Gilles-Éric Séralini et Cie : ne jamais céder, ne rien concéder, si besoin mentir
Un article de Wackes Seppi
Dernier épisode avant le suivant : il publie, on le dépublie, il republie
Résumé des épisodes précédents
Une mémorable controverse
Le 19 septembre 2012, à 15 heures françaises, la revue Food & Chemical Toxicology met en ligne un article, « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize », signé Gilles-Eric Séralini, Émilie Clair, Robin Mesnage, Steeve Gress, Nicolas Defarge, Manuela Malatesta, Didier Hennequin et Joël Spiroux de Vendômois [1].
Cette mise en ligne a coïncidé avec une extraordinaire campagne de communication dont le but n'était pas de promouvoir le travail scientifique, mais de mettre en accusation les plantes génétiquement modifiées et les herbicides à base de glyphosate, ainsi que les procédures – prétendument laxistes – conduisant à leur autorisation pour la culture et l'alimentation ou pour leur utilisation.
Parallèlement, et quasi immédiatement, s'est produit une non moins extraordinaire levée de boucliers de la part essentiellement de la communauté scientifique majoritaire – celle qui s'oriente sur la rigueur et le rationalisme – et d'une partie des médias – notamment de ceux qui ont été choqués par les termes d'un embargo léonin (il avait empêché les médias qui y ont souscrit de recueillir l'avis d'autres scientifiques sur la valeur de l'« étude », les obligeant à ne diffuser dans un premier temps que la parole de l'évangile séralinien).
Sur le plan scientifique, il était immédiatement apparu que, pour reprendre le mot de M. Gérard Pascal, du 20 septembre 2012 : « Cela ne vaut pas un clou »[2]. Pour MM. Henry I. Miller et Bruce Chassy, « Scientists Smell A Rat In Fraudulent Genetic Engineering Study » (littéralement : les/des scientifiques trouvent des choses louches dans une étude frauduleuse de génie génétique) [3]. Feu Alain de Weck, immunologue et allergologue réputé, a été plus spécifique sur son blog, maintenant effacé, hébergé par Le Monde [4].
Les autorités d'évaluation et de régulation sont aussi saisies ; en France par des ministres paniqués, ravis de l'aubaine, ou soucieux de leur popularité. Une douzaine répondront ; toutes concluent que l'« étude » n'apportent pas d'éléments nouveaux susceptibles de remettre en cause les évaluations précédentes et les autorisations relatives à l'OGM et l'herbicide. D'autres encore se manifestent, telles les six académies scientifiques françaises, dans une déclaration et un communiqué communs inédits dans les annales.
L'éditeur de F&CT, M. A. Wallace Hayes, a donc, fort normalement, été assailli. Il s'est alors livré à un véritable combat d'arrière-garde. C'est qu'il n'était pas mêlé à une simple erreur éditoriale, mais à un dysfonctionnement impardonnable du processus de peer review (revue par les pairs) et, de plus, à une vaste opération politique. Cela lui avait été signifié sans ambiguïté, par exemple par Dale Sanders et al. : « Nous sommes préoccupés par le fait qu'une procédure scientifique habituellement robuste a été utilisée pour diffuser un agenda plutôt que des faits – dans le cadre d'une campagne contre la technologie GM » [5].
Dans un premier temps, c'est le déni [6]. Une douzaine de lettres ou articles critiques sont cependant publiés, certains individuels, d'autres collectifs, une de la Société Européenne de Pathologie Toxicologique (European Society of Toxicologic Pathology – ESTP) et une au nom de la Société Française de Pathologie Toxicologique (SFPT) [7]. Il n'y a qu'une lettre de soutien, de M. Jack A. Heinemann, Université de Canterbury, Nouvelle-Zélande – un anti-OGM notoire.
L'affaire est néanmoins réexaminée. L'équipe Séralini est priée, le 15 mars 2013 de fournir les données brutes, ce qu'elle fait [8]. Il aura fallu six mois ! À ce moment-là, les carottes étaient déjà cuites... Mais F&CT entame une nouvelle procédure d'évaluation comme si l'édition scientifique vivait dans une tour d'ivoire.
Neuf mois après, M. Hayes propose à M. Séralini de retirer son article [9]. Essuyant un refus, il retire (dépublie) l'article et le remplace par une « explication » sur le site web [1]. Procédé extravagant : l'article de base est supprimé (en fait, il reste accessible moyennant certaines contorsions), mais les articles dérivés sont maintenus...
Les explications de M. Hayes sont toutefois confuses et peu convaincantes. « Sans équivoque, le Rédacteur-en-chef n'a trouvé aucune preuve de fraude ou de présentation intentionnellement erronée des données. » Mais « [e]n définitive, les résultats présentés (quoique n'étant pas incorrects) ne sont pas concluants, et, par conséquent, n'atteignent pas le niveau requis pour une publication dans Food and Chemical Toxicology ». Pourtant, il écrit dans la foulée que « [l]e processus de revue par les pairs n'est pas parfait mais il fonctionne » (l'original utilise la forme emphatique : « does work »).
