Une critique du projet PICRI, par Philippe Joudrier
Partenariat institutions-citoyens pour la recherche et l’innovation ou PICRI. L’intitulé de ces projets financés par le conseil régional d’Ile de France fleure bon la « science alternative ».
L’une des études programmées :
OGM et non-OGM : quelle équivalence en substance ?
Voilà une question qui surprendra plus d’un scientifique un tant soit peu au fait de l’évaluation des OGM. On est moins surpris lorsqu’on découvre que les « citoyens » investis dans cette étude ne sont autres que le MDRGF et Christian Vélot, c’est-à-dire des militants anti-OGM. L’imposture scientifique saute d’autant plus aux yeux que des les premières lignes de présentation, les auteurs du projet affichent leur ignorance sur le sujet.
Nous publions ici les commentaires de Philippe Joudrier, biologiste, directeur de recherche honoraire, et ancien président du comité d’experts spécialisé biotechnologies de l’AFSSA
Anton Suwalki
Une critique du projet PICRI, par Philippe Joudrier
Sur la forme, le mouvement des antis ne cesse d'inventer de nouvelles formes d'attaques, tentent de réinventer l'eau tiède en permanence.
Ce projet est un « magnifique » exemple de ce que l'on appelle en psychologie l'escalade d'engagement.
Il illustre une fois de plus le fait que ces mouvements, et parmi eux quelques « scientifiques », n'ont pas compris ce qu'était réellement un OGM (une variété comme les autres -obtenues par les autres méthodes d'amélioration-!) qu'ils n'ont pas compris qu'un simple croisement, c'est de la transgénèse aléatoire ... bref, plein de concepts biologiques et connaissances semblent délibérément oubliés ou non assimilées !
Au delà, ils avouent ne pas savoir comment est réalisée l'évaluation d'un OGM.
Oser écrire dans le projet :
"Par exemple, l’étude de l’équivalence en substance entre un maïs OGM et sa contrepartie conventionnelle peut être réduite à l’analyse de trois caractères phénotypiques : le mode et le taux de reproduction, le taux de dissémination, et la survie des graines"
est une ânerie monumentale !
L'équivalence en substance ne procède nullement de l'analyse de ces trois caractères phénotypiques ... ce n'est pas du tout ce que recouvre le test d'équivalence en substance qui n’est d’ailleurs qu’un élément (préliminaire) de l'évaluation de la plante pour évaluer le risque toxicologique, sanitaire et nutritionnel, donc rien à voir avec le mode et le taux de reproduction, le taux de dissémination et la survie des graines. Tout cela, et bien d’autres points, sont examinés par ailleurs (risques environnementaux).
Pire même, la remise en cause de l'équivalence en substance prouve aussi que ces gens là ignorent tout le processus d'évaluation (j’en conviens : excessif, abusif, contraignant d’ailleurs reflétant aussi un principe de précaution non compris et mal mis en œuvre) que sont contraints de subir les PGM, (et les OGM d'une manière générale).
Car le remettre en cause, c'est remettre en cause la démarche rationnelle et logique qui fonde toute expérimentation scientifique depuis toujours.
Toute recherche consiste à comparer deux situations, états, faire varier si possible un seul paramètre pour tenter ensuite de tirer des conclusions de cause à effet. Le refus de cette démarche préliminaire d’étude de tout phénomène, c’est le refus de la méthode scientifique !
Ainsi, jouant sur l’ignorance de trop de personnes de ce que représente l’équivalence en substance (ES), ils en rajoutent une couche et décrivent cette ES comme quelque chose qui ne correspond nullement à ce qui est fait et arrivent à se faire financer un programme sur ce thème !
Dans tous les cas, on peut dire à l’avance que ce projet ne va rien apporter de plus que ce que l’on sait déjà.
Non seulement les décideurs politiques – en l’occurrence ici, la Région Ile de France – se laissent avoir, en finançant des incapables mais ils se laissent berner par le discours de ces écolo verdâtres qui n’ont d’ailleurs aucune compétence sur le sujet ni en écologie d’ailleurs. Car se dire écologiste et refuser les OGM, c’est aussi montrer que l’on n’a pas compris ce qu’est l’écologie.
Une publication toute récente de juin 2012 (sino-française) confirme bien le fait que les OGM (le cotonnier dans cette étude) sont plus écologiques que leur contrepartie non GM.
