L’illusion anti-technologique
Quand règne dans la quasi-totalité des partis politiques un consensus plat sur les questions écologiques, que reste-t-il à un « parti anticapitaliste » pour se distinguer et faire valoir une approche spécifique ? Sur le site du Nouveau Parti Anticapitaliste en rupture sur ce point avec les traditions marxistes dont viennent en majorité ses militants, un certain Armand Farrachi tente de convaincre ses lecteurs de ne pas céder à l’ « illusion technologique ».
Réchauffement climatique : ne pas céder à l'illusion technologique
Au-delà de l’exercice formel qui consiste à accoler des termes fourre-tout tels que « néocapitalisme », « libéralisme », « technocapitalisme », « capitalisme productiviste », pour faire gauche, l’auteur fait preuve d’une telle ignorance qu’on se demande un instant s’il ne s’agit pas de Michel Rocard (*) qui après avoir présidé la commission gouvernementale sur la taxe carbone, vient mettre son incompétence au service de la commission écologie du NPA.
Le pseudo-argumentaire d’Armand Farrachi se limite à aligner toute une série d’affirmations plus péremptoires et lapidaires les unes que les autres qu’il a du glaner en lisant distraitement la prose écologiste et décroissante puis y ajouter une touche personnelle.
« On assure, depuis quarante ans, que la science trouvera une solution aux problèmes des déchets nucléaires. Il en est de même
avec le réchauffement. »
Parions que la connaissance de notre expert es écologie sur le dossier nucléaire ne va pas au-delà de ce que peuvent en raconter les magazines télévisuels à sensation de France 2 ou d’Arte. En
réalité, la gestion des déchets nucléaires, quand bien même certains radionucléides ont une demi-vie de plusieurs millions d’années, n’a rien d’insurmontable. Notre ami préfère donner jouer les
Cassandres verts et utiliser les mots chocs, en affirmant que « (…) que les déchets radioactifs sont une grave
source de contamination et que cette technologie menace l’humanité tout entière par la prolifération d’armes et le risque d’accidents
apocalyptiques. »
L’ironie de l’histoire, est que l’auteur de ce texte qui prétend s’élever au-dessus de la vulgate « techno-scientiste » impute à une technologie un problème qui n’a de solution que politique : le risque de prolifération d’armes nucléaires.
Le repoussoir du nucléaire lui sert à rejeter au prix d’un parallèle pour le moins audacieux les techniques (pour l’instant non opérationnelles) de séquestration du carbone : « La séquestration du carbone en sous-sol, qui ressemble furieusement à l’enfouissement des déchets nucléaires, aboutirait à creuser sous nos pieds un monde épouvantable. Et pour quel résultat, puisque les capacités de stockage resteront nécessairement limitées alors que la fringale de pétrole, elle, semble insatiable? ». Bien sûr, les problèmes de stockage de CO2 (surtout une affaire de volume considérable) et de quelques tonnes de produits à haute activité ou de longue durée, c’est kif-kif !!! Dans les deux cas, on nous prépare, n’ayons pas peur des mots, un « monde épouvantable » !
Armand Farrachi, qui n’est pas du tout idéologue, comprend par ailleurs que «les «puits de carbone» ne sont que le nom idéologique des plantations d’arbres. » Des arbres libéraux ou des arbres kolkhoziens, camarade ? Non monsieur, un puits de carbone désigne une réalité physique, qui peut consister en plantations d’arbres et en bien d’autres choses.
« Compenser seulement les immenses surfaces défrichées à chaque minute impliquerait de reboiser immédiatement toute la Terre, et pour un résultat douteux, car pendant sa croissance, un arbre rejette plus de carbone qu’il n’en absorbe. » C’est deux fois n’importe quoi. Car 1/ compenser « les immenses surfaces défrichées » impliquerait tout simplement que les reboisements produisent annuellement une biomasse équivalente à celle des surfaces défrichées. 2/ Armand Farrachi qui a dû lire quelque part que les végétaux rejettent également du CO2, et qu’une forêt à l’équilibre rejette autant de CO2 de par la décomposition des végétaux morts qu’elle n’en absorbe de par les arbres en croissance, il en a déduit que pendant sa croissance, un arbre rejette plus de carbone qu’il n’en absorbe, ce qui est bien sûr totalement faux. C’est bien en absorbant davantage de CO2 qu’il n’en rejette qu’un arbre fabrique la matière organique nécessaire à sa croissance ! A moins que l’auteur ait découvert un processus de génération spontanée des végétaux ?
La moindre des choses qu’on attendrait de la part de quelqu’un qui dénonce des
solutions technologiques comme illusoires, c’est qu’il comprenne les problèmes qu’elles sont censées contribuer à résoudre. Surtout quand celui-ci se contente d’opposer à celle-ci un discours
creux et vague : « Pour éviter le pire scenario climatique, il appartient décidément à d’autres forces de proposer
des solutions rationnelles, écologiquement efficaces et socialement justes. »
Nous voilà bien avancés….Et que sont au juste ces « solutions rationnelles,
écologiquement efficaces et socialement justes [pour « éviter le pire scénario climatique »] » ? Vous n’en
saurez rien…
L’illusion technologique, Armand Farrachi n’en est certes pas victime. Par contre l’illusion que ses lecteurs se contenteront de se payer de mots …
Anton Suwalki