Le Dr Marc Girard ou l'art de détourner l'information scientifique pour alimenter la propagande anti-vaccin, par Olivier Chacornac
Je remercie Olivier Chacornac qui travaille dans l’encadrement de recherches médicales à l'Unité de Recherche Clinique Paris-Centre pour cette contribution.
Anton
7 Décembre : L’article d’Olivier Chacornac a été reproduit par Hoaxbuster , excellent compagnon de route des sceptiques :
http://www.hoaxbuster.com/hoaxliste/hoax.php?idArticle=81103
A lire l’ensemble du dossier sur H1N1 de ce site:
http://www.hoaxbuster.com/dossiers/detail.php?idDossier=80988
Le Dr Marc Girard a publié le 1er septembre 2009 (mis à jour le 4 octobre 2009) un essai intitulé « Grippe porcine : vacciner ou pas ? » regroupant de nombreux arguments en défaveur de la vaccination contre la grippe A(H1N1) [1].
Ayant lu cet essai, je propose d'en faire ici une analyse critique car ce genre de texte reprend l'argumentaire type du mouvement anti-vaccination et qu'il est d'autant plus décevant de retrouver de telles positions chez des personnes dont le nom est précédé de la mention « Dr ».
L'essai fait 38 pages. Arrêtons ici le suspens : il est truffé de raccourcis fallacieux, d'épouvantails grotesques (cupidité de l'industrie pharmaceutique, incompétence/corruption des autorités sanitaires) lorsque ce ne sont pas des mensonges purs et simples. En faire une critique détaillée serait un travail de longue haleine. Je me contenterai donc de faire une analyse détaillée de la première partie, car elle constitue un des points principaux sur lesquels s'appuie le reste de l'argumentation du Dr Girard. Pour le reste, je m'en tiendrai au points les plus aberrants ou mensongers.
Introduction : l'épouvantail de la menace pour les libertés
Marc Girard introduit le sujet avec en première partie un paragraphe intitulé « Une sérieuse menace pour les libertés » dans lequel il évoque la possibilité d'une vaccination obligatoire. Premier problème : sa seule source parlant de vaccination obligatoire est un article du Journal du dimanche datant du 31 mai, c'est à dire environ 2 mois après le début de la pandémie. Si la question d'une vaccination obligatoire a été discutée au sein des autorités de santé en début de pandémie, ce n'est plus le cas aujourd'hui : l'épidémie ne semble pas suffisamment sévère pour justifier l'obligation de la vaccination.
Deuxième problème : qu'est-ce que la liberté selon Marc Girard ? La liberté selon Marc Girard semble consister à choisir ou non la vaccination. Sauf que la liberté de ne pas se faire vacciner en implique d'autres : la liberté de se balader avec un virus potentiellement dangereux et la liberté de le transmettre, choses fortement nuisibles à la libertés des autres.
Pour la grippe A(H1N1), l'obligation de la vaccination ne se pose pas. La vaccination dépendra donc de la volonté des gens.
Par contre j'espère bien que si une épidémie de rage venait à arriver, notre gouvernement imposerait la vaccination afin que les réticents ne se transforment pas en vecteurs ambulants de la maladie. C'est ainsi : le bien-être et la liberté du plus grand nombre passe parfois par l'abolition temporaire de certaines libertés individuelles.
Mais le but ici n'est pas de faire tout un débat sur le choix ou l'obligation de la vaccination. Il s'agit de montrer comment Marc Girard entame son texte avec l'épouvantail grossier de la « menace pour les libertés » orchestrée par nos gouvernements.
Vient ensuite un paragraphe sur l'immunité judiciaire accordée aux fabricants de vaccins par les gouvernements. A partir de là, le ton de la conspiration commence à se faire sentir.
Ayant déjà critiqué ce genre d'argument conspirationniste dans un précédent article [2], je ne reviendrai pas dessus.
Marc Girard finit son introduction en annonçant qu'il compte se focaliser sur trois questions concernant la vaccination contre la grippe A : Quel bénéfice ? Quel risque ? Quel coût ?
Soit. Les deux premières questions m'intéressent beaucoup. La troisième beaucoup moins et je ferai donc l'impasse sur ce sujet.
Quel bénéfice ?
