Téléphonie mobile, antennes relais et santé : le débat
Le 13 Novembre, Bouygues Télécom a convié autour d’un petit déjeuner les animateurs de blogs scientifiques à un débat sur le thème téléphonie mobile, antennes relais et santé. Vincent Laget et Anton Suwalki y participaient. L’opérateur de téléphonie mobile était représenté par Emmanuel Forest, directeur adjoint de Bouygues Telecom qui a introduit le débat, et Jean-Philippe Desreumaux, directeur de Fréquences et Protection chez BT.
Le débat, qui a duré 2 heures 30, s’est déroulé sur un ton libre, aucune question n’étant a priori tabou. Tel est notre sentiment, qui n’est pas forcément partagé par les autres bloggeurs. Nous renvoyons nos lecteurs aux articles publiés par ceux-ci ou aux articles à paraître, afin qu’ils puissent se forger leur propre opinion.
Ce débat intervient dans un contexte de sur-médiatisation des dangers supposés des antennes relais, et alors que l’AFSSET vient de publier un rapport volumineux sur le thème général des radiofréquences, plutôt rassurant.
Quelques interventions ont permis de resituer utilement l’origine des controverses actuelles :
-la problématique des antennes relais a pour origine un problème de voisinage et de non prise en compte de l’avis de riverains lors de l’installation de ces équipements. Ceci est très bien décrit par les travaux du sociologue Olivier Borraz. La thématique de l’effet sanitaire est venue après, beaucoup plus tardivement.
-le débat s’est déplacé alors sur les dangers des ondes électromagnétiques, puis s’est progressivement focalisé sur les antennes de téléphonie mobile, alors même que le niveau d’exposition du public aux radiofréquences lié aux antennes relais est beaucoup plus faible que celui lié à l’utilisation du téléphone portable. C’est pourtant dans ce seul domaine que des interrogations sérieuses existent sur des effets possibles à long terme sur la santé. N’est-ce pas révélateur de l’irrationalité qui règne dans le débat public en matière de risques sanitaires ?
- Pourtant, certains bloggeurs font remonter l’origine de la problématique des antennes-relais à des polémiques sur l’objectivité des mesures de l’exposition du public aux radiofréquences, ce qui peut expliquer l’origine et la raison d’être du CRIIREM, dont une des activités principales est de proposer des prestations (marchandes) de mesure des champs électromagnétiques, « indépendamment des opérateurs et des industriels de la profession », suspectés d’être juges et partie. La démarche du CRIIREM ressemble ainsi à s’y méprendre à celle du CRIIRAD né de la controverse sur le fameux nuage de Tchernobyl, et la supposée opacité des autorités de sécurité nucléaire françaises.
Les représentants de Bouygues Telecom ont exposé leur position de principe concernant l’évaluation des dangers potentiels sur la santé des champs électromagnétiques : ils affirment qu’il ne leur appartient pas de se substituer à l’expertise publique de ces dangers potentiels, et que c’est à la législation de fixer en connaissance de cause la puissance maximale des antennes relais. L’opérateur déclare qu’il conformera ses installations aux normes fixées par l’état.
Les opérateurs ne manquent cependant pas d’exprimer leurs « états d’âme ». Ainsi font-ils valoir la situation hautement contradictoire entre une législation qui les oblige à couvrir l’ensemble du territoire au nom de l’égalité des citoyens, et les décisions de justice récentes qui les oblige à démonter des antennes au nom d’une conception extrême et fausse du principe de précaution, alors même qu’aucune conséquence pour la santé des riverains d’antennes n’a jamais été mise en évidence. Même pour le phénomène dit des « électrosensibles », s’il est indéniable que des personnes souffrent de pathologies pouvant être gravement invalidantes, le lien de cause à effet entre les ondes et leurs pathologies n’est pas établi et cette « maladie » semble plus relever d’un effet nocébo, exacerbé par la dénonciation récurrente dans les médias des dangers des antennes relais.
Un bloggeur remarque à juste titre que l’hétérogénéité des normes au niveau international est un facteur anxiogène. Qu’il existe des normes plus sévères comme en Autriche par exemple, le public aura nécessairement tendance à considérer la règlementation française comme « laxiste », et à réclamer l’alignement sur les normes les plus draconiennes, même si celles-ci n’ont pas de justification scientifique, comme la fameuse norme d’exposition maximale de 0,6V/m.
