Aubergine BT: le CRIIGEN exporte ses pseudo-expertises en Inde
Après 5 ans de recherches, l’Inde est prête à mettre en cultures commerciales plusieurs variétés d’aubergines transgéniques BT (1). Celles-ci incorporent le gène Cry1Ac exprimant une
protéine toxique pour certains lépidoptères et leurs larves. Ce gène est déjà utilisé dans plusieurs plantes transgéniques (maïs, colza, coton). L’aubergine BT a été développée par des équipes
universitaires indiennes et la société semencière Mahyco (2) .
L’aubergine BT serait ainsi le 4ème légume fruit transgénique après la tomate, la papaye et la courge. L’aubergine est particulièrement consommée dans les états du Sud-ouest de l’Inde qui en est le deuxième producteur mondial.
L’organisme public GEAC (3) dépendant du ministère de l’environnement a approuvé l’introduction de l’aubergine BT, reconnue comme sûre pour la consommation humaine et pour l’environnement. On aurait pu penser dans ces conditions que dans un pays où sont cultivés des millions d’hectares d’OGM (Coton BT), l’autorisation gouvernementale ne serait plus qu’une formalité. Tel n’est pas le cas. Le gouvernement indien a différé son autorisation, une attitude qui va à l’encontre de son comité d’évaluation scientifique et qui n’est pas sans rappeler les moeurs françaises dans ce domaine (4).
Cette décision est politique et non pas fondée sur des arguments scientifiques. C’est une réponse aux mouvements écologistes qui réclament l’interdiction pure et simple de l’aubergine transgénique. Il faut savoir que nous en sommes au deuxième round de l’évaluation de cet OGM, et que le GEAC après une première expertise, avait constitué sous la pression des écologistes un deuxième panel d’experts et ordonné de nouveaux essais en champs coordonnés par l’ Indian Institute of Vegetable Research,
Les scientifiques du GEAC ont fait savoir leur désapprobation de l’attitude du gouvernement , faisant valoir que de nouvelles consultations n’apporteraient rien.
Seuls 3 des 22 membres du panel OGM indien ont exprimé leur opposition à l’autorisation de l’aubergine BT. Or , autre similitude troublante avec la situation nationale, ceux-ci invoquent un rapport fait par… Gilles-Eric Séralini, publié en janvier 2009. Sur le site du CRIIGEN (5), il est affirmé que « le Pr Gilles Eric Séralini a évalué pour le compte de la Cour Suprême de l’Inde les études de Mahyco ».
En fait, c’est Greenpeace Inde qui a chargé d’ « évaluer » celles-ci (6). Pour parler clairement, Greenpeace a chargé Gilles Eric Séralini de produire un argumentaire anti-OGM, ne pouvant ignorer le type de conclusion qu’on peut attendre de cet individu, anti-OGM obsessionnel. Dans le même temps les activistes anti-OGM ont réussi à obtenir de la cour suprême un « observateur » anti-OGM en la personne du Dr Bhargava (7) , comprenez par « observateur » le fait qu’il n’ait pas de compétence particulière en matière de biotechnologies agricoles ou de sécurité alimentaire. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des jugements très « séraliniens » sur le travail de ces collègues (8) .
Nous ne prétendrons pas ici juger de la qualité des très nombreuses études qui figurent dans le dossier de Mahyco. GES, expert en tout, qui peut à lui tout seul « invalider » le travail collégial des experts de l’AFSSA, de la CGB, ou de l’AESA, ainsi que les normes d’évaluation en vigueur au niveau international, a bien entendu identifié les « lacunes » d’évaluation du comité d’experts indien, qu’il s’agisse des tests de toxicité ou d’alimentarité menés sur des animaux, de l’analyse microbiologique des sols, des effets de la toxine sur la faune non cible, des risques de dissémination des gènes…
L’argumentaire est bien entendu un copié/collé des arguments habituels des anti-OGM et de Séralini en particulier (9) : construction génétique artificielle (« chimeric BT gene »), principe d’équivalence en substance « réductionniste », autant de formules qui ne font que refléter des préjugés rédhibitoires. Le fait de s’être discrédité par des analyses statistiques fantaisistes à propos du maïs MON 863 (10) n’a pas le moins du monde ébranlé GES dans ses certitudes. On retrouve dans son rapport sur l’aubergine BT les mêmes différences « significatives » « visibles dans les données brutes [mais] elles n’étaient pas prises en compte pour un certain nombre de raisons, principalement parce qu’elles faisaient partie d’un éventail d’un large groupe « référence » (beaucoup plus grand que le groupe de contrôle le plus proche) » .
GES persiste donc à refuser d’examiner les OGM par rapport à la gamme des variations naturelles des plantes non GM parce qu’il est ainsi sûr de trouver à tous les coups des différences « significatives » (11) qu’il interprétera comme autant de signes de toxicité !
Il est peu probable que la cause des anti-OGM gagne dans un pays aussi engagé dans les biotechnologies agricoles que l’Inde. Mais le fait d’avoir réussi à ajourner la mise en culture de l’aubergine BT est une victoire importante pour Greenpeace qui démontre que l’Europe n’est pas le seul continent perméable aux manipulations anti-OGM. Cela offre par ailleurs aux imposteurs du CRIIGEN une réputation internationale totalement indue et une reconnaissance politique qu’ils ne peuvent obtenir sur le plan scientifique.
Comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le CRIIGEN affirme sans rire que « l’expertise du Professeur Séralini dans ce domaine [les OGM] est largement reconnue » (12)! N’hésitant pas à réécrire l’histoire : « En particulier, le maïs BT MON 810 a été jugé toxique après qu’il ait été approuvé par l’EFSA, à la suite de quoi il est désormais interdit de le cultiver en France et est revu sérieusement par les autres pays de l’UE ». Plus menteur, tu meurs !!!!
Anton Suwalki
Notes :
(1) http://greenbio.checkbiotech.org/news/bt_brinjal_safe_consumption
(2) voir le dossier déposé par Mahyco :
http://www.envfor.nic.in/divisions/csurv/geac/bt_brinjal.html
Monsanto est actionnaire à 26% de Mahyco, selon « Info »gm.
(3) Genetic Engineering Approval Committee
(4) http://www.gmo-compass.org/eng/news/471.docu.html
(5) http://www.criigen.org/content/view/238/113
(6) http://www.criigen.org/images/stories/Dossiers/Divers/btbrinjal-pressrelease_012009.pdf
(7) http://www.greenpeace.org/india/press/releases/geac-fails-the-nation
(8) http://csestore.cse.org.in/bt_brinjals.asp
(9) http://www.criigen.org/images/stories/Dossiers/Divers/btbrinjal-ges_%200109.pdf
(10) lire notamment : http://www.ogm.gouv.fr/experimentations/evaluation_scientifique/cgb/autres_avis/Avis_CGB_MON863_15juin2007.pdf
http://gmopundit.blogspot.com/2007/03/lies-damn-lies-and-statistics.html
http://imposteurs.over-blog.com/article-29829309.html
http://imposteurs.over-blog.com/article-30006464.html
http://imposteurs.over-blog.com/article-34766192.html
(11) sur un grand nombre de paramètres testés il ya une probabilité importante de trouver quelques différences statistisquement singificatives.
(12) Typique du culot du CRIIGEN et de son gourou Séralini, ceux-ci n’hésitent pas pour faire valoir son statut d’expert reconnu le fait qu’il ait été membre de deux commissions d’évaluation des OGM , entendez la CGB et le Comité de Biovigilance : des organismes d’expertise publique que (comme tous les autres) GES dénonce régulièrement dans les médias et dans ses conférences !