Marc Girard commence cette partie en citant la réputée Cochrane Collaboration. La Cochrane Collaboration fait effectivement office de référence dans le domaine médical, et cette association a récemment publié une série de revues au sujet de la vaccination contre la grippe saisonnière. Voici ce que Marc Girard dit à ce sujet :
« Chez le sujet âgé (65 ans et plus) : “according to reliable evidence the usefulness of vaccines in the community is modest” (sur la base des données fiables, l'utilité des vaccins hors institution est modeste), les auteurs soulignant par ailleurs que les études disponibles sont, pour l'essentiel, de mauvaise qualité et exposées à de nombreux biais. »
L'efficacité de la vaccination contre la grippe saisonnière, hors institution, semble donc modeste. Mais que veut dire « hors institution » ? Pour cela, il faut prendre l'ensemble de la conclusion de l'étude de la Cochrane Collaboration [3] :
In long-term care facilities, where vaccination is most effective against complications, the aims of the vaccination campaign are fulfilled, at least in part. However, according to reliable evidence the usefulness of vaccines in the community is modest. The apparent high effectiveness of the vaccines in preventing death from all causes may reflect a baseline imbalance in health status and other systematic differences in the two groups of participants.
La première phrase de la conclusion de l'étude dit clairement que la vaccination en institution est efficace à la fois pour réduire les cas de grippe et pour réduire les complications liées à la grippe saisonnière. Ce point semble avoir échappé à Marc Girard.
Pour le reste (hors institution), l'efficacité de la vaccination est modeste, mais il y a tout de même efficacité.
Marc Girard poursuit avec une autre revue de la Cochrane Collaboration concernant la vaccination contre la grippe saisonnière chez les adultes en bonne santé :
« Chez l'adulte jeune : “There is not enough evidence to decide whether routine vaccination to prevent influenza in healthy adults is effective” (il n'y a pas assez de preuves permettant de déterminer si la vaccination antigrippale est efficace pour prévenir la grippe chez l'adulte en bonne santé). »
Premier mensonge de taille de la part de Marc Girard. A moins qu'il se soit contenté de lire le titre de l'article sans aller plus loin (car la citation qu'il fournit est en fait le titre de l'article). Précisions :
- Le titre est mal traduit. La traduction exacte est « il n'y a pas assez de preuves permettant de déterminer si la vaccination anti-grippale chez l'adulte en bonne santé est efficace ».
- Dans le contexte, l'efficacité se réfère à « l'efficacité à réduire les hospitalisations et/ou à réduire l'absentéisme au travail »
- La revue précise : « The review of trials found vaccinations against influenza avoided 80% of cases at best (in those confirmed by laboratory tests, and using vaccines directed against circulating strains), but only 50% when the vaccine did not match, and 30% against influenza-like illness, in healthy adults. » [4]. La revue de la Cochrane dit donc explicitement que la vaccination permet de prévenir 50 à 80% des cas de grippe chez les adultes en bonne santé, et 30% des maladies proches la grippe.
Pourtant Marc Girard ne se gène pas pour transformer honteusement les conclusions de la revue pour affirmer qu' « il n’y a pas assez de preuves permettant de déterminer si la vaccination antigrippale est efficace pour prévenir la grippe chez l'adulte en bonne santé ».
Pour être plus clair : les revues de la Cochrane Collaboration utilisent les termes « efficacy », qui se réfère à la capacité du vaccin à prévenir la grippe, et « efficiency », qui se réfère à la capacité du vaccin à prévenir les complications (hospitalisation) et l'absentéisme au travail. En français, les deux termes se traduisent par « efficacité » et c'est sur cette traduction que joue Marc Girard pour conclure de façon abusive que l'efficacité du vaccin à prévenir la grippe n'est pas prouvée.
Comble du mensonge, Marc Girard s'appuie sur cette désinformation pour ses extrapolations suivantes :
« Nul besoin d'être épidémiologiste pour prendre la mesure du problème posé par un vaccin pour lequel sur la base d'études menées durant 40 ans (la revue incluant les investigations entreprises de 1966 à 2006), personne n'a été capable de fournir la moindre preuve crédible d'une efficacité préventive. »
Quel est le résultat d'une extrapolation basée sur un mensonge ? Réponse : un autre mensonge.
