Christian Vélot est anti-OGM ? Tout s’explique ! (1)
Christian Vélot, les lecteurs du Site Imposteurs connaissent. Maître de conférences à l’Université Paris Sud, c’est aussi une des figures du mouvement anti-OGM, et un des membres du conseil scientifique du CRIIGEN. Nous lui avions consacré un article en 2008 (1). Ses propos outranciers et certaines de ses formules absurdes sur les OGM lui ont valu de donner son nom à notre prix : Le Vélot d’or.
En Mai 2008, cité comme témoin par les faucheurs volontaires au procès de Toulouse, Christian Vélot fut interrogé par l’avocate d’un agriculteur sur ses compétences dans le domaine, il répondit en substance : « des OGM j’en fais tous les jours dans mon labo, alors croyez-moi, je sais de quoi je parle ».
Une lecture approfondie de ses propos permet de se faire une opinion aussi définitive que consternante sur cette prétention : une de ses interviews réalisée dans le cadre d’un mémoire de Master (2) démontre qu’il n’a qu’une connaissance -au mieux- superficielle du sujet, et qu’il n’a absolument pas saisi la problématique des OGM végétaux et de leur évaluation. C’est l’objet de la première partie de cet article.
Le deuxième document, que nous traiterons ultérieurement, est encore plus édifiant : il s’agit du débat avec Jean-Claude Jaillette (3) auquel il s’est pour une fois prêté lors de la parution de son livre (4). Christian Vélot est plus à l’aise sur une tribune en compagnie de Marie-Monique Robin face à une salle acquise d’avance que face à un journaliste intelligent. Ici, ce sont les interventions particulièrement pertinentes de deux forumeurs biologistes (« XhoI » et « Ryuujin ») qui ont contraint Christian Vélot à battre en retraite, après l’avoir conduit à dévoiler son ignorance et la nature foncièrement irrationnelle et antiscientifique de ses raisonnements.
Anton Suwalki
1ère partie
« Une technique totalement aléatoire »
Christian Vélot :
« En tant que généticien moléculaire, donc en tant qu’utilisateur de cette technologie comme outil au service de la recherche, je sais à quel point cette technique n’est pas chirurgicale, comme on essaye de nous le faire croire mais, au contraire, totalement aléatoire. C’est la raison pour laquelle je m’oppose catégoriquement à l’introduction des OGM dans les champs et dans les assiettes (…).
On entend souvent dire que c’est une technologie chirurgicale, c’est à dire qu’on la maîtrise totalement (..) Ca n’est pas une technologie chirurgicale. La manière dont on introduit un gène d’un organisme A dans un organisme B est d’ailleurs très brutale . On ne maîtrise rien. On ne maîtrise pas le nombre de gènes qui vont entrer dans les cellules de l’organisme receveur. On ne maîtrise pas, non plus, les endroits où ils vont aller s’insérer».
Deux événements sont aléatoires et sur ces points CV a effectivement raison :
· C’est d’une part l’endroit où va aller se faire l’insertion. Il paraît assez évident que cette insertion puisse être totalement aléatoire avec la technique de biolistique (5). Cela semble être aussi le cas lorsqu’on utilise les agrobactéries mais on ne peut exclure actuellement qu’il existe peut-être des règles qui n’ont pas encore été mises en évidence !
· C’est d’autre part le nombre d’insertions. L’expérience montre qu’il y a plus d’insertions de la construction génique avec la technique de biolistique qu’avec la technique de transfert utilisant les agrobactéries.
Cependant, fait extrêmement important, parmi toutes les plantes transformées, seules celles n’ayant qu’une seule insertion seront finalement retenues.
Mais alors et selon CV, on peut se demander pourquoi il utilise cette technologie dans ses recherches s’il ne maîtrise absolument rien. Comment tirer des enseignements d’un outil aussi aléatoire ? N’en déplaise à CV, si tout n’est pas entièrement maîtrisé, les techniques elles mêmes sont très précises.
Lorsque le gène d’intérêt est identifié et localisé, il peut être tronçonné de manière précise avec des enzymes dites de restriction. On est d’autre part capable d’associer au gène un promoteur ou un terminateur spécifiques, différents de ceux qui « encadrent » naturellement le gène. N’est-ce pas ce qu’on appelle une technique « chirurgicale » ? Il est même possible de modifier une séquence sur une seule base si nécessaire. On peut, et cela se fait de plus en plus, synthétiser des gènes à façon, donc utiliser une séquence parfaitement déterminée.
Concernant la transgénèse à proprement dire, même la plus ancienne technique utilisée, qui utilise comme vecteur le plasmide de la bactérie Agrobacterium tumefaciens, est très bien maîtrisée : on excise du plasmide une séquence d’ADN (appelée ADN T) qui est transférée chez la plante infectée provoquant alors une maladie appelée « galle du collet » et on la remplace par le ou les gènes qu’on souhaite transférer.
Et si le point d’insertion du gène dans l’ADN de l’hôte n’est pas connu à l’avance, il est non seulement localisable mais surtout localisé a postériori.
Un fait que CV est obligé de reconnaître dans une phrase qui, du coup, annule ses affirmations précédentes.
« C’est vrai qu’on a des possibilités techniques de le vérifier a postériori, mais…».
-Dont acte !
Mais alors où est le problème ?
« …mais elles ne permettent pas de savoir si on a activé des gènes naturels de l’organisme qu’on cherche à modifier, ni si on a surexprimé des gènes naturels de cet organisme.[ les possibilités techniques] ne permettent pas non plus de connaître toutes les conséquences métaboliques de ces modifications (..) ».