Conséquence : il reçoit une bordée de deux scientifiques qui protestent contre la dépublication [7] ! Il produit une réponse postée sur le site de l'éditeur, Elsevier, le 10 décembre 2013 [10] et sur celui de F&CT le 6 janvier 2014 [11] (un tel délai fait singulièrement désordre...). Il reçoit du reste aussi des lettres de soutien de non-scientifiques, et en publie deux – transformant ainsi F&CT en champ de bataille pour un affrontement idéologique. Sa réponse – à des questions selon le titre ! – ajoute encore à la confusion. Mais il lâche le morceau : « En conclusion, F&CT a retiré cet article parce qu'une investigation minutieuse a révélé que ses méthodes étaient scientifiquement déficientes » (« flawed »).
F&CT aura donc mis quatorze mois pour parvenir à une conclusion que des instances d'évaluations telles que l'ANSES et le HCB avaient tirée en moins d'un mois. Et l'équipe de M. Séralini – réduite pour l'occasion à quatre membres – a eu beau jeu d'exploiter les approximations, confusions, et erreurs de M. Hayes dans leur réponse à la dépublication [12].
Mais surtout, grâce à M. Hayes, elle aura trouvé un bel argument de campagne. « Il n'y a pas eu fraude » devient par un habile glissement, souvent suggéré : « Notre étude est valable ».
Et M. Goodman devint éditeur associé...
Cette longue histoire est aussi affligée d'un incident : l'arrivée, au sein de l'équipe rédactionnelle de F&CT en tant qu'éditeur associé, semble-t-il en février 2013, de M. Richard E. Goodman, professeur d'allergologie de l'Université du Nebraska.
Il se trouve que, de 1997 à 2004, M. Goodman avait travaillé pour Monsanto. Cerise sur le gateau, M. Goodman « œuvre aussi à l’ILSI (International Life Science Institute), un lobby financé par les industriels de la chimie et de l’alimentation (dont Bayer CropScience, BASF et Monsanto) ». Cette allégation a été complaisamment relayée en novembre 2013 par la revue Science & Avenir dont il sera aussi question ci-après, sous la signature de Mme Rachel Mulot [13].
Il « œuvre pour » ? Pour autant que nous l'ayons pu déterminer, il n'a été qu'un orateur à des événements organisés par l'ILSI. Mais cela suffit aux ayatollahs de l'anti-OGMisme pour le cataloguer parmi les ennemis du peuple... Et emmancher la théorie de la conspiration du grand méchant Monsanto et de l'industrie en général.
La republication : un événement exceptionnel dans le monde scientifique
Un tabloïd pour science de pacotille
Ni l'égo démesuré de M. Séralini, ni la stratégie politique de combat contre les OGM et les pesticides ne pouvaient se satisfaire du retrait de l'article de F&CT. M. Séralini a donc republié son étude dans un journal du groupe Springer, Environmental Sciences Europe, sous un titre explicite qui sonne comme un cri de victoire sur Satan et ses sbires : « Republished study: long-term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize » [14].
L'égo s'est satisfait d'une revue de série Z. Pour la stratégie politique, la réputation du journal n'a guère d'importance ; pourvu qu'on puisse en citer un à l'appui de la désinformation ou de la manipulation...
Cette revue est en open access (accès libre), un système généralement fondé sur le financement de la publication par l'auteur. Elle n'a pas de facteur d'impact, bien qu'elle soit promise à un bel avenir à coup d'autocitations de son éditeur-en-chef, M. Henner Hollert, Université d'Aix-la-Chapelle ; on se permettra de l'égratigner ici : Sticky Journals l'a félicité pour ses qualités de pollueur de la science environnementale en novembre 2011, ce qui semble assez prémonitoire [15].
M. Marcel Kuntz a procédé à une petite analyse des articles publiés par cette revue sur les OGM. Conclusion :
« En résumé : il s’agit d’un journal qui n’a pas d’influence sur l’avancée des sciences, qui publie quelques textes non-militants qui servent de faire valoir à la majorité d'articles de "science" parallèle. L’intérêt principal de ce journal est d’être un Who’s Who des organisations de la "science" parallèle anti-OGM en Europe » [16].
Un étrange avant-propos – noyé dans le texte !
