Dans une pétition des homéopathes, l’aveu de leur imposture
Une pétition initiée par des médecins homéopathes et adressée au président de la république sonne le tocsin : « Monsieur le Président, l’homéopathie , médecine plébiscitée par plus de 70% des FRANÇAIS , est en grave danger ! » (1).
A cause d’une directive européenne (2), apprend-on, « 75% de nos remèdes sont devenus introuvables en France et pourtant ils sont indispensables pour soigner de nombreux malades ! » . Indispensables, vraiment ? Si l’homéopathie est vraiment en grave danger , tel n’est sans doute pas le cas des malades qu’elle prétend soigner ! Un placébo peut très bien en remplacer un autre.
Pourtant la directive incriminée ne remet pas en cause le statut dérogatoire des préparations homéopathiques (3) :
« Compte tenu des caractéristiques particulières des médicaments homéopathiques, telles leur très faible concentration en principes actifs et la difficulté de leur appliquer la méthodologie statistique conventionnelle relative aux essais cliniques, il apparaît souhaitable de prévoir une procédure d'enregistrement simplifiée spéciale pour les médicaments homéopathiques mis sur le marché sans indication thérapeutique et sous une forme pharmaceutique et dans un dosage ne présentant pas de risque pour le patient. »
Ainsi , on reconnaît que l’homéopathie, au moins pour ces médicaments, n’a pas à faire la preuve de son efficacité à travers les essais cliniques auxquels sont soumis les vrais médicaments, et on autorise toujours des procédures d’enregistrement simplifiées. Mieux, on permet la mise sur le marché de médicaments…sans indication thérapeutique , chacun étant libre d’attribuer aux grigris l’action qu’il souhaite. Bel aveu de l’absence d’effet de ceux-ci en dehors de la suggestion. Où est donc le problème pour les homéopathes qui crient au loup ?
La directive n’est pas si claire que cela. Il semblerait que l’on cherche à garantir que les préparations correspondent bel et bien à des dilutions homéopathiques, c’est-à-dire que « degré de dilution garantissant l'innocuité du médicament; en particulier, le médicament ne peut contenir ni plus d'une partie par 10 000 de la teinture mère, ni plus de un centième de la plus petite dose utilisée éventuellement en allopathie pour les substances actives dont la présence dans un médicament allopathique entraîne l'obligation de présenter une prescription médicale (…)Les règles relatives à la fabrication, au contrôle et aux inspections des médicaments homéopathiques doivent être harmonisées afin de permettre la circulation dans toute la Communauté de médicaments sûrs et de bonne qualité.». En clair, que la procédure de dilution soit bien respectée pour que les grigris soient réellement qu’inoffensifs qu’ils sont inefficaces. Et probablement, que les excipients utilisés soient sans effet notoire important, ce qui est la moindre des choses.
Mais les choses se compliquent un peu à propos « [des] médicament[s] homéopathique[s] commercialisés avec des indications thérapeutiques ou sous une présentation susceptible de présenter des risques, à mettre en rapport avec l'effet thérapeutique espéré, les règles habituelles de l'autorisation de mise sur le marché des médicaments devraient être appliquées. Notamment, les États membres possédant une tradition homéopathique doivent pouvoir appliquer des règles particulières pour l'évaluation des résultats des essais visant à établir la sécurité et l'efficacité de ces médicaments, à condition de les notifier à la Commission. »
Voilà qui met en effet les homéopathes devant leur contradiction : dès lors qu’une substance a un effet thérapeutique sur l’organisme, c’est-à-dire un effet biologique, on est obligé d’envisager un ou plusieurs effets secondaires, et il n’y a donc aucune raison que les préparations homéopathiques échappent à la règle : apporter la preuve qu’ils ont réellement un effet thérapeutique, rechercher d’éventuels effets indésirables qu’on puisse mettre en balance avec le bénéfice attendu du médicament.
C’est donc avec beaucoup de candeur que les homéopathes s’indignent : « Or, selon le nombre d’ Avogadro, aucune molécule du produit initial ne se retrouve dans les dilutions homéopathiques à partir de la 12CH , seule persiste l’information apportée par la souche et transmise au milieu hydro alcoolique : la sécurité de ces dilutions est sans contestation possible. » C’est ce qu’on appelle vouloir le beurre et l’argent du beurre. Des deux affirmations contenues dans la phrase ci-dessus, il ya forcément une qui est fausse.
En effet, 12 CH (« centésimales hahnemanniennes ») correspond à une dilution délirante au 1/1024 . Sachant qu’une granule homéopathique pèse environ 50 mg, soit beaucoup moins qu’une mole d’un quelconque produit, il y aurait 3% de chance de trouver une seule molécule de produit actif dans une granule pour l’élément le plus léger envisageable (4). Imaginez donc le cas des dilutions à 30 CH ou plus…. C’est pourquoi on peut tout-à-fait suivre les homéopathes lorsqu’ils affirment que la sécurité de ces dilutions (12CH et au-delà) est sans contestation possible. L’escroquerie intellectuelle ,médicale, et commerciale consiste à invoquer la chimie pour affirmer la sécurité des produits, mais à la rejeter lorsqu’il s’agit d’affirmer que ceux-ci ont tout de même un effet thérapeutique ! Car si en effet, en vertu de lois physiques ignorées des physiciens, l’ « information apportée par la souche » (5) était réellement persistante dans la solution alors que celle-ci en avait disparu, alors cela remettrait en cause l’hypothèse d’innocuité du produit.
Cette insoutenable légèreté met en évidence la pensée magique entretenue par les homéopathes : non seulement on postule une « mémoire de l’eau » qui n’a jamais pu être mise en évidence par des expériences reproductibles, mais on postule que cette mémoire est sélective et bienveillante, se conformant au désir du marchand de grigris ou de ses victimes.
Nous ignorons donc si le président de la République se pliera aux exigences des pétitionnaires : « nous vous demandons de DECRETER en URGENCE l’autorisation pour tout préparatoire homéopathique habilité sur le territoire français, de délivrer sans frais l’autorisation de mise sur le marché de l’intégralité des souches homéopathiques mondialement reconnues à partir de la douzième dilution centésimale hahnemannienne, y compris les souches anciennes, ainsi que la possibilité de réaliser des préparations isopathiques à partir de prélèvements biologiques. ». Dans tous les cas, prétendre qu’il y a urgence, c’est se moquer du monde, surtout des gens qui sont malades !
Anton Suwalki
Sur le même sujet :
http://imposteurs.over-blog.com/article-13767675.html
Sources :
(1)
http://www.apmh.asso.fr/files/petition_homeo_01-13.pdf
(2)
http://www.apmh.asso.fr/files/directive_EU_2001L0083-CE.pdf
(3) lire notamment :
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article671
(4) la mole correspond à 6,022 X 1023 éléments (nombre d’Avogadro). La masse molaire la plus faible est celle de l’atome d’hydrogène , 1 gramme, soit 20 fois plus que le poids d’une granule.
(5) C’est la tristement célèbre « mémoire de l’eau » mise en évidence par Benvéniste, dont les travaux, financés par les Laboratoires Boiron, se sont révélés non reproductibles, et entâchés de soupçons de fraude.
Human basophil degranulation triggered by very dilute antiserum against IgE, Nature, 30 Juin 1988, vol. 333, p. 816-818 , retirée par l’éditeur
Lire une courte histoire de cette découverte sur le site ami Charlatans :
http://www.charlatans.info/memoiredeleau.shtml