Gilles-Eric Séralini, victime de diffamation ?
Il y a une semaine, nous vous informions du procès intenté à Ernesto Bustamante, biologiste péruvien condamné pour diffamation qui risque la prison(1). Quelques jours après, le CRIIGEN annonçait officiellement (2) que Gilles-Eric Séralini trainait en procès pour diffamation Marc Fellous en tant que représentant de l’Association Française des biotechnologies végétales (AFBV) (3).
Il peut paraître étonnant que GES utilise le recours judiciaire pour se défendre, compte tenu du nombre de fois où il a personnellement utilisé l’arme de la calomnie (4). Heureusement pour lui, tout le monde n’est pas aussi procédurier. Mais le fait que ce recours à la justice s’accompagne d’une pétition lancée par Sciences citoyennes (5) en soutien au pauvre GES « victime d’attaques et de pressions morales émanant d’une partie de la communauté scientifique, et qui vont jusqu’à remettre en question les conditions mêmes de ses travaux de recherche (position académique, financements) », donne à penser que le procès lui-même s’inscrit dans une stratégie médiatique et politique du CRIIGEN et d’ autres officines anti-OGM qui va au-delà des « outrages » vécus par GES.
Où est la diffamation ?
On voit mal comment un juge pourrait trouver le contenu des deux pièces à charge citées par GES (6) diffamatoire. Qui douterait un seul instant en se penchant sur le dossier GES qu’il est « chercheur avant tout militant », quand le CRIIGEN dont il préside le comité scientifique souhaite aux lecteurs de son site « une bonne année 2010 sans OGM », quand un de ses membres signe des pétitions en se qualifiant de « conférencier anti-OGM » (7) ? On pourrait bien sûr multiplier les exemples.
Qui ne s’interrogerait sur les financements des études de Séralini ? Quand l’AFBV mentionne les financements de Greenpeace , elle ne fait que souligner qu’un des principaux commanditaires de ces études est une organisation farouchement anti-OGM, capable de manipuler sans vergogne l’opinion sur les produits laitiers « contenant des OGM » (8) ? Imagine-t-on Greenpeace financer des études neutres, dans le seul but de faire avancer la science ?
L’AFBV aurait pu également mentionner, outre Greenpeace, Carrefour, 2ème multinationale de la distribution ou de plus modestes financiers, Léa Nature Group /Jardin Bio , et… Sevene Pharma, tous positionnés sur un créneau de marché qui ne peut se développer qu’en cultivant la peur et le rejet des OGM.
GES s’offusque-t-il d’être qualifié de « marchand de peur » ? Quand on assiste ou on écoute une de ses conférences, on se demande ce qu’il faudrait dire pour être qualifié de marchand de peur, si lui n’en est pas un (9) !
Concernant la qualité des travaux de GES, la pétition de Sciences citoyennes (dont la liste des membres du CA est particulièrement éclairante) volant en secours de l’opprimé indique : « l’Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV), a déclaré dans un communiqué de presse daté du 14 décembre 2009, que « les travaux de G.-E. Séralini ont toujours été invalidés par la communauté scientifique ». Ces allégations sont totalement mensongères. Tous ses travaux ont été publiés dans des revues internationales à comité de lecture et donc évalués par les pairs. Aucun n’a jamais fait l’objet d’une invalidation. »
Ainsi, il suffirait donc, comme c’est le cas des 3 articles récents plus ou moins redondants de Séralini et al sur des rats nourris aux OGM, de passer à travers le filtre de revues à comité de lecture à faible impact pour les proclamer définitivement validées ! Les avis des CGB- l’AFSA- HCB (France), de l’AESA (Europe), les avis des agences allemande, néo-zélandaise, les nombreux commentaires concernant sur analyses bio-statistiques fantaisistes(10) … Rien de tout ça ne compte ! Il est vrai que parant d’avance à toutes les critiques prévisibles de sa dernière étude (11), le CRIIGEN dénonçait « à présent le conflit d’intérêt et l’incompétence de ces comités pour contre-expertiser la présente publication ; parce qu'ils se sont déjà prononcés positivement sur les mêmes tests en négligeant les effets secondaires» (12). En clair, GES procède par auto-validation : ceux qui le critiquent sont incompétents et/ou en conflit d’intérêt ! A part cela, c’est lui qui s’estime diffamé …