La republication est assortie d'une sorte d'avant-propos – noyé dans le texte ! – de M. Winfried Schröder, éditeur de la série thématique « Implications for GMO-cultivation and monitoring » :
« Les sciences naturelles et sociales empiriques produisent du savoir (en allemand : Wissenschaften schaffen Wissen) qui devrait décrire et expliquer les phénomènes passés et présents et estimer leur développement à venir. On utilise à cette fin des méthodes quantitatives. Le progrès en science exige des débats contradictoires pour arriver aux meilleurs méthodes en tant que bases pour des résultats objectifs, fiables et valides s'approchant de ce qui pourrait être la réalité. Une telle compétition méthodologique constitue l'énergie nécessaire au progrès scientifique. Dans ce sens, l'ESEU ambitionne de permettre des discussions rationnelles traitant de l'article de G.-E. Séralini et al. (Food Chem. Toxicol. 2012, 50:4221–4231) en le republiant. En faisant cela, toute forme d'évaluation du contenu de l'article ne devrait pas être connotée [mot à mot]. Le seul but est de permettre la transparence scientifique et, sur cette base, une discussion qui ne cache pas mais vise à canaliser les controverses méthodologiques. »
Bien malin celui qui arrivera à tirer la substantifique moelle de ce paragraphe ! Il semble que ce soit une mise en garde du lecteur contre toute tentative d'interpréter, dans un sens ou un autre, la position de l'éditeur sur la valeur de l'article. Ce serait : nous publions pour permettre un débat (qui a déjà eu lieu ad nauseam...). Cela pourrait aussi être de manière lapidaire : nous publions parce que c'est un pote et qu'il a payé les £730/$1220/€880 requis...
En tout cas, inviter le lecteur à ne pas spéculer sur le positionnement de l'éditeur, n'est-ce pas révéler ce positionnement ?
Une conclusion s'impose toutefois : en publiant une version révisée de l'article, ESEU s'est apposé le sceau de l'indignité scientifique et a définitivement fait son coming out en tant que membre du réseau de propagation de la « science » politisée.
Des remaniements et des compléments
Nous ne nous attarderons pas sur la publication elle-même. Des scientifiques se sont exprimés. C'est essentiellement, et forcément, du déjà-vu. Mais c'est aussi regrettable car la désinformation séralinienne a eu droit à un nouveau tour de piste.
L'article n'est révisé que sur le plan des arguments – et des arguties. La substance reste inchangée. Comment pourrait-il en être autrement avec des auteurs qui ont toujours été droits dans leurs bottes face aux critiques et qui sont capables de nier l'évidence avec la dernière énergie ? Il y a certes des informations nouvelles, mais ce sont des données qui avaient fait l'objet d'une rétention en 2012.
Les malfaçons de l'expérience sont de toute manière telles que la nouvelle publication, avec ses ajouts, ne peut pas remédier aux défauts.
La campagne médiatique avait été axée sur les tumeurs (et les immondes photos... reprises dans le nouvel article... toujours sans témoin). L'article d'origine s'ouvrait en conséquence sur le chapitre des tumeurs – oui, en conséquence : l'article avait manifestement été conçu comme support de campagne, tout comme l'expérience elle-même. Une des critiques avait été que le protocole était inadéquat pour une étude de cancérologie ; l'équipe avait répondu que ce n'était pas une étude de cancérologie... dans la nouvelle publication, cet aspect est traité en deuxième partie. Comme si cela pouvait mettre fin à la critique !
On notera aussi pour l'amusement que les colonnes des graphiques sur la mortalité et les tumeurs ont été inversés...
Une déclaration d'absence de conflits d'intérêts et des remerciements « améliorés »
Pitoyable ! Elle était courte ; elle gonfle (aux deux sens du terme) :
« Le(s) auteur(s) [sic]déclare(nt) qu'il(s) n'a (n'ont) pas de conflits d'intérêts, et que, contrairement aux évaluations réglementaires pour les OGM et les pesticides, ils sont indépendants des compagnies développant ces produits ».
Notons que M. Michael Antoniou, sauf erreur britannique, membre du CRIIGEN, a été remercié pour « English assistance ». Peut mieux faire...
Les remerciements ont aussi été augmentés : « l'Association CERES » est maintenant complété par « pour la recherche sur la qualité des aliments, représentant plus de 50 compagnies et donations privées [sic]. » Ce n'est guère plus transparent sur l'origine des fonds et, partant, les conflits d'intérêts ! Et c'est se moquer du monde.
Un étrange complément
Est-ce encore de la science ?
Dans sa présentation générale, l'ESEU affirme que la revue couvre un large champ, « tous les aspects des sciences environnementales, y compris le thème principal de la réglementation » et qu'elle « contribuera à améliorer la compréhension des questions entre les sciences environnementales et la réglementation » [17].
Serait-ce en application de cette ambition que le journal a accepté une sorte de complément à l'article republié, « Conflicts of interests, confidentiality and censorship in health risk assessment: the example of an herbicide and a GMO » de Gilles-Eric Séralini, Robin Mesnage, Nicolas Defarge et Joël Spiroux de Vendômois (soit quatre des huit auteurs d'origine) [18] ?
