Christian Vélot : l’éthique de toc du « lanceur d’alerte »
Une fois encore, l’inénarrable Christian Vélot sert aux médias complaisants la posture qui plait tant à ceux-ci. L’interview accordée à Bastamag (1) , qui incorpore sa formule favorite dans le titre de l’interview, permet à l’intermittent de la recherche un beau numéro d’acteur, et d’énoncer quelques contrevérités scientifiques dont il a le secret. Mes commentaires en bleu.
Anton Suwalki
Quand la science fait de la planète une paillasse de laboratoire
L’éthique vaut plus cher que sa carrière, assure le généticien Christian Vélot, qui continue, malgré les pressions, à alerter sur les risques potentiels liés aux OGM. Il revient sur l’onde de choc provoquée par l’étude controversée de Gilles-Eric Séralini, un an après sa publication. S’il attend peu de choses de la récente loi de protection des lanceurs d’alerte, Christian Vélot propose plusieurs pistes pour éviter les conflits d’intérêts, et construire des passerelles entre la recherche institutionnelle et la société civile.
Basta ! : Un an après la sortie de l’étude de Gilles-Eric Séralini sur la toxicité du maïs OGM NK603 et du pesticide RoundUp, les conditions de recherche sur les OGM ont-elles évolué ? Christian Vélot : Oui, des choses ont bougé, mais pas de façon systématique sur l’évaluation de tous les OGM. Un an après cette étude, la France et l’Union européenne ont lancé des appels d’offres pour des études sur les effets sanitaires de vie entière (deux ans pour des rats) du NK603, le maïs génétiquement modifié qui a fait l’objet de l’étude Séralini .
Effectivement, les choses ont bougé. On peut constater que le CRIIGEN a su habilement transformer un navet scientifique en succès médiatique et politique. Les politiques qui sont toujours prompts à ouvrir leurs parapluie , ont donc cédé à cette pression, commanditant des études à deux ans qui ne serviront à rien.
Comme ce type d’appels d’offre n’existait pas avant l’étude de Gilles-Eric Séralini, il lui a fallu prendre son bâton de pèlerin pour demander un soutien financier auprès de fondations, de parlementaires... Cela a nécessité un travail colossal. En ce sens, il y a un avant et un après « l’étude Séralini ».
Aux dires de Séralini lui-même dans Tous Cobayes, il n’a pas été très difficile de convaincre Carrefour et Auchan , les principaux bailleurs de fonds, de le financer. Ni la fondation ‘Charles Leopold Mayer pour le Progrès de l’Homme…
Mais ces appels d’offre, qui sont restreints au maïs NK603, ne correspondent pas, contrairement à ce qu’on essaie de faire croire, à une répétition de l’étude Séralini (afin de confirmer ou infirmer ses résultats). Il ne s’agit pas d’études de toxicologie à long terme, mais d’études de cancérogenèse. Comme son nom l’indique, une étude de cancérogénèse se limite à observer l’apparition de cancers, alors qu’une étude de toxicologie permet de révéler de nombreuses autres pathologies chroniques (toxicité hépato rénale, perturbations hormonales, diabète, obésité, troubles cardiaques, etc…). C’est une manière de restreindre les observations pour s’assurer que l’on ne verra pas trop de choses !
Vélot n’est même pas capable de lire ces appels d’offre : Celui de Risk’ OGM (2), lancé sous l’autorité du ministère de l’environnement et de la très incompétente Delphine Batho, relève de la toxicologie et de l’épidémiologie animale, et « le choix de l’OGM retenu devra être justifié. » Autrement dit, le choix de l’OGM n’est pas arrêté…2 « erreurs » de Vélot. Il est vrai que la première lui permet de présumer une intention, évidemment malveillante ( restreindre les observations pour s’assurer que l’on ne verra pas trop de choses).
L’Union européenne a rendu obligatoire en février 2013 les tests de toxicité à trois mois, pour toute demande de commercialisation des OGM destinés à l’alimentation humaine et animale. Est-ce une bonne nouvelle pour la recherche ?
Auparavant, les instances décisionnelles n’étaient pas tenues de faire des études à trois mois. C’est désormais devenu la règle. C’est toujours ça de gagné ! Mais ce qu’a montré l’étude de Gilles-Eric Séralini, c’est que ces trois mois sont insuffisants. Il est indispensable de faire des études « de vie entière » pour observer les éventuels effets chroniques. Alors qu’à trois mois, on ne peut voir que des effets aigus. Là encore on a fait bouger les lignes mais pas suffisamment.