Les apôtres de la science «contradictoire » tentent en fait de faire jouer la censure
Le ridicule ne tuant pas, le CRIIGEN et les pétitionnaires qui soutiennent Séralini prétendent se situer dans une démarche en faveur d’« une science indépendante et contradictoire » ! Quoi qu’ils pensent sur les OGM et sur les initiatives de l’AFBV, les gens honnêtes admettront que l’impact médiatique de cette association (dont beaucoup ignoraient jusqu’à ce jour l’existence) est (jusqu’à présent) dérisoire par rapport à la tribune dont dispose en permanence la mouvance anti-OGM à laquelle appartiennent GES et le CRIIGEN. Depuis des années, les anti-OGM ont un quasi-monopole de l’expression en France (13). La plupart des grands médias ne prennent même pas la peine de faire semblant d’un minimum d’objectivité sur la question. Il y a 3 jours à peine, une émission de France culture (14) OGM, le feuilleton continue, réunissait sur plateau, Oh ! surprise ! :
- Gilles Eric Séralini
- Christian Vélot
- Hervé Le Meur
- Eric Meunier
Résumons : 2 anti-OGM du CRIIGEN + 1 anti-OGM d’OGM Dangers + (pour que l’équilibre des points de vue soit parfait) … 1 anti-OGM d’Inf’Ogm. Ubuesque !
C’est sans doute ce que GES et ses supporters considèrent comme un « débat contradictoire »… Que quelques voix osent encore s’élever contre leur omnipotence leur est visiblement insupportable. D’où sans doute ces tentatives de censure et d’intimidation judiciaire.
Paris, quand on y songe, n’est pas si éloignée de Lima.
Anton Suwałki
Notes :
(2) http://www.criigen.org/SiteFr/
(3) http://www.biotechnologies-vegetales.com/
(4) Par exemple, commentant les soi-disant « doutes sérieux » exprimés par le sénateur Legrand pour justifier l’activation de la clause de sauvegarde sur le MON 810 en 2008, GES estimait : « Si on écrit "doutes sérieux", cela veut dire que l'ensemble des commissions du monde qui ont travaillé sur le sujet, et ceux qui les ont présidées, ont été malhonnêtes ou incompétents. Toutes les autres commissions ont été gentilles avec les industriels, et ont dit ‘on peut signer, il n'y a pas de risque’. Pour la première fois, on fait apparaître au monde entier que le maïs MON810 a été autorisé avec des insuffisances notoires. »
(AFP , le 11 Janvier 2008)
(5) http://sciencescitoyennes.org/spip.php?article1806
(6) 1- le communiqué de presse du 16 décembre 2009:
« L’AFBV critique sévèrement la nouvelle publication de G.E. Séralini contre les maïs OGM »
http://biotechnologies-vegetales.net/node/128
2- la lettre adressée à France 5 au sujet du traitement partial dans l’émission Santé Magazine donnant la parole exclusive aux militants anti-OGM dont …Séralini
http://www.biotechnologies-vegetales.com/node/141
(7) ACECOMED, manifeste pour une « médecine écologique »
http://www.acecomed.org/manifeste/?petition=2
(9) http://imposteurs.over-blog.com/article-33136376.html
(10) Par exemple Lies, Damned lies and statistics ,par Christopher Preston
http://gmopundit.blogspot.com/2007/03/lies-damn-lies-and-statistics.html
Traduction en Français :
http://imposteurs.over-blog.com/article-29829309.html
(11) A Comparison of the Effects of Three GM Corn Varieties on Mammalian Health, International Journal of Bioligical Sciences
http://www.biolsci.org/v05p0706.htm
(12) http://www.criigen.org/SiteFr//index.php?option=com_content&task=blogcategory&id=79&Itemid=118
(13) et le moratoire décidé en 2008 sur le maïs MON 810 est là pour rappeler quels lobbies comptent réellement en France
(14) http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/terre_a_terre/