Le titre se suffit à lui-même : on est dans le domaine du politique.
Le CRIIGEN en a fourni une traduction sur son site, « Conflits d’intérêts, confidentialité et censure dans l’évaluation des risques pour la santé - L’exemple d’un herbicide et d’un OGM » [19]. Mais il n'a pas fourni de traduction du nouvel article sur les rats. On voit donc où sont les priorités...
Un tissu de récriminations hémiopiques
Il serait fastidieux de faire l'analyse détaillée de ce texte. Nous la ferons peut-être un jour. Une brève incursion dans le résumé suffit.
« Dans la semaine qui a suivi [la publication originale], la première vague de critiques est arrivée, principalement de la part de biologistes des plantes sans expérience en toxicologie. »
Il est ainsi suggéré que les critiques sont irrecevables. On peut – on devrait – du reste retourner l'argument : quelles sont les compétences de l'équipe Séralini en toxicologie ? Rejeter les critiques pour absence de compétence, c'est aussi décrédibiliser sa propre « étude ». Mais c'est là un risque que M. Séralini pouvait prendre en s'adressant à un public non ou peu initié.
En tout cas, c'est la tactique No 1 de la désinformation : fabriquer le doute.
Et tactique No 2 : dénigrer les contradicteurs.
« Nous avons répondu à toutes ces critiques. »
C'est évidemment faux, au mieux discutable. Une ânerie ou un faux-fuyant, c'est évidemment une réponse ; mais c'est aussi une non-réponse. Certaines critiques étaient de toute manière irréfutables.
Tactique No 3 : prendre la posture de l'ange.
« C’est alors que des arguments qui dépassaient la science et des attaques ad hominem, et potentiellement diffamatoires, ont commencé à être publiés pêle-mêle dans différents journaux sous la plume d’auteurs ayant de sérieux conflits d’intérêts masqués. »
Quelles attaques ? Et qui peut croire à cette chronologie qui suggère une escalade de la violence de la part de critiques qui, se voyant contrés, auraient recouru à l'ultima ratio de Schopenhauer ? Il faut lire le texte : la liste des griefs est à la fois impressionnante et dérisoire.
Tactique No 4 : prendre la posture du martyr.
« Au même moment, un ancien employé de Monsanto faisait son entrée à FCT en tant que nouvel éditeur assistant pour les biotechnologies après avoir rédigé une lettre de critiques contre nos travaux. Ceci explique en particulier pourquoi la revue FCT a demandé une analyse post-hoc de nos données brutes. »
Au même moment ? En février 2013, le tsunami de critiques était retombé. Un ancien employé ? Professeur d'université depuis 2004... Mais c'est toujours bon à vendre. L'avalanche de critiques tombées sur la revue et son rédacteur-en-chef serait donc restée sans effets, ou du moins sans importance !
Tactique No 5 : exploitation des coïncidences.
Tactique No 6 : c'est un complot.
« Le 19 novembre 2013, l’éditeur en chef réclamait le retrait de notre étude, tout en reconnaissant que les données n’étaient pas incorrectes, qu’il n’y avait eu ni faute, ni fraude ou mauvaise interprétation volontaire dans l’analyse de l’ensemble de nos données brutes – un fait extraordinaire et sans précédent dans le monde de l’édition scientifique [...]. »
Bien sûr, M. Séralini écarte de ses récriminations toutes les critiques formulées par les autres acteurs de cette lamentable histoire, y compris le verdict de M. Hayes : « En conclusion, F&CT a retiré cet article parce qu'une investigation minutieuse a révélé que ses méthodes étaient scientifiquement déficientes » (« flawed ») [10][11].
Tactique No 7 : tri sélectif des faits (au besoin invention).
« [...] Cependant, notre étude n’a jamais été pensée pour étudier la cancérogenèse. De même que le mot cancer n’est pas utilisé dans notre article. »
Effectivement pour la première phrase : l'étude a été pensée pour produire un effet médiatique maximum. Et si le mot « cancer » ne figure pas dans l'article, on y trouve « carcinome » et des dérivés de celui-ci.
Tactique No 8 : fabrication de faits.
Cette dialectique, et surtout cette capacité de ne retenir que ce qui arrange et de rejeter ce qui dérange, a déjà été observée par le passé. C'est une constante de l'auteur (de certains auteurs) de l'« étude », et devrait constituer un problème pour ceux qui l'ont cosignée, ainsi que pour les sponsors.
