Le demi savoir du docteur Wolfgang Wodarg, par Gilles Mercier
Le docteur Wolfgang Wodarg, président de la commission santé du conseil de l’Europe, a accordé le 6 janvier au journal l’Humanité une interview sur la grippe H1/N1 et les laboratoires pharmaceutiques.
L’Humanité nous le présente comme épidémiologiste ! Mais, Il n’y a aucune publication à son nom dans cette discipline. La seule publication répertoriée remonte à 1989 et concerne tout autre chose que l’épidémiologie.
Son interview donne une image terrifiante de l’industrie pharmaceutique qui aurait non seulement organisé une campagne de vaccination inutile mais de plus aurait joué avec la santé des personnes en utilisant des adjuvants et un vaccin insuffisamment évalués ce dernier préparé de surcroit à partir de cellules cancéreuses.
Le discours ressemble dans sa structure et sa philosophie à celui martelé par Mme Marie Monique Robin concernant Monsanto. Les industriels des biotechnologies pour faire du profit n’ont que faire de notre santé et bénéficient de la complicité des gouvernements.
Reprenons les arguments du Dr W Wodarg.
« Il y a aussi le coté humain celui des personnes qui ont été vaccinés avec des produits qui ont été insuffisamment testés » « je le répète les vaccins ont été élaborés trop rapidement, certains adjuvants insuffisamment testés , mais il y a plus grave, le vaccin Novartis a été produit par un bioréacteur à partir de cellules cancéreuses. Une technique qui n’a jamais été utilisés jusqu’à aujourd’hui »
Comment Mr Wodarg compte tenu de ses responsabilités peut-il affirmer autant d’inepties ?
1°) Les lignées cellulaires sont utilisées depuis de nombres années pour la production vaccinale. Elles sont au nombre de trois. La lignée Vero, issue de rein de singe vervet, la lignée PER.C6 dérivée de rétine humaine et la lignée MDCK issue de rein de chien (épagneul/cocker) établie en 1958. Ces lignées ont été établies à partir de la mise en culture d’explants tissulaires sains. Les cellules normales ont une capacité de multiplication limitée. Au bout d’un certain nombre de divisions, elles arrêtent de se multiplier. Après quelques semaines peuvent apparaitre au milieu du tapis cellulaire inerte quelques petits amas de cellules qui ont acquis la propriété de se multiplier indéfiniment. Les lignées sont issues de la propagation de cette prolifération clonale.
Dans l’organisme, il existe un système de police cellulaire qui reconnait et élimine les cellules qui tendent à s’individualiser. Ce système est inexistant dans les boites de culture cellulaire. En conséquence les mutations s’accumulent. Au fur à mesure des passages, la lignée se modifie et acquière des propriétés plus invasives. Les lignées cellulaires par définition sont engagées dans un processus tumoral.
Les craintes du Dr Wodarg sur le pouvoir tumoral de protéines isolées sont infondées et traduisent des connaissances très parcellaires. L’analogie avec l’allergie à l’albumine n’est pas sérieuse. Le processus de transformation tumorale est la conséquence d’une accumulation de dérégulation de gènes. Une protéine seule ne peut être inductrice de tumeur. Les protéines impliquées dans le développement tumoral sont intégrées dans un système de transmission d’informations de l’extérieur de la cellule vers le génome. Leur pouvoir tumoral ne s’exerce que dans le cadre de ce système intégré.
Les lignées utilisées pour la préparation de vaccin sont cultivées en milieu synthétique. Il n’y a pas d’utilisation de sérum animal afin d’éviter la présence de facteurs non contrôlés. Pour les préparations vaccinales, Novartis utilise un variant de la lignée MDCK, la lignée MDCK 33016-PF qui a la propriété de pousser en suspension.
Les cellules poussent soit sur des supports solides soit en suspension. La culture en suspension présente plusieurs avantages. Elle nécessite moins de manipulations donc moins de risques de contamination, les coûts sont plus faibles. Mais il a fallu adapter à la culture en suspension des cellules qui ne poussent que fixées à un support.
La lignée avant utilisation est testée pour la présence des virus de l’Herpes et de la polio et de rétrovirus. Les cellules en suspension sont infectées par le virus vaccinal. La multiplication du virus provoque la mort des cellules et le relargage des particules virales dans le milieu. A la fin du processus, le milieu de culture est composé d’un mélange de virus, de débris cellulaires et de cellules encore intactes. Le virus est débarrassé des cellules intactes et des débris cellulaires par centrifugation et chromatographie. Les particules virales sont rompues et fixées à la formaldéhyde.