Ce dont on peut être sûr, c’est que lors d’un croisement, de nombreux événements interviennent au sein d’un génome : additions, délétions, duplications, translocations mutations, chacun de ces événements pouvant être mineur comme par exemple une mutation ponctuelle mais peut être aussi très important pouvant aller jusqu’à la duplication d’un chromosome entier (trisomie) voire même du génome lui même (polyploidisation). Et chacune de ces modifications (quelle que soit son importance) peut générer un gradient de conséquences allant de : aucune à létale pour l’organisme.
L’insertion d’une construction génique (la transgénèse) correspond à un couper/coller : coupure du génome en un endroit donné et insertion de la construction au niveau de cette coupure. Mais c’est un événement que le génome connaît bien au cours de l’histoire cellulaire.
Et justement, comme on connaît le point d’insertion de la construction génique introduite dans le génome hôte, on connaît aussi les bordures de chaque côté de cette insertion.
On peut donc vérifier aisément que la construction génique ne s’est pas insérée dans un gène actif et que même si c’est le cas, cela n’entraîne pas alors de modifications qui deviennent alors prévisibles.
Notons que si de tels phénomènes existent ,les mêmes questions se posent lors des croisements classiquement réalisés pour améliorer les végétaux (ou animaux), questions que CV ne se pose pas. Pour quelles raisons les mêmes qui s’effraient des conséquences possibles de l’introduction d’un seul gène par une technique maîtrisée acceptent sans réserve le croisement « naturel »de deux génomes complets ?
Quoi qu’il en soit, on peut rétorquer à CV qu’il existe des moyens de vérifier a postériori d’éventuelles conséquences métaboliques de ces modifications.
Non, répond CV ! avec des arguments particulièrement faibles. et cela s’explique lorsqu’on s’aperçoit que ….
…Christian Vélot n’a pas compris le principe d’équivalence en substance !
Dans la foulée de toutes les incertitudes qu’il exprime sur les modifications apportées par la transgénèse, CV reprend l’accusation classique de « réductionnisme » à l’encontre des biologistes moléculaires, bêtes noires des anti-OGM, dénonçant :
« (..) une conception périmée, obsolète et mécanistique du fonctionnement du vivant qui voit les gènes comme des entités indépendantes et qui considère que, lorsqu’on rajoute un gène dans un organisme, on ne fait rien d’autre que rajouter un gène. »
Il est d’ailleurs des plus curieux de voir CV utiliser cet argument alors que ce sont ces mêmes biologistes moléculaires qui ont contribué largement à dépasser la notion initiale de : « 1 gène= 1 protéine » . En fait c’est ce dogme que CV aimerait voir exprimer par ceux qui travaillent sur les biotechnologies végétales.
Il n’en est rien, et la possibilité que les conséquences métaboliques de l’organisme dépassent la simple production d’une protéine additionnelle est bel et bien prise en compte dans le contrôle des OGM. Gros problème : CV n’a pas compris comment.
A moins d’être habité par la pensée magique, on est obligé de considérer que ces éventuelles modifications métaboliques se mesurent en aval en examinant la composition biochimique (détaillée) du végétal transformé. De la découle l’analyse en termes d’équivalence en substance.
Or CV affirme :
« Il [le principe d’équivalence en substance(PES) ] consiste à dire qu’un OGM est équivalent en substance à l’organisme initial à partir duquel il a été fabriqué, c’est à dire de l’organisme de départ que par les gènes qu’on a mis dedans. »
Soit CV ne s’est pas documenté sur le PES, soit il n’y a rien compris ! Non , le PES ne consiste pas à dire, à postuler que les deux organismes sont identiques, il consiste à vérifier qu’ils sont équivalents en substance, c’est-à-dire qu’ils ne présentent pas de différences significatives dans leur composition biochimique. Un tel contresens est inexcusable de la part de quelqu’un prétendant avoir une autorité en matière d’OGM.
CV révèle aussi au passage qu’il ne connaît pas le principe de base de la toxicologie qui est appliqué aux OGM : l’évaluation se fait toujours au cas par cas !
« C’est aussi absurde de considérer qu’une voiture pilotée par un enfant de 10 ans ne présente pas de danger, au prétexte que la voiture a obtenu son contrôle technique et que l’enfant est équilibré, poli et travaille bien à l’école. C’est aussi stupide que ça».
En fait, c’est l’analogie de Christian Vélot qui est parfaitement stupide. Puisqu’on est dans l’automobile, risquons nous à une analogie beaucoup plus conforme à la réalité de l’approche du risque en matière d’OGM :
C’est la même démarche que celle qui consisterait à vérifier que la modification à la marge d’un organe d’une voiture (par exemple, assouplissement de ses suspensions pour un meilleur confort de ses passagers) n’a pas de conséquence néfaste sur le comportement routier du véhicule.
A Suivre…
Notes :
(1)http://imposteurs.over-blog.com/article-20688593.html
(2) http://www.infoguerre.fr/fichiers/conflit_ogm_france_2009.pdf .
(3)http://planete.blogs.nouvelobs.com/archive/2009/05/27/ogm-controverse-de-long-en-large.html
(4) OGM, tout s’explique, Éditions Goutte de Sable
(5) Cette technique consiste à projeter sur les cellules végétales des particules (d’or ou de tungstène) sur lesquelles sont fixées les séquences d’ADN que l’on veut introduire à l’aide de ce que l’on a appelé un canon à particules. Le néologisme « bioliostique » est une contraction de « biologie » et « balistique ».