurés sur le fait que GES maîtrise parfaitement ses tables de multiplication. Mais au-delà, il étale avec une grande candeur son incompétence!
Le petit exposé et l’expérience ci-dessous permettent de comprendre que non, décidemment, les graphiques ne parlent pas d’eux-mêmes et que les propos de GES sont parfaitement ineptes.
Les tests statistiques sont d’une grande importance dans tous les domaines de la science, et plus particulièrement dans le domaine de la biologie où on constate une grande variabilité entre les individus. Prenez par exemple une analyse de sang humain et observez les bornes inférieures et supérieures des paramètres mesurés : le dépassement de celles-ci ne signifie pas obligatoirement un état pathologique mais correspondent à un niveau d’alerte. Voici quelques paramètres :
Leucocytes : 4000 à 10000/mm3 soit de 1 à 2,5
Polynucléaires neutrophiles 2000 à 7500 soit de 1 à 3,75
Lymphocytes : 1000 à 4000 soit de 1 à 4
Gamma GT : de 15 à 85 soit de 1 à 5,7
etc…
Sachant que ces valeurs sont établies à partir de la variabilité constatée dans des études de population, on comprend bien que l’on peut trouver des écarts considérables entre les moyennes de deux petits échantillons subissant exactement le même traitement (2 échantillons de 10 par exemple), par le simple fait du hasard. Voilà pourquoi une analyse statistique des résultats est toujours nécessaire, même si l’interprétation statistique des résultats ne suffit pas.
Appliquons maintenant cela aux rats morts de l’expérience de GES pour goûter tout le sel de ses propos. Le choix de présentation des résultats est déjà plus que discutable, ainsi que l’ont noté les agences d’expertise (3) . Données censurées , détermination de la longévité moyenne interne à l’expérience, détermination arbitraire de la date de mesure du taux de mortalité. Rien de tout cela n’est vraiment innocent : si GES avait choisi le taux de survie à deux ans, cela aurait eu l’énorme inconvénient de faire apparaître que le taux de survie du groupe témoin mâle était le plus mauvais, hormis ceux d’un seul groupe (régime OGM+RR 11%).
Afin de voir à quel point les graphiques parlent d’eux-mêmes, nous prendrons les taux de survie à deux ans issus de l’étude de GES et nous les comparerons avec ceux de 10 groupes de 10 rats générés de manière aléatoire sur la base des taux de survie indiqués par les laboratoires Harlan qui a fourni les rats (3) : 32% pour les mâles, 48% pour les femelles. Petit exercice réalisé à partir d’un programme très simple sous le logiciel SAS. Les résultats comparés à ceux de GES proviennent du premier tirage effectué de la sorte . Les deux barres en rouge correspondent au nombre de survivants dans les groupes témoins de l’étude.
Moralité : A moins d’être doué d’une acuité visuelle surhumaine (ou d’une mauvaise foi sidérale, au choix), comme c’est le cas du professeur caennais, il faut bien reconnaître qu’aucune différence ne saute aux yeux entre les résultats de GES et ceux produit par le hasard facétieux. Dans le cas des mâles, le hasard produit même un peu plus d’écart entre les valeurs extrêmes. Dans le cas des femelles, les résultats sont inversés à la faveur d’un taux de survie très élevé dans le groupe témoin, résultat qui sort d’ailleurs de l’intervalle de confiance à 95%.
Il est à noter qu’une simple confrontation de ce genre avec les données de Harlan aurait permis à GES d’éviter le ridicule . Si le hasard produit autant de fluctuations que son expérience, il est impossible d’extraire des résultats la moindre conclusion en relation avec les différences de traitement des groupes. D’autant plus que ces résultats n’ont strictement aucune corrélation avec la dose.
Soyons positifs et reconnaissons finalement que la leçon de science que GES nous à infligée mériterait de rester dans les annales : au chapitre « les grosses bourdes à ne pas commettre dans l’interprétation des données d’études ».
Anton Suwalki
http://psymath.blogspot.fr/#!/2012/10/seralini-naime-pas-les-statistiques.html
(commentaires repris à Nicolas Gauvrit)
(3) http://www.math.u-psud.fr/~lavielle/commentaires_stat.pdf
A relire sur le même sujet :
http://imposteurs.over-blog.com/article-29829309.html
traduction d’un texte de Christopher Preston
http://gmopundit.blogspot.fr/2007/03/lies-damn-lies-and-statistics.html