La réalité : la vaccination contre la grippe saisonnière présente une efficacité de 50 à 80% (selon les années et selon que la souche utilisée correspond à celle de la vague de grippe), la Cochrane collaboration n'est pas la première à en arriver à cette conclusion, la preuve de l'efficacité de la vaccination anti-grippale a donc été faite à maintes reprises (cf les articles sur lesquels se base la revue de la Cochrane Collaboration).
Mais le massacre ne s'arrête pas là :
« Ce, d'autant qu'en parallèle, les auteurs relèvent que les études disponibles ne permettent pas non plus d'évaluer la tolérance du vaccin : d'où il ressort qu'incapables de fournir la moindre preuve crédible quant à l'efficacité du vaccin qu'elles recommandent depuis des années, les autorités sanitaires ne sont même pas en mesure, non plus, de garantir son innocuité... »
Aucune trace de ceci dans le résumé gratuitement disponible de l'article. Peut-être trouve-t-on quelque chose à ce sujet dans l'article complet (payant).
Cependant, Marc Girard joue sur les mots en mélangeant « tolérance » et « innocuité » qui n'ont pas grand chose en commun. Explication :
- La tolérance se réfère à la tolérance à court terme, c'est à dire l'observation des effets indésirables survenant dans les quelques jours suivants l'administration du vaccin. Souvent, on observe des maux de têtes, une douleur au point d'injection, des douleurs musculaires, de la fièvre, etc. C'est à ceci que correspond la tolérance
- L'innocuité correspond à la sécurité du vaccin. Il est question ici de savoir si le vaccin est dangereux ou non. (à court, moyen et long terme) Or l'innocuité des vaccins anti-grippaux est largement documentée [5] contrairement à ce qu'affirme Marc Girard.
Conclusion : Marc Girard se sert des faiblesses méthodologiques des études au sujet de la tolérance pour faire croire que le profil de sécurité des vaccins anti-grippaux est inconnu. Ignorerait-il les différences de définition des termes « tolérance » et « innocuité » ? Sachant qu'il se présente (à juste titre) comme expert en pharmacovigilance, j'en doute fort.
Et chez l'enfant ? Voici ce que nous dit Marc Girard :
« Chez l'enfant : “If immunisation in children is to be recommended as a public health policy, large-scale studies assessing important outcomes and directly comparing vaccine types are urgently required.” (S'il s'agit de recommander la vaccination des enfants comme mesure de santé publique, il est urgent d'entreprendre des études à grande échelle pour en évaluer les principaux impacts et opérer des comparaisons directes entre les différents types de vaccins). »
Soit. C'est effectivement une des conclusions de l'étude. Mais il y en a au moins une autre : « Influenza vaccines are efficacious in children older than two » [6]. Plus précisément, La vaccination réduit de 59 à 82% le risque de contracter la grippe (ces différences s'expliquant par les différents types de vaccins utilisés). Malgré cette conclusion sans ambiguïté, Marc Girard affirme : « Une fois encore, les auteurs remarquent que les données disponibles – pour insuffisantes qu'elles soient déjà au regard de l'efficacité – sont absolument inutilisables pour vérifier la tolérance. »
Une fois de plus, Marc Girard jour sur le terme « efficacité » et sa traduction pour sous-entendre qu'il n'existe aucune preuve que la vaccination prévient la grippe chez les enfants et entretient la confusion entre « tolérance » et « innocuité ».
Il reste ensuite un paragraphe sur l'efficacité de la vaccination chez le personnel soignant s'occupant de personnes âgées. Les conclusions de Marc Girard ne différant pas (pour un fois) des conclusions de la revue, il n'est pas utile de commenter cette partie.
Faisons une petite pause : sur toutes ces revues sur lesquelles s'appuie le Dr Girard, seule l'une d'entre ne voit pas ses conclusions se faire tronquer ou fortement déformer. Pour la revue concernant les adultes en bonne santé, Marc Girard inverse carrément la conclusion.
Ne pouvant, au vu du statut du Dr Girard, mettre tout ceci sur le dos de l'ignorance ou de l'incompétence, la seule option restante est la malhonnêteté intellectuelle éhontée.