La formaldéhyde fixe les molécules en les rigidifiant, ce qui supprime toute activité biologique. L’ADN cellulaire contaminant qui a pu se « coller » aux particules virales est dégradé chimiquement en fragments de moins de 200 paires de bases par traitement au beta propiolactone. Les particules virales éclatées sont concentrées par ultrafiltration puis conditionnées dans des fioles.
Ce protocole de purification exclut la présence de cellules et de protéines contaminantes actives dans la préparation virale finale.
Ce vaccin appelé Optaflu par Novartis a subi avec succès les tests classiques de phase I, II, III dès 2002. Ce qui lui a permis d’obtenir l’autorisation de commercialisation par les autorités européennes en 2007. En 2001, le vaccin anti grippal Influvac des laboratoires Solvay (obtenu aussi à partir d’une lignée MDCK) avait reçu une licence d’utilisation.
2°) Les adjuvants sont nécessaires sinon indispensables pour l’efficacité vaccinale. Ils induisent les signaux nécessaires à l’activation et à la maturation des cellules du système immunitaire. Les sels d’aluminium (utilisés depuis 1926 !) en provoquant au point d’injection la différentiation des cellules du système immunitaire induisent la production de cytokines qui stimulent la réponse immunitaire.
Depuis 1926, des centaines de millions de personnes vaccinés ont bénéficié des effets de cet adjuvant. L’effet stimulant de la réaction immunitaire par les sels d’aluminium est chez certaines personnes, suffisant fort pour provoquer des effets secondaires au point d’injection.
Pour cette raison les sels d’aluminium sont remplacés par des lipides extraits du requin d’où leur nom de squalènes. Ces squalènes permettent de réduire la quantité d’antigène viral injecté. Le MF59 utilisé depuis 10 ans est associé aux vaccins de la grippe saisonnière. L’AS03 dont l’AMM date de 2008 est associé au vaccin H1N1. Jusqu’à maintenant, rien de particulier n’a été constaté au sujet de sa tolérance.
La réalité de la préparation vaccinale est aux antipodes de l’image donnée par M Wodarg de laboratoires pharmaceutiques jouant de façon désinvolte avec la santé des patients.
3°) Selon M Wodarg, l’Agence européenne du médicament aurait donné de façon bien légère l’autorisation de mise sur le marché de l’Optaflu (et non Obta flu comme écrit dans le journal). C’est tellement facile d’affirmer cela. Le démontrer est une autre paire de manche ! Les laboratoires déposent des dossiers d’AMM qui ne se réduisent pas à quelques feuillets.
La production de médicaments et de produits biologiques est hautement contrôlée dans les États développés. M Wodarg prend les lecteurs de l’Humanité pour des imbéciles. Mais il est invraisemblable que devant les énormités de ses affirmations, M B Odent n’ait pas procédé à des vérifications élémentaires auprès de l’Afssaps ,de l’EMEA OU de l’INVS.
Pour appuyer son affirmation M Wodarg se réfère à une institution allemande indépendante de médecins. Mais indépendante de quoi ? La mode est aux comités indépendants de recherche ou d’étude sur les rayonnements, les ondes, la génétique, etc…
Le point commun de tous ces comités est d’être composés de personnes qui n’ont pas d’activité professionnelle dans le domaine dont ils se réclament être experts. Ce qui leur permet par journalistes interposés de baver sur leurs collègues qui eux publient dans les revues à comité de lecture, confrontent leurs travaux dans des congrès. Les premiers dont les propos sont en permanence portés par les médias et la presse sont crédibles puisque par définition indépendants, les autres sont ignorés. Quel intérêt y aurait-t-il à les mentionner puisqu’ils sont compromis avec les multinationales ?
Dans l’Huma du 5 janvier, Yves Housson et Cécile Rousseau, se permettent de mettre en cause l’intégrité du Pr Bruno Linat qui dirige le centre de référence sur la grippe à Lyon parce qu’il est expert auprès d’une structure qui regroupe les industriels de la pharmacie producteurs de vaccins grippaux.
