H1N1 , principe de précaution, et déchainement de la propagande anti-vaccination
Principe de précaution : 2 poids, 2 mesures.
Dans bien des domaines, les décisions des politiques coincés entre les pressions de différents lobbies, l’obligation de plaire aux médias et de caresser les préjugés dans le sens du poil semblent n’obéir à aucun critère rationnel. C’est même parfois le cas dans un domaine aussi grave que le santé. Pour les OGM, on applique le « principe de précaution » (1), qui s’apparente en fait à un principe d’inertie, alors qu’aucun risque pour la santé n’a jamais été mis en évidence pour les OGM actuellement destinés à la consommation(2). On a cédé à l’exigence stupide mille fois entendue : « Je refuse les OGM tant qu’on ne m’aura prouvé que le danger n’existe pas »). Apporter la preuve de l’inexistence est évidemment impossible. Le « principe de précaution » est d’autant plus irrationnel que si l’on invoque le risque de faire, à l’inverse on n’invoque jamais le risque de ne pas faire.
A côté de cela , alors que les dangers des ultra-violets sont bien connus, on attend toujours une vaste campagne d’information et de prévention sur les dangers d’une exposition excessive au soleil. Il est d’autre part établi par le CIRC que l’exposition artificielle aux UV (cabines de bronzage) augmente de 75% le risque de développer un mélanome pour les personnes qui s’exposent jeunes, mais Roselyne Bachelot s’est contentée de déclarer qu’elle allait lancer une campagne de prévention sur le sujet, aucune mesure d’interdiction ou simplement règlementaire . Rien ne presse apparemment, puisque les préconisations de l’INVS en 2005 (3) n’ont toujours pas été mises en œuvre. On peut priver les agriculteurs d’OGM au nom de risques jamais établis, mais peut-on s’aliéner les esthéticiennes, même si le risque est établi ?
Traquer les « dangers invisibles » et occulter de vastes problèmes de santé publique quand le risque est avéré, voilà finalement où mène l’irrationnel principe de précaution.
On doit dès lors se demander si la campagne menée à propos du virus H1N1 ainsi que les mesures adoptées (fermeture systématique d’établissements, commande de millions d’exemplaires du vaccin..) ne relèvent pas de cette politique irrationnelle.
Il semble que non, et tant mieux.
Les mesures prises au sujet de la grippe H1N1 semblent justifiées
C’est, me semble-t-il, encore une fois dans les médias qu’il faut chercher les excès, ne serait-ce que parce qu’une grippe qui vient de l’étranger permet d’alimenter le sensationnalisme. Peut-être par ailleurs les responsables de la santé ont-il trop communiqué ou trop prématurément, au risque d’un décalage entre les dangers annoncés et ceux qui peuvent être perçus actuellement par le public. Mais les polémiques alimentées notamment par Bernard Debré (qui a parlé de « grippette »), et le reproche de trop en faire en commandant des millions de vaccins semblent désormais largement infondées. Les mesures adoptées par le ministère de la santé sont par ailleurs largement en phase avec les recommandations de l’OMS.
A ce sujet, je vous recommande cet excellent article d’Olivier Chacornac, publié par Agnès Lenoire sur son blog :
http://www.doutagogo.com/article-35737962.html
La grippe A H1N1 est certes peu dangereuse à l’échelle de l’individu , mais étant très contagieuse, fait courir le risque d’un grand nombre de décès à l’échelle internationale en l’absence de mesures énergiques de prévention et de préparation à une pandémie de grande échelle.
L’intérêt d’une campagne de vaccination est très bien défendue par l’auteur :
« Elle[ est envisagée et les vaccins sont en développement. Aux dernières nouvelles, ils devraient être prêts pour l'automne. L'avantage de la vaccination est qu'elle pourrait limiter et même stopper la progression du virus. En effet, en étant immunisée, la population cessera de transporter et de transmettre le virus. Mais pour être vraiment efficace, il faut que la couverture vaccinale soit importante. Selon certaines simulations, une couverture mondiale de 30-50 % (30 à 50 % de la population mondiale vaccinée), à condition qu'elle couvre l'ensemble des pays sans favoriser les pays développés (souligné par moi), suffirait à enrayer la pandémie. Pour une éradication du virus, il faudra cependant viser beaucoup plus haut.