On pourrait se dire que ça commence à faire beaucoup, mais Marc Girard va encore plus loin et s'en prend maintenant, sur la base de ses conclusions erronées, aux fabricants de vaccins :
« Depuis 1966, les fabricants ne se sont jamais donné la peine de fournir le minimum de preuves suffisantes quant à l'efficacité de leurs vaccins antigrippaux ».
Et aussi aux autorités de santé :
« Les autorités sanitaires, qui octroient régulièrement les autorisations de mise sur le marché à ces vaccins antigrippaux, n'ont jamais exigé des fabricants ce minimum de preuves ».
On commence donc, doucement, à en venir aux propos conspirationnistes : les fabricants de vaccins se fichent de savoir si leurs vaccins sont efficaces, tant qu'ils peuvent les vendre, et les autorités sanitaires sont soit incompétents, soit de mèche avec ce commerce douteux.
Maintenant que Marc Girard a posé, sur fond de désinformation scientifique, les bases du doute, il ne lui reste plus qu'à embrayer sur la grippe A(H1N1).
Le vaccin contre la grippe A(H1N1)
Dans cette partie de l'essai, le raisonnement de Marc Girard est d'une grande simplicité : en 40 ans, on n'a jamais eu la moindre preuve de l'efficacité ou de l'innocuité des vaccins anti-grippaux donc il n'y a pas de raison de penser qu'il en sera différemment pour le vaccin contre la grippe A.
Nous avons droit au passage à quelques remarques sur l'avidité de l'industrie pharmaceutique avec des expressions amusantes comme « rapacité des fabricants » ou encore « rentabilité insolente ».
Marc Girard s'en prend aussi au processus rapide de fabrication du vaccin qui, selon lui, « justifie [...] les plus grandes inquiétudes quant à la sécurité des vaccins ainsi développés ».
Là je crois qu'il est temps d'ouvrir une petite parenthèse pour faire le point sur la sécurité des vaccins contre la grippe A(H1N1).
La sécurité du vaccin contre la grippe A
Le développement accéléré d'un vaccins pandémique suscite quelques interrogations quant à sa sécurité. Lorsqu'on sait que, habituellement, le développement d'un nouveau vaccin dure une dizaine d'année, il est difficile de ne pas se poser de questions sur son innocuité.
Heureusement, l'industrie a une grande expérience dans la fabrication de vaccins viraux, et plus particulièrement en ce qui concerne les vaccins grippaux, utilisés maintenant depuis plus de 40 ans. Le développement accéléré d'un vaccin, c'est ce qui se passe chaque année pour la grippe saisonnière : étant donné que chaque année, le virus est nouveau, le vaccin doit être développé en quelques mois seulement. Les produits utilisés dans ces vaccins, y compris les adjuvants, sont bien connus et leur innocuité est largement documentée. Seul l'antigène (la « carte d'identité » du virus, qui permet sa reconnaissance par le système immunitaire) change. Jusqu'ici, les vaccins contre la grippe saisonnière n'ont posé aucun problème en termes de sécurité.
Les vaccins pandémiques sont produits selon le même schéma : ce sont les composants habituels qui sont utilisés, seul l'antigène est différent. Comme pour tout produit de santé, il y reste toujours une part d'incertitude. Dans le cas des vaccins contre le H1N1, l'incertitude est minime, comme pour tout nouveau vaccin contre la grippe.
Seuls deux risques existent dans le cadre d'une vaccination anti-grippale. Le premier risque est le choc anaphylactique qui apparaît dans moins de 1 cas pour 100.000 vaccinations. C'est pourquoi le médecin doit surveiller le patient pendant les quelques minutes suivant la vaccination, afin de pouvoir intervenir. Le deuxième risque est celui de développer un syndrome de Guillain-Barré (SGB). Le SGB est une maladie auto-immune qui provoque une paralysie progressive dont la plupart des cas, fort heureusement, se traitent bien. Ce risque est inférieur à 1 cas pour 1.000.000 de vaccinations [7]. Mais surtout, ce risque a besoin d'être relativisé :
- Le SGB touche environ 2 individus sur 100.000. Le risque du à la vaccination anti-grippale est donc très inférieur au risque de développer « naturellement » un SGB.