Le lien entre recherche et industriels est un lien objectif. C’est la nature de ce lien qui est un enjeu. La recherche coupée des acteurs économiques cela n’existe pas. Faire de la recherche sur les virus de la grippe en excluant de travailler avec les laboratoires pharmaceutiques, il faut être un idéologue pour affirmer cette ineptie.
Écrire une telle énormité prouve la méconnaissance absolue de l’Huma de l’activité de recherche. Les liens entre les Ministères de la Santé des États, les industriels, l’OMS et les scientifiques sont des liens objectifs indispensables à la prise de décision.
La concurrence que se livrent les groupes pharmaceutiques les obligent à mettre sur le marché les produits dont la sureté et l’efficacité sont les plus élevées possible. Toute erreur de leur part, se traduit par une perte de crédibilité et des pertes financières considérables. Si le but des industriels de la pharmacie est de nous vendre de la poudre de perlimpinpin, pourquoi se donneraient ils tant de peine avec l’aide de l’État à asservir l’Inserm et le CNRS à leurs stratégies ? ( cf Conseil Stratégique des Industries de Santé du 26 octobre tenu à l’Élysée).
Le problème de l’industrie pharmaceutique n’est pas celui des médicaments et des produits biologiques qu’elle met sur le marché, mais celui des maladies qu’elle délaisse parce qu’elles ne constituent pas des marchés suffisants, ou parce qu’elles affectent des pays insuffisamment solvables.
Depuis le début des années 1980, l’Etat a abandonné les recherches sur les maladies infectieuses, car l’industrie pharmaceutique s’en désintéressait. Les maladies infectieuses ont été remises en lumière avec le SIDA, mais uniquement sur cette pathologie. Or, la multiplication des échanges s’accompagnent du transfert de pathogènes hors de leurs bassins naturels et de leur mise en contact avec des populations non immunisées. Jusqu’à maintenant les conséquences sanitaires ont été limitées, mais jusqu’à quand ?
L’épidémie de SRAS due à un coronavirus nouveau a révélé que la menace n’était pas vaine. Les virus de la grippe avec leur capacité à muter à se recombiner et à se propager grâce aux migrations des oiseaux et au…transport aérien constituent des épées de Damoclès.
4°) Mais continuons avec M Wodarg et son « implacable réquisitoire ».
-Bruno Odent « Vous contestez les diagnostics établis et la gravité, même potentiel de la grippe A ?»
-W Wodarg « Oui, c’est une grippe tout ce qu’il y a de plus normal. Elle ne provoque qu’un dixième des décès occasionnés par la grippe saisonnière classique. Tout ce qui importait et tout ce qui a conduit à la formidable campagne de panique à laquelle on a assisté, c’est ce qu’elle constituait une occasion en or pour les représentants des labo qui savaient qu’ils toucheraient le gros lot en cas de proclamation de pandémie »
Nous y voilà, tout cela est artificiel ,c'est un complot organisé par les trusts, l’OMS qu’ils contrôlent et les gouvernements. Tous pourris, puisqu’on vous le dit ! Cela fleure bon « Minute ».
Mais c’est le discours qui court sur le Web, sur tous les sites anti vaccination.
http://www.cri-vie.com/
http://www.medecine-ecologique.info/?L-OMS-ocean-de-corruption-et-d
Si la mortalité de la grippe H1/N1 est plus faible que celle de la grippe saisonnière, elle est néanmoins plus contagieuse. Elle faisait donc courir le risque d’un grand nombre de décès à l’échelle mondiale si aucune mesure n’avait été prise pour enrayer la pandémie. La vaccination à grande échelle limite la progression du virus ainsi que la probabilité de mutation. Ce sont ces deux éléments qui ont motivé la décision de vaccination. La fréquence de décès des adultes jeunes du à la grippe H1/N1 est bien supérieure à celle de la grippe saisonnière. La grippe n’est pas une maladie bénigne. Elle peut révéler par la gravité de son développement chez une personne auparavant en apparente bonne santé une insuffisance fonctionnelle chronique. Face à un nouveau virus qui se répandait très rapidement sur la planète, il eut été irresponsable, pour ne pas dire criminel de la part de l’OMS de ne rien faire. Ce d’autant que le virus peut évoluer au cours de la pandémie et gagner en virulence.