Le deuxième avantage de la vaccination est qu'en stoppant la progression, elle diminue le risque que le virus mute : moins le virus traîne dans la nature, moins il a de chances de muter ou de se recombiner. Parallèlement, un changement dans le virus pourrait rendre les vaccins moins efficaces, voire inefficaces si le changement est important. Ce sont deux raisons qui expliquent la course au développement d'un vaccin » .
Le retour des théories conspirationnistes à propos de la vaccination
Olivier Chacornac aborde ensuite avec le regard et la démarche du sceptique les thèses conspirationnistes qui n’ont pas manqué de fleurir à propos de l’origine du virus ( fabriqué dans un laboratoire), ou de la collusion de l’OMS , des pouvoirs publics et des l’industrie pharmaceutique. Comme toujours, il n’y a pas le moindre commencement de preuve consistante à l’appui de ces thèses.
Ainsi, à propos de l’OMS :
« L'OMS a organisé plusieurs réunions avec des dirigeants des grandes industries du vaccin (en mai et en juillet). Mais il semble échapper aux tenants de la conspiration que le rôle des industries du vaccin est... de produire des vaccins. Pour prévoir l'éventualité d'une vaccination contre la grippe A, il faut donc bien se coordonner avec l'industrie. Et tel était le but de ces réunions. En fait, l'absence de ce type de réunion aurait été d'une totale inconscience de la part de l'OMS.
Et si le procès-verbal de la réunion du 7 juillet n'a pas été communiqué, c'est parce qu'il n'y en a pas eu. Par contre, un compte rendu de la réunion a été publié le 24 juillet . Il ne semble pas que l'OMS ait quoi que ce soit à cacher. »
La thèse du complot, soit d’une bombe virale élaborée dans les laboratoires pour décimer une partie de la population mondiale (4), soit afin de donner un prétexte aux pouvoirs sanitaires d’engraisser l’industrie pharmaceutique, continue à se répandre sur la toile et fournit aux fous-furieux de l’anti-vaccination l’occasion de se déchaîner.
C’est en faisant des recherches à ce sujet, que nous avons découvert l’existence d’une association baptisée « CRIVIE » (5), nième centre de recherche et d’information « indépendante », c’est-à-dire à première vue des charlatans à l’image des CRIIGEN, CRIIRAD , CRIIREM. A seconde vue aussi !
Observez sur la page d’accueil le dessin qui se veut humoristique . Un martien descendu de sa soucoupe demande au terrien :
-Tu es le seul survivant ?
- Ouais, répond celui-ci, ils ont oublié de me vacciner.
C’est bien connu , la vaccination a décimé des populations entières , et pas du tout , sauvé des dizaines de millions de personnes en éradiquant par exemple le typhus ou la variole! L’imbécillité des anti-vaccination va de pair avec leur indécence.
Le sommaire de la brochure permet de voir quelles alternatives charlatanesques sont proposées. Pas de surprise…
Une bonne hygiène de vie
La vitamine C
Le chlorure de magnésium
L’Homéopathie et l’Aromathérapie
Le Kimchi, plat national coréen
L’immunothérapie régulatrice
Le charbon végétal activé
C’est sans d’ailleurs parce que le « Kimchi » est un palliatif avantageux à la "vaccination_poison" que l’espérance de vie à bondi en Corée de 54 ans au début des années 60 à 79 ans aujourd’hui, alors que dans le même temps la couverture vaccinale des enfants est passée de quelques pourcents à 100% ! Cherchez l'erreur....
Qu’importent les faits. L’obscurantisme anti-vaccins parle de ceux-ci comme relevant d’une entreprise génocidaire résultant d’un complot machiavélique entre « industrie des poisons » (laboratoires pharmaceutiques) et les pouvoirs publics corrompus.
Parmi les liens donnés par ce site , Politique de vie (6) , émanation d’un certain Christian Cotten , un psychopathe présent sur la liste de Dieudonné , qui soutient les thèses du complot à propos du 11 Septembre ou des attentats de Madrid…
Regardez donc la vidéo proposée en page d’accueil « Roselyne Bachelot tu mens » et la logorrhée effrayante de Cotten : Bien sûr, vous ne saurez pas au terme de ces 9 éprouvantes minutes à propos de quoi Roselyne Bachelot ment (7).