Widespread adoption of Bt cotton and insecticide decrease promotes biocontrol services
Yanhui Lu1, Kongming Wu1, Yuying Jiang2, Yuyuan Guo1 & Nicolas Desneux3
doi:10.1038/nature11153
http://sciences.blogs.liberation.fr/files/le-bt-coton-ecolo.pdf
La Région finance un sujet à des groupes, associations pseudo-scientifiques ou à des militants anti-science sans en faire référence aux instances officielles d’évaluation, La Région a-t-elle seulement fait une saisine sur le même sujet auprès de l’ANSES, le HCB ? Cela serait tout de même la moindre des choses de prendre les sujets par le bon bout !
Dans ce projet et sans doute pour laisser croire qu’ils sont « au courant », qu’ils ont un vernis scientifique, Vélot & co mettent là dedans les méthodes nouvelles (en -omiques) qui permettent d’analyser le génome.
Pas de pot, il y a bien longtemps qu’il existe plusieurs publications relatant des analyses de transcriptomes, protéomes et même métabolome ().
On en parle depuis des années dans les commissions d‘évaluation (même lorsque l’on mettait sur pied les lignes directrices dès 1998. Au sein d’abord du CSHPF puis ensuite de la CGB et de l’AFSSA.
On n’a donc pas attendu des CV ou le MGF… pour nous dire ce qu’il fallait faire ni comment le faire !
Pour aller rapidement à l’essentiel, car on pourrait en écrire des tartines :
Toutes ces analyses en omiques concluent de la même manière :
On trouve plus de variations entre une variété issue d’un simple croisement (par rapport à ses deux parents) et une variété GM par transgénèse par rapport à sa contrepartie isogénique.
Pour tous ceux qui ont un tant soit peu réfléchi à ce qu’il se passe comme événement génétique au sein d’une cellule lors des divisions cellulaires –mitose et méiose- et/ou de la fusion nucléaire, ce résultat ne surprend personne.
J’insiste encore, le croisement est une autre « méthode » de transgénèse. Mais lors d’un simple croisement, il n’y a pas que de la transgénèse, il se passe plein d’autres événements génétiques (je développe tout cela dans mon ouvrage OGM : Pas de quoi avoir peur ! page 51 à 70).
Il faudrait aussi que les gens comprennent qu’il n’y a aucun lien entre l’importance d’une mutation (d’une mutation ponctuelle à une duplication de génome) et un risque quelconque. Pour le coup, des exemples de cela existent depuis que les organismes existent et ils abondent chez l’homme pour qui veut bien se donner la peine de les regarder (par exemple, 8000 maladies génétiques « orphelines » : voir le site d’Orphanet) !
De plus, toutes les variations observées par ces techniques en –omiques, on est encore dans l’impossibilité de les interpréter …
Si on voit bien ce qui a bougé, ce qui est en plus ou en moins, on est bien en peine de comprendre qu’elle est l’implication de telle ou telle variation pour tel ou tel caractère.
Dans l’état actuel des connaissances, on ne sait pas encore relier ce que l’on observe à quoi que ce soit de concret dans l’immense majorité des situations.
Je ne dis pas que cela ne sera pas possible un jour, mais pour l’instant, ce type d’analyse a besoin de se construire des référentiels pour chacune des situations rencontrées et il y en a encore pour des années.
Enfin, sur le caractère novateur en utilisant les techniques en -omiques :
« Caractère novateur du projet, et enjeu sociétal
Quelques études d’analyse de transcriptomique ou protéomique comparatives ont été effectuées récemment entre des plantes génétiquement modifiées et leur contrepartie conventionnelle, notamment sur le riz (Batista et al., 2008), sur le maïs (Coll et al., 2008 ; Zolla et al., 2008) et sur le tabac (Rocco et al., 2008). Philippe Joudrier: 4 références sur au moins 44 qui existent !!!! Quelle bande de rigolos ! Toutefois, chacune de ces études ne s’intéresse qu’à un aspect de l’expression génique : soit au niveau des ARN (transcriptome), soit au niveau des protéines (protéome), ce qui ne permet pas d’avoir une vision intégrée des perturbations résultant de la modification génétique. PJ : Ils ne semblent pas connaître les limites intrinsèques de chacune de ces techniques ! Par ailleurs, ils ne semblent même pas s’intéresser au métabolome ce qui est une grosse lacune !