Comme si une étude nullissime pouvait montrer quoi que ce soit ! Notons que Vélot n’a toujours pas mis à jour ses connaissances basiques en toxicologie, et continue à affirmer qu’une étude sur 3 mois ne permet de voir que des effets aigus. Voilà à quel genre de « savant » le Conseil Régional d’Ile de France confie un projet PICRI (3). Rappelons d’autre part que plusieurs éléments expliquent l’absence d’étude systématique à long terme , en dehors du coût de telles études. En particulier, le fait que les plantes inscrites chaque année au catalogue des espèces sont cultivées en moyenne 5 ans avant de céder la place à d’autres et que les constructions géniques des plantes génétiquement modifiées évoluent elles-mêmes constamment. Aucun consommateur ne mangera toute sa vie un aliment issu du même OGM.
Cette étude a surtout fait bouger la communauté scientifique. Celle-ci d’ailleurs n’a pas invalidé l’étude, contrairement à ce qui a pu être affirmé. La communauté scientifique est en fait totalement partagée. Et ceux qui ont violemment critiqué l’étude – et qui prétendent représenter la communauté scientifique – sont les agences d’expertise, qui sont juges et partie puisqu’elles ont elles-mêmes contribué à autoriser les produits incriminés. Ainsi que des experts autoproclamés, tels certains académiciens qui ont prétendu parler au nom des académies toutes entières alors qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes.
Là, c’est vraiment l’hôpital qui se moque de la charité : nul ne mérite mieux le qualificatif d’expert autoproclamé que Vélot lui-même. Il suffit de se reporter au commentaire précédent pour le vérifier.
L’étude est toujours dans l’édition scientifique de Food and Chemical Toxicology qui ne l’a pas retirée, malgré toutes les pressions. Ces pressions sont allées jusqu’au changement de la composition du bureau éditorial de la revue : un nouvel éditeur adjoint chargé des biotechnologies a été nommé. Il s’agit de Richard Goodman, qui a travaillé sept ans pour Monsanto ! C’est vous dire si l’on a mis les moyens pour, au moins, faire en sorte que Gilles-Eric Séralini ne puisse plus publier dans ce journal.
Vélot annone bêtement les propos de son mentor : grâce aux pressions de ??? , Richard Goodman , qui a travaillé sept ans pour Monsanto (un pêché impardonnable, évidemment…) a été nommé éditeur adjoint de Food and Chemical Toxicology, mais malgré ces pressions, l’étude n’a pas été retirée par FTC !
Le journaliste Stéphane Foucart écrit dans La Fabrique du mensonge que « l’arme favorite de l’industrie pour viser les chercheurs qui dérangent est la diffamation ». Vous partagez cet avis ?
Tout à fait. On pourrait attendre de la communauté scientifique une critique constructive : regarder les points forts et les points faibles d’une étude – il y en a toujours, quelle que soit l’étude et quelle que soit la notoriété du journal scientifique dans lequel elle est publiée. Puis étudier la manière dont pourraient être surmontés ces éventuels points faibles, dans le cadre d’une nouvelle expérience pour tester la reproductibilité et ainsi infirmer ou confirmer les résultats obtenus. C’est la véritable démarche scientifique, qui fait appel à l’expertise contradictoire.
Une chose élémentaire aura échappé à la vigilance de notre « expert ». Concernant l’étude de Séralini, on ne peut ni infirmer ni confirmer ses résultats, vu qu’aucun d’eux n’est significatif . Quel chercheur voudrait s’atteler à une tâche aussi stupide que de tenter de reproduire des résultats totalement conformes à ceux qu’on attend du fait du hasard de l’échantillonnage ? Vélot fait sans doute partie des étudiants qui séchaient leur cours de statistiques…
A l’inverse, on a assisté à un véritable lynchage de Gilles-Eric Séralini, accusé d’avoir triché et modifié ses résultats. C’est la pire des attaques. C’est une véritable remise en cause de son intégrité morale et de son honnêteté scientifique. Gilles-Eric Séralini a décidé d’aller en justice, grâce au soutien du Criigen (Comité de recherche et d’Information indépendantes sur le génie génétique) qui va prendre en charge les frais d’avocats . Si le chercheur attaqué est isolé et ne bénéficie pas de suffisamment de soutiens, il ne pourra pas se permettre d’intenter des procès en diffamation, car cela coûte cher. De ce point de vue, la diffamation est une arme redoutable : non seulement, elle affaiblit le chercheur qui dérange moralement en le discréditant, mais l’étouffe financièrement s’il cherche à se défendre.