Un sommet est atteint pour ce qui est de M. Hayes. Il faut le croire sur parole quand il déclare, selon les termes des auteurs, « qu’il n’y avait eu ni faute, ni fraude ou mauvaise interprétation volontaire dans l’analyse de l’ensemble de nos données brutes » (ce qui, du reste, occulte la lancinante question du protocole destiné à la production de hasard organisé). Il ne saurait être crédible quand il affirme avec force que M. Goodman n'a joué, au mieux, qu'un rôle incident dans la réévaluation de l'article, et que la décision de retirer l'article a été prise par M. Hayes seul [10][11]. Et comme il s'agit de fabriquer de la désinformation – dans une revue à caractère scientifique – le plus efficace est encore de la passer sous silence.
Éditeur, es-tu là ?
Si l'analyse comportementale est intéressante, surtout avec de tels cobayes, il est bien plus important de savoir comment ce texte a pu passer l'épreuve de la revue par les pairs et comment l'éditeur a pu l'accepter pour publication. Ce texte comporte des énormités encore plus grandes que le résumé, notamment des ragots colportés sur la toile.
Le texte est aussi intéressant par ce qu'il ne dit pas. Les critiques émanant de personnes ou d'entités difficilement critiquables, par exemple des six académies scientifiques françaises ou des instances consultatives comme l'ANSES et le HCB, sont passées sous silence. Ces instances ne sont guère mentionnées, sauf pour avancer une autre théorie de la conspiration : « Tout cela fut rapidement suivi par une coordination des agences réglementaires nationales, organisée par l’EFSA, qui émettent un avis le 4 octobre 2012 » (en fait l'avis est de la seule EFSA). Les reviewers (s'il y en a eu) pouvaient-ils ignorer cela ?
En fait, on assiste avec ce texte – comme précédemment avec les écrits de M. Hayes – à une sorte de schizophrénie : le débat, en l'occurrence c'est plutôt un pugilat, se déroule quasi exclusivement sur le front de la publication scientifique. Les événements en dehors de cette tour d'ivoire, ainsi que le côté militant de l'équipe séralinienne, sont occultés.
Il y aurait « censure dans l’évaluation des risques pour la santé » ? Il y a eu une censure éhontée dans cette publication.
Est-ce ainsi que l'ESEU espère contribuer à « améliorer la compréhension des questions entre les sciences environnementales et la réglementation » ?
Les faits sont accablants : dans le même élan, ils ont republié un article en jurant que c'est pour promouvoir une discussion rationnelle, la rigueur intellectuelle ; et ils s'assurent que le débat sera fondé sur les émotions, des supputations, des ragots, des théories du complot,. Enfin tout ce qui fait avancer la « cause ».
Pas de conflits d'intérêts et de curieux sponsors
Les auteurs ont déclaré une absence de conflits d'intérêts. Admettons.
Trois se réclament de l'Université de Caen et le quatrième, curieusement, du CRIIGEN (Caen est pourtant son affiliation dans l'autre publication).
Il y a ici trois problèmes.
Premièrement dans le cadre des sciences parallèles, politisées, il ne saurait y avoir de conflits, au sens littéral, mais identité d'intérêts entre les auteurs et le CRIIGEN ainsi que les Fondations Charles Leopold Mayer (FPH), Denis Guichard et JMG, l'objectif commun étant de décrédibiliser le système actuel de régulation des OGM et des produits phytosanitaires. Mais, dans le cadre des vraies sciences, œuvrer pour la réalisation d'objectifs non scientifiques, et des objectifs de ses sponsors, en instrumentalisant la science, crée un conflit d'intérêts. En l'occurrence non déclaré.
Deuxièmement, les auteurs se sont livrés à une véritable agression de leurs critiques :
« Des enquêtes ont pu mettre en évidence que de nombreux auteurs de ces tribunes d’opinion avaient gardé leurs conflits d’intérêts masqués [...] Ces conflits d’intérêts non dévoilés incluent notamment des liens financiers avec les entreprises de biotechnologies et des groupes de lobbying financés par l’industrie ».
Des enquêtes ? Prélude à un régime totalitaire ? Mais, bien plus important, les/des auteurs se réclamant de l'Université de Caen ont omis de signaler dans cet article qu'ils étaient aussi membres du CRIIGEN, ayant ainsi des liens financiers avec des entreprises surfant sur l'anti-OGMisme ; et que le CRIIGEN était un groupe de lobbying en partie financé par des agents économiques essentiellement du commerce.
Troisièmement, Malongo et Lea Nature sont remerciés pour leur aide. Quelle aide pour un commentaire ? Cela sent le renvoi d'ascenseur... un conflit d'intérêts pour les auteurs ?
Le mini-cirque médiatique
Cachotterie et paranoïa
La republication ne pouvait se dispenser d'une conférence de presse. Celle-ci a eu lieu le 24 juin 2014 au bureau d'information parisien du Parlement européen, sans nul doute grâce à l'entregent de Mme Corinne Lepage...