L’intérêt d’un organisme modèle comme A. nidulans utilisé depuis de longues années comme matériel d’étude dans les laboratoires est que nous disposons de nombreuses données permettant une bonne compréhension de son métabolisme, sa physiologie, ses différenciations morphogénétiques, son adaptation à son environnements nutritionnel, etc... Ces données permettront de réaliser ce qu’on appelle de la protéomique fonctionnelle, notamment en reliant les protéines dont la quantité s’est avérée être grandement perturbée PJ : Ce n’est pas nécessairement l’aspect quantitatif des protéines qui est important. On sait faire depuis des décennies des blés qui, par exemple, ont des teneurs croissantes en protéines (de 10 à 18%) sans aucune perturbation notable.
C’est bien plutôt d’observer si le fait qu’une protéine soit présente en grande quantité –ou d’ailleurs en faible quantité voire même absente- peut entrainer une éventuelle perturbation ou pas. … lors des études de protéomique à des processus physiologiques, c’est-à-dire de disposer d’une interprétation fonctionnelle des perturbations moléculaires observées en amont.
La compilation de l’ensemble de ces données de transcriptomique et de protéomique ainsi que de ces études fonctionnelles et morphologiques réalisées sur un même organisme constituera probablement l’étude la plus exhaustive en la matière.
PJ: Il faudrait que les auteurs de ce projet aient une connaissance minimale de la biblio sur le sujet ! ce qui apparemment n’est pas le cas !
L’approche intégrative combinant transcriptomique, protéomique et imagerie cellulaire ne pourra qu’aider à relier les changements d’expression des gènes aux réponses éco-toxicologiques de l’organisme entier, telles que la survie, la croissance et la reproduction.
Ce projet présente bien sûr un intérêt sociétal majeur puisque ce principe conditionne toutes les évaluations officielles des OGM agricoles sur lesquelles s’appuient ensuite les autorisations à la culture commerciale ou /et à la consommation animale et humaine. Et cela pose de manière plus générale la question de l’évaluation et de l’encadrement des risques liés aux nouvelles technologies et à ses produits.PJ : Rien que cela !
De nombreuses associations dont le Mdrgf (Mouvement pour les droits et le respect des générations futures), partenaire de ce projet, sont alors nées de la volonté de leurs membres de protéger les consommateurs…
PJ :C’est faux, en empêchant le développement des OGM et leur culture c’est alors obliger le consommateur à avoir des produits qui auront été traités aux pesticides mais aussi moins sains qu’un produit issu de variétés conventionnelles ne serait-ce que par leur teneur moindre en mycotoxines.
Savent-ils seulement ce que sont les mycotoxines ? (et je ne développe pas la situation économique des agriculteurs interdits de cultiver des PGM … et des marocains qui ne veulent plus acheter que du maïs GM Bt !) et l’environnement en veillant à d’éventuelles carences d’évaluation de nouveaux produits sanitaires, phytosanitaires, alimentaires... arrivant sur le marché.»
L’EStelle qu’elle est pratiquée aujourd’hui semble donc des plus satisfaisantes et largement suffisante pour devoir rassurer tout le monde.
En tous cas, elle permet de ne pas passer à côté de problèmes qui ont été rencontrés avec la sélection conventionnelle et qui ont provoqués des dégâts (y compris humains).
Il semble intéressant de mentionner que les USA préconisent depuis 2002 une réduction/simplification de l’évaluation des OGM estimant que l’ES n’est même pas (plus) nécessaire (Herman et al. 2002 : compositional assessment of transgenic crops : an idea whose time has passed. Plant molecular biology : 50 :925-947).
Cela traduit bien en même temps le degré de réflexion avancé qu’ont les américains sur ces OGM par rapport à l’obscurantisme régnant en Europe arc bouté sur le postulat que les OGM sont dangereux a priori ! . En même temps, cela montre aussi qu’avec les OGM, tout le monde oublie des données basiques et tout ce qui a été fait antérieurement.
-Faut-il rappeler :
- Que l’identification variétale, devenue opérationnelle dans les années 1970 était basée, pour l’essentiel, sur le polymorphisme biochimique des protéines (et enzymes, protéome simplifié avant l’heure) et qu’à l’époque on ne s’est jamais préoccupé de savoir quelle était la nature des protéines qui étaient présentes en plus des autres, de celles qui disparaissaient, de celles qui étaient en quantité importantes ou à l’état de traces etc…
- Que depuis des années tout de même, les sélectionneurs, les nutritionnistes, les toxicologues s’intéressent de très près aux tables de composition des aliments fournies par l’ILSI (cf ci dessous). Ces tables permettent de savoir quelles sont les fluctuations de telle ou telle substance présente dans une espèce donnée en fonction du lieu de culture, de l’année de culture, des conditions agro-climatiques ou des itinéraires culturaux.