A notre connaissance, contrairement à ce que prétend Vélot, personne n’a accusé Séralini d’avoir modifié ses résultats. Si triche il y a, elle est dans le cherry picking pratiqué par ce pauvre professeur « lynché », « diffamé », et « qui dérange moralement », défense de rire !
Le Parlement a adopté le 3 avril dernier la proposition de loi qui vise à protéger les « lanceurs d’alerte » et à renforcer l’indépendance des expertises scientifiques. Les effets de cette loi sont-ils déjà perceptibles dans les laboratoires de recherche ?
Absolument pas. Honnêtement, je ne pense pas qu’il y aura la moindre retombée. Cette loi a été vidée de sa substance. La création d’une Haute autorité de l’alerte et l’expertise prévue par cette loi a fait l’objet d’un enterrement de première classe. Le côté positif est que l’on reconnaît l’existence des lanceurs d’alerte. On pourra s’appuyer sur la loi pour éviter à ces derniers de subir des pressions, de la discrimination, notamment dans le monde de l’entreprise. Mais si je revivais aujourd’hui la situation de conflit que j’ai vécu en 2007-2008, en tant que lanceur d’alerte, je crains que rien ou peu de choses ne changeraient.
Il eut été surprenant que Vélot ne rappelle pas le martyre qu’il a vécu…
Vous vous êtes trouvé en conflit avec la direction de l’Institut de génétique et de microbiologie de l’Université d’Orsay suite à vos prises de position publiques contre les OGM. Quels enseignements en avez-vous tiré ?
Ce conflit est né de mes prises de position publiques sur les OGM. C’est mon rôle en tant que scientifique et citoyen d’alerter sur des risques potentiels liés à une technologie. Pour justifier de ma compétence sur ce sujet (puisqu’il vous le dit…), j’apparaissais dans les médias en tant que membre de l’Institut de génétique et de microbiologie, ce qui m’a été reproché. S’en est suivie toute une série de pressions matérielles et morales.
Je m’en suis sorti grâce au soutien des citoyens. Une pétition a recueilli 50 000 signatures. Nous étions en plein Grenelle de l’environnement. Un groupe thématique travaillait sur la gouvernance et il était question des lanceurs d’alerte et de leur protection. J’ai bénéficié de ce contexte, d’une grande couverture médiatique, mais aussi de soutiens, notamment de la Fondation Sciences citoyennes qui a fait un travail gigantesque, et de l’appui d’un certain nombre de personnalités scientifiques et politiques. Une manifestation a été organisée à Orsay pour me soutenir. Face à cette pression, l’université (qui n’était pas mon ennemie dans cette affaire mais qui faisait la sourde oreille) s’est engagée à ce que je puisse continuer à travailler, que je bénéficie d’une structure et de locaux. Mais il y a forcément des séquelles. Aucune structure à Orsay ne voulait de moi après cette affaire. Je suis désormais rattaché administrativement à une structure de recherche codirigée par Gilles-Eric Séralini, le Pôle Risques, à Caen. Les choses se sont un peu apaisées.
La capacité de ce grand lanceur à se poser des questions est très limitée : Comment se fait-il qu’aucune structure à Orsay ne voulait de lui ? En dehors de la main maléfique du grand méchant Monsanto que ne manquerait d’y voir tout adepte du complot, ne se pourrait-il pas, plus simplement, que ses manières de faire et son manque de productivité déplaisent à ses collègues ? La question est donc résolue : il est désormais directement rattaché à la tribu de Caen. Qui dira encore que le droit d’asile est bafoué en France ?
Cette épreuve n’a-t-elle pas entravé votre engagement ?
Mes prises de positions et mon éthique valent plus cher que ma carrière. Rien ne m’empêchera de critiquer ce que je trouve absolument scandaleux : se réfugier derrière la science pour vendre une technologie qui n’a rien de scientifique, qui prend les citoyens pour des cobayes et la planète pour une paillasse de laboratoire.
Que c’est beau ! Je devine les yeux embués des lecteurs de Bastamag, en découvrant l’héroïsme de Vélot !
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent d’être animés par l’émotion ?
C’est assez drôle de constater que ceux qui qualifient certains scientifiques de pseudo-scientifiques, de passéistes, voire même d’obscurantistes au prétexte qu’ils sont critiques de leur propre « chapelle », sont en fait des curés de la science : ils font de la science une religion — le scientisme — et sont incapables d’avoir le moindre esprit critique vis-à-vis de leur propre activité.