- La grippe elle-même est susceptible de déclencher un SGB [8].
Voilà pour la sécurité du vaccin contre la grippe A. Pour résumer, les risques liés à ce vaccin sont les mêmes que ceux liés aux vaccins contre la grippe saisonnière. Aussi, même si la grippe A(H1N1) est peu mortelle, le bénéfice est largement en faveur de la vaccination.
Le point sur la sécurité du vaccin étant maintenant faite, il est temps de revenir à l'article du Dr Marc Girard.
La grippe A(H1N1)
Dans cette partie Marc Girard passe une bonne partie de son temps à jouer avec les chiffres, faisant des calculs tous plus incohérents les uns que les autres. Par exemple, on y apprend qu'il n'y aurait pas eu 200 morts de la grippe A au Mexique mais seulement 7. D'où provient ce chiffre ? Mystère... La source n'est pas citée.
On a ensuite le droit à une remise en question des chiffres en général, puis de chiffre plus spécifiques comme la mortalité associée au virus, sa dangerosité chez la femmes enceinte, le tout fondé sur de la spéculation et non des chiffres concrets.
Mais le meilleur vient lorsque Marc Girard parle de la mutation potentielle. Là, on retrouve tous les pseudo-arguments des anti-vaccin en seulement quelques paragraphe, avec deux cas en particulier : « pourquoi le virus muterait-il vers une forme plus virulente ? » Et « pourquoi le vaccin se montrerait-il efficace contre une souche mutée ? »
Répondons à la première question par une autre question : que donnerait une mutation vers une forme moins virulente ? Réponse : rien. Le virus mutant serait éliminé par le système immunitaire de l'hôte et par compétition avec le virus d'origine (plus virulent) et nous n'aurions jamais connaissance de l'existence de cette mutation. Donc si nous observons un jour une mutation du virus, ce sera forcément une mutation vers une forme de virulence au moins équivalente.
Quant au vaccin, il serait possiblement moins efficace (mais pas inefficace) contre une souche mutante. L'un dans l'autre, ça n'est pas un prétexte pour attendre benoitement que le mal passe.
Notons au passage que Marc Girard accuse implicitement la communauté médicale et les instituts de surveillance sanitaire d'incompétence : ils ne sont pas fichus de fournir des chiffres corrects et spéculent sur l'efficacité du vaccin. Ces accusations deviennent beaucoup plus explicites par la suite.
Quel risque ?
Cette partie est nettement moins amusante et fort indigeste. Marc Girard nous sert tout un tas de sujets en vrac : le consentement des patients, des notions politiques et juridiques, et d'autres notions (rapport bénéfice/risque, bénéfice individuel versus bénéfice collectif) qui pourraient être intéressantes si elles n'étaient pas mélangées à tout et n'importe quoi.
Risque des vaccins
Revenons donc un peu au coeur du sujet, à savoir la propagande anti-vaccin du Dr Marc Girard (car à ce stade, il est difficile de ne pas parler de propagande). Cette partie de son essai pourrait, par son absence de pertinence scientifique, demeurer en tête de liste des absurdités anti-vaccinales. Ainsi on retrouve des propos comme le suivant :
« cette augmentation [de la fréquence des maladies auto-immunes] pourrait être liée à la diminution des maladies infectieuses (...) On suppose que les infections ont un rôle protecteur vis-à-vis des maladies auto-immunes. Or, comme ces infections régressent, elles ne protègent plus contre ces maladies » (propos de Jean-François Bach)
L'hypothèse ne date pas d'hier et des recherches ont été effectuées sur le sujet. Dans ce cas, pourquoi nous servir l'opinion d'une personne plutôt que des résultats d'études, bien plus objectifs ? Sûrement parce que les faits scientifiques ne soutiennent pas cette hypothèse. C'est en fait l'inverse qui est vrai, à savoir que les maladies infectieuses sont connues pour déclencher des maladies auto-immunes [9 ; 10].
Je note ensuite avec amusement que Marc Girard parle ensuite du mouvement anti-vaccination d'une manière qui laisserait presque penser qu'il n'en fait pas partie. Difficile lorsqu'on est médecin d'assumer des positions aussi obscurantistes ?
