E.coli et OGM : élucubrations d’Herrade Nehlig et censure aux Dernières Nouvelles d’Alsace
Lors de notre dernier article consacré aux allégations de Mamère et MMR à propos des récentes affaires de contamination d’aliments par des bactéries E.coli, nous évoquions la possibilité que quelques esprits loufoques fassent le parallèle entre ces affaires et les OGM (1). Deux jours, plus tard , les Dernières Nouvelles d’Alsace publiait un courrier d’une certaine Herrade Nehlig, suggérant le lien entre la transgénèse et cette « actualité cruelle » (2).
Cette personne est « de l’Institut de biologie molécularie (sic !) des plantes - CNRS, Strasbourg », nous apprend DNA. Cette référence à un prestigieux organisme de recherche vise sans le moindre doute possible à parer de l’autorité scientifique les élucubrations de Mme Nehlig, qui occupe en réalité un simple poste de technicienne de laboratoire à l’IBMP. Car il s’agit bien d’élucubrations, comme nous allons le voir.
L’ « histoire » racontée par Mme Nehlig (histoire, c’est elle-même qui emploie le terme) ne repose sur rien d’autre que son imagination fertile. Avant de construire un scénario totalement échevelé qui part de l’utilisation de gènes marqueurs de résistance aux antibiotiques dans des plantes génétiquement modifiées pour aboutir aux épidémies récentes d’infections provoquées par une souche virulente d’E.coli , elle n’a même pas pris la peine de vérifier la première de ces assertions, à savoir qu’ « Escherichia coli est la bactérie la plus fréquemment utilisée pour faire ’muter’ les cellules de plantes afin d’obtenir des OGM. ».
Notons qu’elle semble ne pas vraiment faire la différence entre mutation et transgénèse. Gros problème : E.coli n’est pas du tout utilisée dans la transgénèse végétale, c’est la bactérie du sol Agrobacterium tumefaciens qui est utilisée. Toutes les laborieuses inférences produites dans ce courrier tombent de ce fait à l’eau. De toute façon, la crise récente n’avait strictement aucun rapport avec un problème de résistance aux antibiotiques des E.coli pathogènes. La théorie de Mme Nehlig a une valeur strictement égale à zéro.
Le fait de souligner que Mme Nehlig est simplement technicienne n’est pas condescendant, et personne ne remettra en cause le droit de tout citoyen d’exprimer des idées sur n’importe quel sujet. Quitte à se fourvoyer complètement. La faute réside dans le fait de présenter ces idées comme le fruit de la réflexion scientifique que cette dame ne possède pas, et bien plus grave, d’engager l’organisme auquel on appartient au risque de saper sa réputation. En quelques jours, un nouveau hoax anti-OGM a déjà infecté la toile à une grande échelle, comme c’est toujours le cas, mais celui porte frauduleusement le sceau du CNRS.
A qui revient la responsabilité de cette imposture ? Les choses ne sont pas très claires. Le rectificatif publié le 5 juillet par DNA à la demande de l’IBMP (3) fait état d’un courriel d’une demande de précisions de Mme Nehlig : « J’ai écrit cet article à titre totalement personnel et non pas en tant que membre de l’Institut de Biologie Moléculaire des Plantes et je l’ai signé en mon nom propre. Mon Institut ne saurait cautionner une opinion que j’exprime à titre personnel ». Les journalistes de DNA, peut-être affectés des mêmes préjugés qu’elles, se seraient-il chargés de l’affubler de l’autorité de l’IBMP, pour renforcer le poids de ses élucubrations ? Marie-Monique Robin est parfaitement capable de ce genre de procédés, d’autres journalistes doivent l’être aussi.
Pourtant, Mme Nehlig est connue sous une autre casquette par DNA, et elle y apparaît d’habitude comme élue EELV. Difficile de croire que le rapprochement n’ait pas été fait cette fois-ci. D’autre part, pourquoi Mme Nehlig n’a-t-elle pas demandé elle-même la suppression de la mention de l’IBMP et au CNRS , très gênante pour ces instituts , puisqu’il s’agissait selon ses propres termes d’une démarche « totalement personnell(e) » ? N’aurait-il pas été plus logique qu’elle demande plutôt de mentionner son appartenance à EELV, ce qui aurait eu le mérite de la transparence, ses propos étant beaucoup plus caractéristiques de ce que racontent les dirigeants de ce courant (4) que de la réflexion scientifique qui prévaut au CNRS ? Sa bonne foi dans l’affaire restera extrêmement douteuse.
Cette affaire navrante aura également permis de se faire une idée des conceptions qui prévalent à DNA en matière de liberté d’expression. Moi-même et plusieurs familiers d’Imposteurs ont, bien avant la réaction publique de l’IBMP, écrit à DNA pour souligner la vacuité des thèses de Mme Nehlig, et pour protester , dans des termes pourtant dépourvus d’agressivité (5), à propos de l’enrôlement de l’institut qui ne saurait évidemment endosser des propos aussi fantaisistes. Dans un premier temps, mon commentaire a été publié, puis il a été censuré sans même que le modérateur n’ait eu la courtoisie de m’en informer. Ceux d’autres lecteurs ont été immédiatement censurés sans la moindre justification. Pour nous, la leçon est claire : il y a des idées « citoyennes » qui ne sauraient être critiquées dans ce journal, qui semble se moquer éperdument de la véracité de thèses indument présentées comme scientifiques.
La fonction « ajouter un commentaire » aura même été supprimé de la page du courrier de Mme Nehlig, jusqu’à ce que la mise au point demandée par l’IBMP soit publiée. Un léger soulagement provisoire : DNA n’ose pas encore censurer des organismes tels que le CNRS…
Une satisfaction enfin : le rectificatif publié, suite au courrier que certains de nos lecteurs ont adressé à l’IBMP et au délégué régional du CNRS pour leur faire part de leur étonnement, confirme totalement le bien-fondé de nos critiques. Le communiqué publié sur le site de l’institut est plus sec, et révèle sans la moindre ambiguïté le jugement que celui-ci porte sur les méthodes d’ Herrade Nehlig et de DNA:
« La direction de l'IBMP tient à exprimer sa consternation face à l'utilisation de la notoriété de notre institut pour la publication d'un article inepte conduisant à un amalgame sensationnaliste entre E. coli, OGM, antibiotiques et la crise sanitaire ayant récemment eu lieu en Allemagne. Nous tenons à préciser que l'IBMP et le CNRS n'ont absolument rien à voir avec cette publication et nous nous inscrivons en faux vis-à-vis de son contenu dépourvu de vérité scientifique. Nous prendrons toutes les mesures jugées nécessaires afin que soient préservées l'image et la réputation de notre institution. » (6)
Anton Suwałki
Notes :
(1) http://imposteurs.over-blog.com/article-mamere-et-mmr-rament-dans-le-meme-bateau-bio-78139115.html
(se rapporter à la note n°7)
(3)http://www.dna.fr/fr/opinions/info/5367740-Courrier-des-lecteurs-E.-coli-rectificatif-et-precisions
(4) rappelons par exemple que le comique Daniel Cohn-Bendit avait attribué l’épidémie de grippe porcine de 2009 à la résistance aux antibiotiques . Les militants de base n’ont pas le monopole des inepties, loin de là.
http://imposteurs.over-blog.com/article-31051957.html
(5) Vous pourrez en juger vous-mêmes en vous reportant à ces messages publiés dans les commentaires de l’article Mamère et MMR…
http://imposteurs.over-blog.com/article-mamere-et-mmr-rament-dans-le-meme-bateau-bio-78139115.html