- Que le test de l’équivalence en substance est réalisé sur les PGM pendant plusieurs années et plusieurs lieux de cultures pour s’assurer que toutes les variations (normales) de tel ou tel paramètre se situent bien dans ce qui a déjà été observé antérieurement.
Autant d’acquis que critiquent Vélot & co sans les connaître, et qu’ils aimeraient balancer au profit de leurs pseudo-expertises.
Vendredi 4 mai 2012
Philippe Joudrier
-Pour comprendre le principe d’équivalence en substance :
http://imposteurs.over-blog.com/article-23920277.html
-Tables de composition des aliments :
France : http://www.anses.fr/TableCIQUAL/
FAO : http://www.fao.org/infoods/tables_int_fr.stm
ILSI : http://www.ilsi.org/Pages/HomePage.aspx
A Guide to Safety Assessment of Genetically Modified Foods, |
-A propos des techniques en « omiques » , une méta analyse qui fait référence :
Evaluation of genetically engineered crops using transcriptomic, proteomic and metabolomic profiling techniques
Agnès E. Ricroch, Jean B. Bergé & Marcel Kuntz
Plant Physiology (on line 24 Feb 11). To read the abstract and downloadthe manuscript.
New analytical techniques termed transcriptomic, proteomic and metabolomic aim to monitor, respectively, all expressed genes (transcripts), all proteins and all small chemical compounds (metabolites) present in an organism or in part of an organism. These “omic” approaches have been recently applied to the analysis of genetically engineered (GE) (transgenic) crop plants with regard to their food safety and nutritional equivalence. In a recent scientific article, we surveyed 44 publications describing “omic” comparisons between GE and non-GE reference crop lines.
All three “omic” approaches converge in their conclusions.
-Transgenesis has less impact on gene expression or on protein and metabolite levels than has the variability generated by conventional breeding(which is usually considered as safe) in existing crop varieties.
-Natural changing environmental conditions (from field to field for example) usually have a larger impact than transgenesis.
-None of the published “omic” assessments has raised new safety concerns about marketed GE cultivars.
Implications
-These large-scale methodologies provide complementary and independent confirmation that current GE food and feed are safe.
-The scientific knowledge generated indicates that the current regulatory burden on GE crops should be reduced.
-Their mandatory use of “omics” techniques in reglementary safety assessments cannot be recommended since they are tools for basic research but not yet for routine analysis.
Les nouvelles techniques d’analyses appelées transcriptomique, protéomique et métabolomique visent à visualiser, respectivement, l’expression de tous les gènes (transcrits), toutes les protéines et tous les petits composés chimiques (métabolites) présents dans un organisme ou une partie de l’organisme. Ces techniques « omiques » ont été récemment utilisées pour l’analyse des plantes génétiquement modifiées (PGM) (transgéniques) quant à leur sécurité sanitaire et leur équivalence nutritionnelle. Dans un article scientifique récent, nous avons passé en revue 44 publications décrivant des comparaisons « omiques » de PGM avec des lignées non-GM de référence.
Toutes les trois approches « omiques » concluent de manière convergente :
-la transgénèse a moins d’impact sur l’expression des gènes ou sur les niveaux de protéines ou de métabolites que la variabilité générée par l’amélioration conventionnelle des plantes (qui est généralement considérée comme sûre) dans les variétés déjà existantes.
-les changements naturels de l’environnement (d’un champ à l’autre par exemple) ont généralement un impact plus prononcé que la transgénèse.
-aucune des publications sur les évaluations de type « omique » ne conclut à des inquiétudes quant à la sécurité sanitaire des PGM mises sur le marché.
Implications
-Ces méthodologies à grande échelle confirment, en appoint et indépendamment, la sécurité sanitaire des aliments dérivés de PGM.
-La connaissance scientifique générée indique que le poids réglementaire pesant sur les PGM devrait être réduit.
-Leur intégration systématique dans les processus d’évaluation réglementaire avant mise sur le marché ne peut être recommandée en l’état, car ce sont aujourd’hui des outils de recherche fondamentale et non d’analyse de routine.