Bona fama, un remède étymologique ? par Jorj X. McKie

Publié le par Anton Suwalki

Il y a quelques années, je m'étais amusé avec l'origine de l'expression « remède de bonne femme ».

 

À l'époque, une camarade férue d'aromathérapie m'avait instruit que cette expression ne voulait pas dire « remède à deux balles », mais « remède de bonne réputation ».

 

Clic, clic et 3 bouquins plus tard, il apparaissait que cette hypothèse ne reposait sur rien. Enfin sur rien, n'est pas exact. La toile internet, sites et forums commençaient à répercuter l'idée que « remède de bonne femme » venait du latin « bona fama » c'est-à-dire « bonne réputation ». Aujourd'hui, faites une recherche avec « bona fama » et « remède de bonne femme », vous trouverez quoi ?

En première intention, un nombre important de sites divers et variés qui annoncent que c'est une erreur de traduction du latin ou de l'italien, et qu'il faut comprendre que ce sont en fait des remèdes de bonne réputation qui ont des « vertus » qu'une médecine scientiste et misogyne méprise.

 

Désolé, chers clients adeptes des médecines non conventionnelles ; c'est du flan. Je sais l'hypothèse de la mauvaise traduction et du glissement sémantique de fama (renommée) à femme est séduisant, mais ne tiens pas la route.

 

L'expression « remède de bonne femme » s'accorde bien avec celle d'une thérapeutique populaire et empirique ou comme l'écrit au XIXe,  Pierre Larousse dans son dictionnaire à : « des remèdes populaires ordonnés et administrés par des personnes étrangères à l'art de guérir », ou Littré à la même époque : Familièrement, remède simple et populaire, et qui ne produit aucun effet.

 

Les premières apparitions de l'expression « remède de bonne femme » sont avérées au moins depuis le XVIIe ; par exemple dans le traité « La Médecine et la Chirurgie des Pauvres » de Nicolas Alexandre en 1714, et déjà utilisé dans une forme dépréciative : « ...de passer eux-mêmes pour des médecins à remèdes de bonnes-femmes ; car c'est ainsi qu’on les appelle pour les rendre méprisables. »

 

De plus l'expression « bonne fame », dans le sens, bonne renommée, n'était plus utilisée à cette époque, sauf dans un sens très particulier : « Fame: Renommée, réputation ».

Il n'est en usage que cette phrase combine fame et renommée. « Restabli en sa bonne fame & renommée » nous rappelle le dictionnaire de l'Académie de 1694.

Je vous entends déjà. Les vieux séniles de l'académie ne sont pas infaillibles. Sûrement, mais le fait est que l'on ne retrouve aucune source dans les textes de l'emploi de « remède de bonne fame"  ou même de « remède de bonne femme » dans le sens de remède de bonne réputation, ce qui pose un sérieux problème à cette hypothèse, non ? Si vous avez des sources...

Et je vous ferais grâce des autres problèmes de glissements sémantiques pour arriver à  « femme » avec un « e » et deux « m ».

 

Par contre, cette expression suit bien l'évolution et la dépréciation du terme « bonne femme » que l'on retrouvera aussi dans « conte de bonne femme ». Qui je vous l'accorde bien volontiers, marque une certaine misogynie de l'époque.

 

Une autre opposition à l'hypothèse de bonne réputation vient avec les expressions utilisées dans les langues de nos voisins :

en anglais, old wives' remedy ; en espagnol, remedio casero ; en italien, rimedio empirico ; en allemand, Hausmittel.

Qui vont toutes dans la même acceptation de remède empirique et populaire.

 

En quelques années cette pseudo étymologie a envahi le net, les forums et la presse.

Il y a au moins trois raisons pour qu'elle continue à se répandre.

 

Tout d'abord avec les utilisatrices qui y trouvent une justification de leurs thérapeutiques et une possibilité de détourner les sarcasmes.

 

Ensuite par les magazines féminins qui ne ratent pas une occasion de flatter l'ego de leurs lectrices. « Parce que vous le valez bien ». Sans compter que beaucoup de leurs rédactrices font aussi partie des utilisatrices précitées. Et puis rajouter une petite dose de féminisme, ça ne fait pas de mal.

 

Enfin, et surtout par les promoteurs et vendeurs de nouvelles anciennes médecines et produits adéquats, qui utilisent ces mêmes ressorts psychologiques, mais pour une cause beaucoup plus mercantile.

« Par ce que vous le rapportez bien ».

 

Et eux, ne devraient sûrement pas jouir d'une bonne fame.