M Wodarg est d’une bien grande légèreté dans ses affirmations. Il est vrai que la théorie du complot permet d’avancer toutes sortes d’affirmations qui n’ont pas besoin d’être démontrées puisque la manipulation par les laboratoires pharmaceutiques constituent la trame intellectuelle du développement de M Wodarg et consort.
5°) L’irrationnel
Nous flottons dans l’irrationnel. Les médias et la presse en sont les premiers responsables. Ils n’ont pas cessé depuis l’apparition des premiers cas de nous bombarder d’informations les plus catastrophiques les unes que les autres. Tous les journaux télévisés quelque soit la chaine commençaient sur la multiplication des cas de grippe H1/N1. Curieusement les mêmes lorsque les décisions de vaccination furent prises donnèrent généreusement la parole à tous les gourous de l’anti-vaccination. Catastrophisme de l’épidémie grippale d’un coté, catastrophisme des conséquences de la vaccination de l’autre, la presse n’est pas une contradiction près. Le journal L’Humanité a apporté sa pierre (elle n’était pas petite) à la campagne anti-vaccination en relayant les thèses d’un certain Marc Girard.
Les médias la presse sont les faiseurs d’opinion et à l’occasion les faiseurs de rois. Le pouvoir politique a suivi la campagne alarmiste de la presse. Les forces politiques social-démocrates et libérales ont favorisé le développement de l’écologisme qui est devenu la clef de voute de la vie politique. La conséquence en a été l’inclusion du principe de précaution dans la constitution. Fort de ce principe le gouvernement soit ne fait rien, soit en fait trop.
Face à un danger supposé dont personne ne sait s’il existe et en quoi il consiste on ne fait rien (les OGM). Et comme Il est préférable d’en faire trop que pas assez face à un danger réel, on en fait trop. L’irrationnel est aussi au niveau du pouvoir.
Le Ministère de la Santé dans sa communication est allé dans le sens dominant imprimé par la presse, il n’a à aucun moment communiqué de façon rationnelle. Rien n’obligeait à commander autant de doses de vaccins. Ces commandes inconsidérées et les clauses vraisemblablement très avantageuses des accords passés entre l’État et les industriels de la pharmacie sont pain béni pour les obscurantistes et les politiciens anti Sarkozy.
En conclusion
Les autorités sanitaires mondiales ont eu raison d’enclencher une campagne mondiale de vaccination. Le gouvernement français peut être critiqué sur sa communication, sur la façon avec laquelle il a mis en œuvre la campagne de vaccination et sur la quantité de vaccins commandés, mais pas sur le principe de la vaccination.
M W Wodarg est un politicien social démocrate peu compétent et très irresponsable.
L’enquête que le conseil de l’Europe engage sur les laboratoires pharmaceutiques à l’initiative de M W Wodarg n’ira nulle part, compte tenu du caractère politicien et idéologique de la démarche. La seule chose qu’elle pourra éventuellement se mettre sous la dent, ce sont les conditions financières des marchés passés entre les Etats et les firmes.
Que le conseil de l’Europe ait accepté d’engager une telle enquête en dit long sur l’incapacité des forces politiques à assumer leurs choix face à une opinion désorientée. C’est très inquiétant.
Quant au journal l’Humanité, il fait dans l’opportunisme depuis des années. Anti-OGM, peu clair sur les nano-technologies et le nucléaire, publicitaire de l’éolien et du photovoltaïque, il vient de franchir une ligne rouge en s’associant ouvertement pour des motifs politiciens à la campagne anti vaccination.
Si le vaccin H1N1 préparé dans des conditions douteuses sert uniquement à remplir les caisses des industriels de la pharmacie, il en est de même pour tous les vaccins et toutes les médications. C’est ni plus ni moins la mise en cause de la médecine moderne.
Le site web de l’Huma pourrait faire un lien vers le site d’ACECOMED.
http://www.acecomed.org/manifeste/index.php?petition=2
On y trouve des anti-OGM notoires (Séralini, Vélot) dont Alain Hayot n’a cessé de faire l’apologie dans sa feuille « communisme et écologie ». Ces gens ne dénoncent pas les inégalités des individus face à la maladie en fonction de leurs conditions sociales, ils cherchent à discréditer la médecine au profit des médecines « traditionnelles ».
Cette complaisance de l’Huma à l’égard de l’irrationnel est intimement liée à la stratégie d’alliance sans principe du PCF.
Gilles Mercier