Le reste est encore pire. En vrac, on peut lire :
« imaginons que ce vaccin – préparé dans les conditions de précipitation qui viennent d'être détaillées – expose effectivement un sujet sur mille à un effet indésirable grave, voire mortel : dans la perspective d’une vaccination universelle – obligatoire de surcroît – cela conduirait à 65 000 victimes pour notre seul pays »
Imaginez donc ça ! C'est du jamais vu dans toute l'histoire de la vaccination (et de la médecine) : un vaccin qui tuerait une personne sur mille ! Le tout soutenu par... Rien du tout. Si le but est d'effrayer le néophyte en brandissant des chiffres aussi spectaculaires que bidons, Marc Girard s'y prend plutôt bien.
Rappelons au passage que le vaccin a été testé sur plusieurs milliers de personnes sans qu'aucun effet secondaire grave n'ait été noté. Il a aussi été administré à quelques millions de personnes sans qu'aucun événement inattendu ne soit à déplorer.
La vaccination fonctionne. Ca fait plus de 100 ans qu'elle fonctionne et heureusement, ça ne va pas changer d'ici à demain.
Dans la foulée, Marc Girard ne manque pas de signaler « l'irresponsabilité des autorités » ou leur potentielle « incompétence » ou « corruption ». A se demander à quoi servent les milliers de personnes travaillant à l'OMS et dans les autorités sanitaires. Si corruption, irresponsabilité ou incompétence il y a, il va falloir mieux qu'un torchon de 38 pages bardé de mensonges, de raccourcis scientifiques et autres sophismes pour en faire la preuve.
Bien sûr, Marc Girard a une petite poignée d'exemples de coquilles du système de santé (et encore, qui sont discutables), comme tous les anti-vaccin. Cependant, personne n'a jamais prétendu que ce système était parfait ou exempt de dérives. Mais se servir de quelques imperfections pour imaginer un mélange d'incompétence et de corruption pouvant potentiellement décimer 65.000 français, c'est à la fois audacieux, irrationnel et stupide.
Pour en finir...
A ce point, nous en somme aux trois-quarts de l'essai. Le reste n'est qu'un rabâchage du « danger » que représente le vaccin, de l' « incompétence » de notre système de santé et des « experts » (dans ce dernier cas, les guillemets sont de Marc Girard) de l'OMS, lorsqu'ils ne sont pas tout simplement corrompus.
J'aurais pu relever d'autres incohérences ou d'autre détournements d'informations scientifiques, mais je pense qu'à ce stade de l'analyse, la malhonnêteté intellectuelle du Dr Marc Girard ne fait plus de doute. La seule chose que j'ignore, ce sont les motivations qui l'ont amené à diffuser sur le Net un tel ramassis de désinformation scientifique qui ne risque pas de faire remonter sa côte de crédibilité (sauf peut-être auprès des gens déjà acquis à sa cause).
Le problème avec ce genre de désinformation, c'est qu'elle n'est pas réversible. Il suffit de voir comment les anti-vaccin ont repris le document pour le diffuser un peu partout sur le Net comme une référence pour se rendre compte que des textes aussi mensongers peuvent avoir un véritable impact. Une fois le doute et la paranoïa répandue, il n'est pas aisé de ramener la population à la raison.
Pendant ce temps, la vaccination a commencé dans de nombreux pays et on attend toujours l'hécatombe annoncée par les anti-vaccin.
Olivier Chacornac
Références:
[1] http://www.rolandsimion.org/IMG/pdf/Vacciner_ou_pas.pdf
[2] http://www.doutagogo.com/article-35737962.html
[3] http://www.cochrane.org/reviews/en/ab004876.html
[4] http://www.cochrane.org/reviews/en/ab001269.html
[5] http://www.who.int/vaccine_safety/reports/June_2007/en/
[6] http://www.cochrane.org/reviews/en/ab004879.html
[7] http://jama.ama-assn.org/cgi/content/full/292/20/2478
[10]http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18231878?ordinalpos=1&itool=EntrezSystem2.PEntrez.Pubmed.Pubmed_ResultsPanel.Pubmed_SingleItemSupl.Pubmed_Discovery_RA&linkpos=3&log$=relatedreviews&logdbfrom=pubmed