 

Jorj X. McKie

 


 

Références:

Pierre Larousse 1866-1877 p920

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k205365n/f924

Aujourd'hui on ne retrouve l'expression que dans « mal famé »

Le Littré : http://francois.gannaz.free.fr/Littre/xmlittre.php?requete=femme

BernardCerquiglini : http://www.tv5.org/TV5Site/lf/merci_professeur.php?id=4102&id_cat=

Sur le net: http://tatoufaux.com/?Les-remedes-de-bonne-femme

 

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F
En 1976, j’écrivais (dans "la Gnose médicale") : « Une altération linguistique de l’italien "bona fama" a donné en français : bonne femme... Un remède de bonne femme, c’est donc, non seulement un remède de grand-mère, mais surtout un remède de bonne renommée, c’est-à-dire efficace et transmis par la tradition populaire. » ("Bona fama", c’était déjà du latin, avec la même signification.)<br /> <br /> En 1976, Internet n’existait pas. D’où je sortais mon information ? De la tradition orale … <br /> <br /> Bien à vous. FXC
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T
Si l'on suis votre raisonnement (idiot), le mot &quot;fameux&quot;, ne signifie donc pas &quot;qui a bonne renommée&quot;. Vous être un cuistre.
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A
<br /> <br /> Je me suis toujours demandé (car le débat est ancien : j'en est entendu parler au lycée,bien avant l'avènement d'Internet)  si bonne fame n'était pas une "invention" pour justifier<br /> l'utilisation de certains remèdes et attester ainsi de leur efficacité. Mon médecin généraliste m'a fait une réflexion dernièrement qui m'a fait sourire au vu de cette question que je me posais<br /> ou plutôt m'étais posée car j'avoue que ça ne me turlupine pas non plus. Je vous en rapporte l'anecdote : il prescrivait à mon fils de la vitamine D et a ajouté qu'il pourrait tout aussi bien<br /> nous conseiller l'huile de foie de morue, riche en vitamine D. Il ajoute sur un jeu de mots : "comme quoi les remèdes de bonnes femmes sont parfois des remèdes de bonne fame" (en précisant<br /> l'orthographe pour que je comprenne !)... À bon entendeur...<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> Pour anecdote, dans la BD Le marquis d'anaon tome 4 la bête de Vehlmann et Bonhomme (2006) le personnage principal dit "le terme de 'bonne femme' est une déformation du latin 'bona fama' qui<br /> signifie de bonnes réputations". Et si tout était parti de l'imagination d' un auteur? Hé hé<br /> <br /> <br />
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E
<br /> <br /> Si je résume, les remèdes de bonne femme, ne sont pas des remèdes de bonne renommée, parce que l’auteur de cet article n’a pas trouvé<br /> de lien entre ces 2 expressions sur Internet il y a quelques années, ni dans les 3 bouquins qu’il avait à sa disposition. Et le gros de la démonstration est un fatras d’arguments peu clairs qui<br /> entretiennent la confusion entre les mots femme et fame.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bien que je ne défende aucune des 2 origines possibles de l’expression, ne serait il pas plus probant de ne pas réduire le débat à une<br /> simple théorie sémantique, mais aussi de le confronter à la réelle efficacité ou inefficacité des remèdes historiquement qualifiés de "bonne femme" ? Ainsi le clou de girofle pour lutter<br /> contre les douleurs dentaires, ne serait donc que du flan ? Les chirurgiens dentistes parfument donc leurs cabinets avec des effluves de bonnes femmes ?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Bref, cette démonstration me semble bien peu convaincante, et ressemble beaucoup plus à une démarche aussi folklorique que ce qu’elle<br /> entend dénoncer dans les dernières lignes, qu’à une réflexion sérieuse et scientifique.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Je vois au moins un aspect positif à cette histoire : il y a encore des gens qui connaissent le latin. Hélas, certains sont des cuistres...<br /> <br /> <br /> <br />
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Z
<br /> <br /> Remédes de "Bonne Femmes" ou remédes de sorciéres ou de guérisseuses , donc dangereux et vulgaires puisque les pauvres ne pouvaient pas se payer le médecin . En opposition aux remédes<br /> efficaces préscris aux riches par l'académie et autres Diafoirus trés compétents en matiére de médecine car avec eux aussi le patient mourrait , mais eux ils savaient pourquoi .....<br /> <br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Il y a quand même quelque chose de vrai dans cette fausse étymologie: ce ne sont pas toujours les femmes qui inventent ces remèdes. J'en doute fortement, même. Mais elles les adorent, et<br /> font....leur renommée!<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> zut!moi qui comptais éssayer une bonne infusion de cigüe;vous me coupez dans mon élan!<br /> <br /> <br /> <br />
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