Cela n'a pas été un grand succès. La ficelle commence à s'user... Les protagonistes avaient pourtant ménagé le suspense, pour la conférence de presse, en ne dévoilant « le nom de l'éditeur et de la revue de Springer publiant l'étude » que lors de la conférence.
Mais l'essentiel n'est-il pas de déposer quelques scories pour le long terme ? Ce qui se retrouve sur la toile peut être cité... et ravivé à tout moment... Le dossier de presse – au nom du CRIIGEN pour des publications essentiellement d'auteurs se réclamant de l'Université de Caen, mélange des genres oblige... – a été mis en ligne par le CRIIGEN [20].
M. Ivan Oransky, de Retraction Watch, s'est enquis sur ce silence sur le nom de la publication auprès de M. Séralini. Réponse :
« Monsanto a exercé tant de pressions sur le journal la première fois que nous voulons éviter les pressions illégales » [21].
Des pressions sur ESEU ?
Médiatisation en bande...
Sans surprise, l'événement (en principe) scientifique a servi de tremplin pour une opération médiatique et politique :
« A 11h45, une prise de parole d'associations partenaires sera organisée afin d’interpeller les autorités sur les conséquences sanitaires des découvertes de l'équipe scientifique du CRIIGEN. En présence de Christian Vélot, Fondation Sciences Citoyennes, François Veillerette, Générations futures, et Miguel Garcia, Eau & Rivières de Bretagne. »
Qu'est que l'information ?
Le filon s'épuise. La plupart des médias ont donc repris, sans s'y attarder, la dépêche de l'AFP (sans oublier, pour certains, de remettre les ignobles photos de rats). On prendra pour exemple le Nouvel Observateur, celui-là même qui avait été à l'épicentre de l'extraordinaire Blitz médiatique de septembre 2012 [22]. Ou le Monde [23].
Sans s'y attarder et surtout sans recul et sans analyse critique s'agissant des nouvelles affirmations.
Le Nobs écrit par exemple :
« Cette publication se fait en "open source", ce qui fait que les données sont en accès libre pour l'ensemble de la "communauté scientifique", "ce que l'industrie s'est toujours refusée de faire au nom du secret industriel ou de la propriété intellectuelle", souligne le Criigen. »
Dans le Monde, c'est :
« "Nous avons eu des propositions de cinq éditeurs pour republier l'étude et nous avons choisi Environmental Sciences Europe (groupe Springer) car cette revue fonctionne en “open source”, ce qui va permettre de mettre à la disposition de toute la communauté scientifique les données brutes", a indiqué Gilles-Eric Séralini. »
« Le CRIIGEN a dit... » est une information. Mais ce qu'il a dit est un mélange d'erreurs et d'enfumage. C'est de la désinformation.
La publication n'est pas « open source », mais « open access » [17]. Et la mise à disposition des données brutes ne dépend pas du système de publication.
Cela pose un grave problème pour nos sociétés dans lesquelles l'« information » circule à la vitesse de la lumière, dans une avalanche qui rend la réflexion, la mise en perspective et le recul difficiles.
La galaxie qui englobe les producteurs de « sciences » parallèles exploite très habilement cette faille. Et la vraie science n'a pas saisi l'enjeu sociétal de sa présence accrue dans le paysage médiatique.
Science&Avenir passe les plats
Le Nobs ayant fait cette fois preuve de retenue, c'est un autre journal du groupe – et Mme Rachel Mulot – qui s'est fait le relai de l'équipe du CRIIGEN. Nous avons déjà eu l'occasion de nous pencher sur la ligne éditoriale de Science&Avenir sur ce site [24]. Nous ne pouvions guère être décus !
Mme Mulot, ayant assisté à la conférence de presse, a construit un article sur la base de ses gazouillis [25]. Nous pouvons donc nous faire une idée des points forts de la conférence. Et cela donnera un très bref aperçu des critiques que l'ont peut formuler sur un dossier de presse truffé de malfaçons, évidemment volontaires.
« Nous avons eu propositions de 5 éditeurs, nous avons choisi celui en open source »
Voilà une affirmation invérifiable. Cinq éditeurs de revue auraient proposé de republier une étude qui a coulé corps et biens sous les assauts de l'examen critique d'une douzaine d'agences d'évaluation ? Et M. Séralini aurait choisi celle dont le facteur d'impact est proche de zéro et qui serait la 190 de son domaine sur 210 [26] ?
« Nous sommes les seuls à publier nos données brutes de toxico sur OGM. Aucun industriel ne l'a fait: anomalie »
Mme Mulot relaie trois affirmations en deux phrases.