On aimerait qu’il ne s’agisse de quelques illuminés isolés. Mais le monde des sectes obscurantistes est décidemment petit et c’est tout naturellement qu’ on retrouve dans des colloques Politique de Vie et l’ACECOMED où sont impliqués des membres du CRIIGEN qui eux ont pignon sur rue dans les médias (8).
Quand Le Monde relaie la propagande anti-vaccination
Les militants anti-vaccination trouvent également un relais totalement complaisant dans un grand « quotidien national de référence » nommé Le Monde (9).
Vous pouvez lire à ce sujet l’article de Laurent Berthod sur son blog :
http://laurent.berthod.over-blog.fr/article-37079467.html
Non seulement les dangers des adjuvants à base de sels d’aluminium ne reposent que sur des rumeurs, mais comme le journaliste scientifique Jean-Daniel Faysakier le précise que dans le cas des vaccins en préparation contre la grippe H1N1 : « il n’y a, contrairement à ce qui peut se dire, aucun essai de vaccin avec des adjuvants à base de sels d’aluminium » .
Quelques remarques complémentaires de celles de Laurent :
-Le syndicat national des infirmiers (SNPI) CFE-CGC prend donc position assez nettement contre la vaccination. Au nom de quoi ? Il me semble qu’un syndicat de ce type a pour vocation de défendre les infirmiers, de prendre éventuellement position sur des questions organisationnelles dans les hôpitaux en vue d’un réponse à une épidémie importante de grippe, il n’a aucune autorité en matière d’évaluation de la pertinence ou non d’organiser une campagne de vaccination. Il confirme malheureusement une perméabilité dangereuse du milieu infirmier à ces idéologies…
-Remarquons parmi les anti-vaccination interviewés une homéopathe (ben voyons), et le conseiller médical de l'association Revahb (Réseau des « victimes » du vaccin hépatite B). Bien sûr le fait que de nombreuses études menées au niveau national et international (10) n’aient identifié aucun lien entre vaccination contre l’Hépatite B et sclérose en plaques ne sera même pas rappelé par la journaliste du Monde.
Cet article se termine logiquement par une ineptie, qui serait risible si elle n’était pas écrite par des médecins :
Dans leur livre La Vérité sur la grippe A(H1N1), (éd. Delville santé, 144 p., 15 euros), les docteurs Bruno Lina et Jérôme Salomon notent que "l'historique pasteurien fait que le pays est très en faveur des vaccins et promoteur, producteur de vaccins. Pourquoi vacciner des enfants qui pourraient faire leur immunité naturellement ? Cette question alimente régulièrement le débat".
Inepte quand on sait que précisément la vaccination est un moyen d’activer les défenses immunitaires naturelles afin de les préparer à une attaque virale réelle. Ce qu’entendent ces soi-disant médecins par faire leur immunité « naturellement », c’est ne pas préparer les enfants à une infection réelle, ce qui revient à exposer les plus faibles à la mort. C'est-à-dire la mort pour ceux qui n'auront pas le temps de développer une réponse immunitaire à la hauteur de la charge virale Malheur aux faibles ! Tel est le slogan qui résume le mieux l’idéologie anti-vaccination.
Anton Suwalki
Notes :
(1) c’est également au nom de ce principe de précaution que des tribunaux ordonnent le démontage d’antennes relais. Autre dérive de ce principe, le fait que ce soit la justice qui tranche sur des questions de santé !
(2) ni aucun risque spécifique pour l’environnement
(3) http://www.invs.sante.fr/publications/2005/uv/resume_uv.pdf
(4) rappelant la thèse de Dieudonné selon lequel Israël avait « conçu » le virus HIV dans le but de décimer l’Afrique..
(6) http://www.politiquedevie.net/
(7) Cette remarque n’est en aucun cas un jugement ou une défense de la politique de Roselyne Bachelot. Simplement la diatribe de ce cinglé finirait par la rendre plutôt sympathique aux yeux de n’importe quel être civilisé quels que soient les reproches qu’on peut lui faire.
(8) http://www.coordiap.com/action12.htm
(10) dont la plus récente émane d’une équipe de l’INSERM :
Hepatitis B vaccination and the risk of childhood-onset multiple sclerosis. (2008) Mikaeloff Y, Caridade G, Rossier M, Suissa S, Tardieu M.