Si l’on veut que la science reste crédible, il faut avoir un peu d’humilité et reconnaître toute l’impuissance de la technologie. La technoscience ne peut pas tout.
Effectivement la « technoscience » ne peut pas tout. Elle n’a par exemple trouvé aucun remède contre la manipulation des « citoyens » par les menteurs médiatiques.
C’est une fuite en avant de penser que tous les problèmes sanitaires et environnementaux par exemple, qui résultent déjà en grande partie des retombées de la technologie, pourraient être résolus par de nouvelles technologies, qui sont elles-mêmes génératrices de problèmes sanitaires et environnementaux.
Du bla-bla, rien que du bla-bla. Quelles technologies en particulier génèrent quels problèmes sanitaires et environnementaux en particulier ? Cette phrase généralisante est la preuve éclatante de la religion technophobe de Vélot.
Vous contribuez à alerter l’opinion sur les risques potentiels des OGM. Sur un autre sujet, comprenez-vous ceux qui critiquent ou mettent en doute les synthèses du GIEC sur le réchauffement climatique ? Est-ce une démarche comparable ?
Certainement pas. Ceux qui défendent les OGM à tout prix (et la technoscience en général), et ceux qui attaquent le GIEC sont les mêmes. Ils nient notamment l’impact des technologies, de l’activité industrieuse, sur l’environnement et la santé. Ils ne se réfèrent qu’aux études scientifiques qui attestent leur thèse et oublient toutes les autres. Ils sont dans le déni de la connaissance.
Vélot aligne ici les stupidités :
1/ personne ne défend les OGM « à tout prix », au contraire des obscurantistes qui veulent les interdire à tout prix. Tous les « pro »- OGM que je connais adoptent des positions à partir de la balance risques-bénéfices et constatent que dans le cas des OGM autorisés, la balance penche très nettement du côté des bénéfices.
2/ Il est parfaitement gratuit , donc stupide de dire que ceux qui défendent les OGM, et ceux qui attaquent le GIEC sont les mêmes. Il est à peu près certain que parmi ceux qui défendent les OGM, il existe des climatosceptiques, des « Gieco-sceptiques », des agnostiques, et également des gens qui sont persuadés de la réalité du RCA et font confiance aux conclusions du GIEC. Dans quelle proportions respectives, personne ne le sait. Si Vélot fait semblant de le savoir, c’est qu’il attribue aux autres son propre mode de pensée : il n’est sans doute pas plus expert en climat qu’en matière d’OGM, mais dans un cas, il fait confiance aux experts, dans l’autre ils les accusent d’incompétence ou de forfaiture, en fonction de considérations idéologiques totalement extérieures.
3/ « Ils ne se réfèrent qu’aux études scientifiques qui attestent leur thèse et oublient toutes les autres. » Celle là vaut vraiment son pesant d’or !!! Quand on sait que l’individu est capable de réinterpréter les résultats d’une étude (4), quitte à les travestir, pour qu’ils collent à ses thèses , cette accusation est vraiment bibendumesque .
Pour pouvoir mener correctement des recherches, quelles sont les règles à instaurer pour éviter les conflits d’intérêt ?
On peut déjà imposer une règle : que toute personne qui a un lien direct ou indirect avec une entreprise ne soit pas membre de la commission d’expertise en charge d’évaluer ses produits. Et comme il est de plus en plus difficile de trouver des scientifiques qui n’aient aucun lien avec l’industrie dans leur domaine de compétence, une partie de la solution serait une véritable pluri-représentation du monde scientifique au sein des comités d’expertise techniques, tant du point de vue de la discipline que du point de vue des « a priori » à l’égard de la technologie (ou de ses produits) qu’ils sont en charge d’expertiser. Par ailleurs, il serait essentiel qu’il y ait deux comités : un comité technique composé de scientifiques, mais aussi un comité économique, éthique et social, issu de la société civile. Aujourd’hui, l’expertise n’est posée qu’en terme technique (que l’on qualifie d’ailleurs pompeusement de scientifique). Un autre aspect très important de l’expertise est l’utilité sociale et les alternatives éventuelles. Et ce n’est pas aux seuls scientifiques d’en juger.