Une contre-vérité : ils n'ont pas publié toutes les données brutes, même s'ils ont fait un effort, sans nul doute pour se dédouaner et pour les besoins de la communication [27]. Ils ont par exemple fait des prises de sang sur dix mois différents mais n'ont produit que les données du quinzième mois ; ils ont donné le nombre de tumeurs par groupe de rats, mais pas par rat (conséquence : un groupe avec un rat avec sept tumeurs = un groupe avec sept rats avec une tumeur chacun). Les soupçons de cherry picking, de pêche aux bons résultats, ne sont pas levés (de toute manière, cela n'a pas d'importance, le protocole d'essai étant insuffisant).
Une supputation : sont-ils les seuls ? C'est à voir. En tout cas, c'est une nouvelle manifestation de mégalomanie.
Un sophisme et une tromperie : Aucun industriel ? L'industriel ne produit pas d'études scientifiques. Ce n'est pas son rôle. Mais ses dossiers d'homologation sont accessibles selon la législation sur l'accès du public à l'information en matière d'environnement. M. Séralini le sait très bien : il avait obtenu des données brutes, certes après quelques escarmouches de Greenpeace, pour une étude antérieure (démolie par le HCB) [28].
Et Mme Mulot écrit benoîtement :
« Une façon pour le scientifique de marquer sa bonne foi, "l’industrie (s’étant) toujours refusée à faire (de même) au nom du secret industriel ou le la propriété intellectuelle". »
Sa bonne foi ? On se souvient du refus obstiné qu'il a opposé aux demandes de publication de ses données brutes émanant tant de chercheurs que d'autorités de régulation (notamment l'ANSES et l'EFSA). Sachant que son « je publie si les autres oublient avant » est une forme déguisée de refus.
« Dehauvels (statisticien) : "les affirmations disant qu'on ne peut tirer aucune stat à partir de 10 rats sont fausses" »
M. Paul Deheuvels (et non Dehauvels) était donc présent et a dû réciter un air connu.
Ce propos rapporté par Mme Mulot – s'il reflète bien ce qui a été dit – prend une saveur nouvelle. Personne, en tout cas personne de compétent, n'a proféré de telles affirmations. La prêter aux critiques de l'« étude » est une manœuvre de dénigrement. Le sophisme de l'homme de paille.
Ce qui a été constaté, en revanche, c'est que l'équipe Séralini n'a pas produit d'analyse statistique (et pour cause, elle n'aurait pas confirmé la thèse...) pour ses résultats relatifs à la mortalité et aux tumeurs... et il n'y en toujours pas dans la version révisée de son article. Il a aussi été constaté que ses résultats tiennent du hasard organisé. Et, enfin, que M. Séralini a affirmé qu'on ne pouvait pas faire de statistiques sur des nombres entiers [29].
« D’innombrables études toxicologiques utilisent la souche de rats Sprague Dawley incriminée... »
Que ce genre d'enfumage puisse encore être utilisé et, surtout, relayé est proprement incroyable.
Des rats SD sont certes utilisés de manière routinière pour certaines études, selon certains protocoles, mais cela ne valide nullement le choix de cette souche par l'équipe Séralini pour son « étude ».
Combien de revues par les pairs ?
Le dossier de presse contient l'affirmation suivante, ciselée avec art :
« Afin de sortir de ce débat par le haut, l’équipe de recherche du Pr. Séralini a fait le choix de republier son étude chez le groupe éditorial Springer dans une revue en "open access" (qui sera dévoilée à la conférence de presse) et disposant d’un comité de relecture par des pairs. »
Que signifie : « disposant d’un comité de relecture par des pairs » ? La question n'a pas été abordée par Mme Mulot dans Science&Avenir, mais le sens caché de ce bijou d'enfumage a été affiché sur les écrans par Mme Claire Robinson, l'éditrice de GMOSeralini, au titre ô combien évocateur :
« Cette étude a maintenant franchi pas moins de trois rounds de revues par les pairs rigoureuses » [30].
D'autres amis de M. Séralini ont utilisé le même argument. Tel M. Michael Antoniou, membre du CRIIGEN, sur le même site :
« Peu d'études survivraient à un examen aussi attentif par des collègues chercheurs. La republication de l'étude après trois revues par des experts est un gage de rigueur, ainsi que d'intégrité des chercheurs. »
Ou encore M. Jack Heinemann :
« Cette étude a sans aucun doute résisté au processus de révision le plus approfondi et indépendant auquel une étude scientifique sur les OGM a pu être soumise. »
N'en jetez plus ! Non... voici encore, du même :
« Je félicite Environmental Sciences Europe pour avoir soumis l'étude à un autre round de révision par les pairs rigoureuse et anonyme, et pour avoir bravement défendu l'exercice et la recommandation de ses réviseurs, en particulier après avoir été témoin des événements relatifs à la première publication. »
Vraiment ?