Nous avons alors demandé aux représentants de Bouygues Telecom si les opérateurs pourraient s’adapter matériellement (et financièrement) aux normes draconiennes revendiquées par les anti-ondes. Nous n’avons pas eu de réponse sur l’aspect financier. Techniquement, la solution pourrait consister à multiplier le nombre d’antennes en substituant à celles qui existent des antennes de plus faible puissance. Avec le risque de susciter de nouvelles polémiques et de nouveaux contentieux…. Une autre solution consisterait à augmenter la puissance des téléphones portables, source principale d’exposition de la tête aux effets thermiques des ondes électromagnétiques, seul mécanisme biologique identifié pour les hautes fréquences utilisées par la téléphonie mobile. En clair, ces solutions pourraient être pire que le supposé mal.
Au delà, on peut tout simplement se demander si l’exigence des 0,6V/m ne signifie pas la remise en cause pure et simple de la téléphonie mobile et au-delà de tous les instruments de la technologie moderne dans laquelle nous baignons depuis des décennies sans qu’aucun problème de santé n’ait été identifié: Une mesure faite au cours de notre réunion donne une idée du problème. Nous avons mesuré un « bruit de fond » de 0,2 V/m à l’intérieur de la salle, lié à des antennes relais intérieures présentes dans le bâtiment. Le seul fait d’allumer un téléphone portable à proximité de la sonde porte à plus de 0,6V/m le champ mesuré. Sachons également que les ampoules basse consommation, qui sont appelées à remplacer toutes nos ampoules à incandescence classiques peuvent générer 2V/m à proximité de la source. A proximité d’un four à micro-ondes, on peut relever jusqu’à 4V/m, etc. Les antennes relais ont bon dos…
Un intervenant a souligné que le débat autour des antennes relais et des ondes électromagnétiques glisse fréquemment des arguments sanitaires vers le débat de société : par exemple, a-t-on réellement besoin de pouvoir téléphoner avec nos portables à l’intérieur de nos immeubles ?
Certes, il est utile de réfléchir sur nos modes de vie et nos
comportements, mais on peut se demander à qui il appartient de trancher de telles questions.
Il nous semble par ailleurs impératif de séparer strictement les questions sanitaires liées aux ondes électromagnétiques, qui sont des questions purement scientifiques -- et dont l’évaluation
doit être objective et ne peut relever que d’experts -- des débats de société qui font intervenir des points de vue nécessairement subjectifs. Ceux
qui assument leur hostilité à toute la technologie moderne (et vouent une haine particulière aux téléphones portables) , tels les « décroissanteux », doivent pouvoir le faire sans
recourir à des arguments fallacieux sur un hypothétique danger de l’exposition aux champs électromagnétiques. Mais il n’est pas sûr que les seuls arguments « philosophiques »
suffiraient à provoquer un rejet de la téléphonie mobile dans un pays qui compte en 2009 925 téléphones mobiles pour 1000 habitants (Source :statistiques-mondiales.com)…
Vincent Laget, Anton Suwalki
Les sites des participants à cette réunion :
http://alasource.aliceblogs.fr/blog
http://imposteurs.over-blog.com/
http://effervesciences.blog.fr/
http://www.sciences-et-democratie.net/
http://nanostelia.wordpress.com/
Deux compte-rendu déjà publiés par des bloggeurs :
http://effervesciences.blog.fr/2009/11/23/internet-sature-les-reseaux-mobiles-7446090/
http://alasource.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/11/18/ondes-sante-et-petit-dejeuner.html
Pour en savoir plus :
Le rapport et l’avis de l’AFSSET
http://www.afsset.fr/upload/bibliotheque/964737982279214719846901993881/Rapport_RF_20_151009_l.pdf
Téléphonie mobile : l’expertise de l’AFSSET dénaturée par la communication ? L’avis de Jean-Paul Krivine
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1282
Le dossier ondes et champs électromagnétiques de Sciences et pseudosciences
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1121
Article de Vincent Laget sur Priartem et les cancers pédiatriques de Ruitz :
http://www.zetetique.fr/index.php/nl/178-poz-45 - enquete
Quelques articles du laboratoire de zététique de l’Université de Nice-Sophia Antipolis, sur les effets des champs électromagnétiques :
http://www.unice.fr/zetetique/articles/JBDBDCHB_Meta_analyses.pdf
http://www.unice.fr/zetetique/articles/HBJBDBDC_Draper.html
http://www.unice.fr/zetetique/articles/DCJBDBHB_Argumentation.html