Vélot nous cite évidemment le HCB, dont le comité économique, éthique et social, est vérolé par des organisations opposées par principe aux OGM . Voilà ce que Vélot appelle « la société civile » . La vraie société civile, elle, n’a pas le droit aux yeux de ces militants, de tester l’utilité sociale des produits et l’alternative éventuelle que représentent d’autres produits. Ses représentants autoproclamés s’en chargent…
Il faudrait bien sûr que ces deux comités aient le même poids. Au HCB, le Haut Conseil aux Biotechnologies, on a bien les deux comités, mais le comité scientifique émet un avis, alors que le comité économique, éthique et social émet des recommandations…
Si nous comprenons bien le français, recommandation est plus fort qu’avis . Le comité économique, éthique et social entend ainsi prescrire.
Êtes-vous aussi attaché aux conférences de citoyens ?
La Fondation Sciences Citoyennes organise jusqu’au 15 octobre prochain, à Paris et dans plusieurs villes, la neuvième édition du festival Sciences en Bobines. Quel sens donnez-vous à ce festival dont vous êtes partie prenante ?
(..)
Passons sur les réponses de Vélot. Les lecteurs pourront se reporter aux commentaires déjà faits à propos des prétendues « sciences citoyennes » (5).
« Dans une société bien faite, il n’y aurait pas besoin de lanceurs d’alerte,écrivez-vous. Quand ils disparaîtront, c’est que la démocratie et l’expertise auront bien évolué. » Nous n’en sommes pas encore là ?
On est bien loin du compte ! C’est très bien que nous ayons désormais une protection des lanceurs d’alerte (même si elle est très en-deçà de ce que nous étions en droit d’en attendre). Mais on ne peut pas se réjouir d’avoir obtenu un statut des lanceurs d’alerte. Lanceur d’alerte, ce n’est pas un statut, ce n’est pas un métier, c’est le résultat d’une circonstance. N’importe qui peut être lanceur d’alerte. On devient lanceur d’alerte quand on prend conscience au travers de son activité professionnelle par exemple d’un risque potentiel pour l’ensemble de la population, et qu’on décide d’en avertir l’ensemble la société civile. En dénonçant les risques liés à une technologie ou à ses produits, ils montrent les failles de notre système de recherche et d’expertise, dénoncent les vices de tout un système : conflits d’intérêt, carence et opacité de l’évaluation,...
Si l’expertise était bien faite et transparente, il n’y aurait pas besoin de lanceur d’alertes. La situation idéale sera atteinte le jour où on aura une loi qui nous permettra de poursuivre les « couvreurs d’alerte », c’est-à-dire ceux qui empêchent que des risques soient connus, comme le laboratoire Servier, sur le Mediator. L’idéal serait de ne plus avoir à protéger la lanceuse d’alerte Irène Frachon, mais de poursuivre les laboratoires Servier pour avoir couvert une alerte. Le jour où on en sera là, on aura vraiment fait des grands pas dans la transparence de l’expertise, et donc dans la démocratie.
Avec l’affaire du Médiator, les lanceurs d’alerte ont enfin trouvé en Irène Frachon une figure honorable à laquelle se référer. Rien n’est moins sûr que celle-ci apprécie la compagnie des lanceurs d’Alerte à la Vélot.
Toute personne qui pressent un risque de quelque nature que ce soit, pour ses collègues de travail ou pour la population, est évidemment moralement obligée de lancer « une alerte », mesurée et ciblée : ne pas ameuter inutilement la population, surtout quand ce risque est présumé et non pas établi, et lorsque l’on ne dispose pas soi-même de la compétence nécessaire pour évaluer le risque. Les lanceurs d’alerte à la quête d’un statut et d’une reconnaissance juridique obéissent à une autre démarche : créer de l’angoisse, avec des conséquences parfois terriblement néfastes (6) , tout en bénéficiant d’une protection qui les dispense de toute responsabilité. Que l’expertise soit sous pression de l’opinion publique manipulée par leurs soins. C’est déjà malheureusement partiellement le cas.
Anton Suwalki
Notes :
(1) http://www.bastamag.net/article3359.html#nb4
(2) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/APR__Risk_OGM_rel_pbch_pbj_rs2.pdf
(3) http://www.imposteurs.org/article-une-critique-du-projet-picri-par-philippe-joudrier-107214447.html
(4) http://www.imposteurs.org/article-christian-velot-est-il-anti-ogm-tout-s-explique-3-74044158.html
(6) l’affaire du Médiator ne doit pas faire oublier les conséquences de fausses alertes, notamment en matière de vaccins.