La première a singulièrement manqué de rigueur. La deuxième a mené à la dépublication (même si M. Hayes a essayé de préserver les apparences dans ses explications officielles).
Et la troisième ?
Retraction Watch s'est intéressé à la question et a interrogé M. Séralini. Celui-ci a confirmé par courriel qu'il y a eu revue [31].
Vraiment ?
Eh bien, il n'y en a pas eu ! M. Hollert, l'éditeur-en-chef d'ESEU, a répondu, non pas au petit poisson Retraction Watch mais à Nature, qu'il n'y avait pas eu de revue « scientifique » par les pairs :
« ...parce que cela avait déjà été fait par Food and Chemical Toxicology et qu'il a été conclu qu'il n'y avait pas eu de fraude ou de mauvaise interprétation. »
Le rôle des reviewers engagés par ESEU a été de vérifier qu'il n'y avait pas de changement dans le contenu scientifique de l'article [32].
Réagir !
Nos pérégrinations électroniques nous ont amenés à « UK Parliament Meets to Discuss Dangers of World’s Best Selling Herbicide: RoundUp » (le Parlement du Royaume-Uni se réunit pour examiner les dangers de l'herbicide le plus vendu dans le monde : le Roundup) sur Nation of Change [33]. Titre boursouflé ! Dès la première phrase, on apprend que c'était un événement du groupe parlementaire interparti sur l'agroécologie (All-Party Parliamentary Group on Agroecology) [34]. C'est ainsi que fonctionne la désinformation... le titre est presque vrai, vous n'allez tout de même pas chipoter...
Mais là n'est pas le propos du jour. Ce groupe est un forum pour les débats, l'information... et le lobbying. C'est écrit subtilement sur le site du groupe : « coordonner les actions des ministres et de l'opposition [...] ». C'était plus brutal sur le site précédent : « coordonner le lobbying [...] » [35]. Et c'est, avec d'autres, un point d'entrée dans le processus de décision démocratique pour les théories et les projets politiques fondés sur des « sciences » politisées ou « parallèles » selon la définition proposée par M. Kuntz [36]. Il suffit de voir la liste des orateurs – et surtout leurs présentations : imperturbables, ils ont égrené le chapelet des horreurs « scientifiques », dont des écrits de l'équipe Séralini.
Notons incidemment que ce problème se pose avec une très grande acuité, sous d'autres formes, au Parlement européen.
Dépubliée, l'« étude » de Séralini et al. n'avait plus de valeur, sauf à « expliquer » (par une théorie du complot), pourquoi elle avait été dépubliée. Republiée, surtout avec son nouveau titre, elle devient un bijou pour le monde alter et anti.
On peut s'attarder sur les activités des chercheurs militants, sur le rôle de passeurs de science parallèle d'ESEU et d'autres journaux scientifiques ou « scientifiques », sur l'influence des médias complaisants, naïfs ou vénaux, ou encore noyautés.
« [L]a « science "parallèle" nuit à la démocratie » a fort justement – mais avec une mesure qui n'est plus de mise – écrit M. Kuntz [36]. Il est temps de s'attaquer au problème dans toutes ses dimensions.
Wackes Seppi
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[1] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512005637
Texte disponible, par exemple, à :
http://www.ask-force.org/web/Seralini/Seralini-Long-Term-Toxicity-RR-Bt-def-2012.pdf
[2] http://sante.lefigaro.fr/actualite/2012/09/20/19097-letude-sur-ogm-fortement-contestee
[4] Cité dans :
http://alerte-environnement.fr/2013/01/14/gilles-eric-seralini-peut-decommander-lhuissier/
[5] www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512007946
[6] http://www.journals.elsevier.com/food-and-chemical-toxicology/news/journal-statement/
[7] Liens à :
http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512005637
Pour ceux qui ne sont pas dans la liste, voir :
[8] http://www.enveurope.com/content/26/1/13
[9] http://www.gmwatch.org/files/Letter_AWHayes_GES.pdf
[11] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514000076
[12] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514002002
[14] http://www.enveurope.com/content/26/1/14
[15] http://sticky-journals.blogspot.fr/2011/11/henner-hollert.html
[16] http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-propagation-science-parallele-123976235.html
[17] http://www.enveurope.com/
[18] http://www.enveurope.com/content/26/1/14
[27] http://weedcontrolfreaks.com/2014/07/seralini-rat-study-revisited/
[28] http://www.ijbs.com/v05p0706.htm
[29] http://gmopundit.blogspot.fr/2012/10/gmo-statistics-part-18-seralini-repond.html
[30] http://www.gmoseralini.org/republication-seralini-study-science-speaks/
Avec un renvoi à un article antérieur.
[34] http://agroecology-appg.org/
[35] http://agroecologygroup.org.uk/index.php/about-the-appg/
[36] http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-parallel-science-postmodernism-124159286.html