Après l’interview de Jeanne Grosclaude sur TV Agri, la preuve par les exemples, par Wackes Seppi
Ce billet pourrait se réduire à une simple question : quelle preuve de plus faut-il, après la demande d'exclusion de celle qui a osé dire la vérité, du sectarisme affligeant de six organisations censées représenter la société civile ?
La demande d'exclusion de Jeanne Grosclaude démontre ad nauseam le mépris des Amis de la Terre, de la Confédération Paysanne, de la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique (FNAB), de France Nature Environnement (FNE), de Greenpeace et de l'Union Nationale de l'Apiculture Française (UNAF) pour un principe fondamental de nos sociétés. Mais voici, tirées des recommandations du Comité économique, éthique et social (CEES) du Haut Conseil des Biotechnologies (HCB) de 2011 [1], des preuves de leur mépris pour la démarche rationnelle et, in fine, le CEES et le processus de consultation de la société civile qu'il est censé promouvoir.
Dans la recommandation relative au maïs Mir 604 de Syngenta (14 mars 2011) – qui était une contribution à l'évaluation du dossier par l'EFSA – la FNE s'est exprimée comme suit :
« Enfin, de manière générale, FNE estime que la Commission Européenne[2], restreignant le domaine de la pertinence des évaluations aux seuls critères "scientifiques", les dossiers doivent être réellement de nature scientifique et au moins compatibles avec les règles élémentaires du raisonnement scientifique [...] »
Fort bien ! Et comment applique-t-elle les règles élémentaires du raisonnement scientifique ?
« L'introduction en France de Diabrotica virgifera virgifera pose un problème aux producteurs de maïs. Une solution durable serait l'incitation à des rotations longues. [...] La présence de chrysomèles, problème grave pour l'agriculture, pourrait être un élément stimulateur pour que la France s'engage dans cet effort. Le maïs Mir604 constitue, dans cette optique, un élément négatif très préjudiciable à cette évolution. »
En clair : favorisons l'extension d'un ravageur.
Dans la recommandation relative au soja MON 87701 de Monsanto (11 janvier 2011), le CEES avait conclu qu'il ne pouvait pas conduire une analyse, le Comité Scientifique (CS) ayant pris note d’un excès de mortalité en période de croissance chez les poulets nourris avec le soja MON 87701 et considéré que les données en cause devaient être documentées [3]. La « bande des six » a exprimé une position divergente.
Alors que le CS a opiné que « [l]'excès de mortalité [...] n’a pas été expliqué de manière satisfaisante par le pétitionnaire », les six trouvent « ce phénomène inquiétant » et pensent « donc qu’il est du devoir du CEES de recommander au gouvernement français de s’opposer à cette demande d’autorisation de soja génétiquement modifié potentiellement dangereux pour la santé et l’environnement, pour des raisons à la fois éthiques, économiques et sociales. »
En clair : profitons d'un manque d'explication pour nous opposer (en arguant en outre d'un danger potentiel et de vagues raisons qui reprennent simplement l'intitulé du Comité).
La recommandation relative au renouvellement de l'autorisation du soja 40.3.2 de Monsanto (11 janvier 2011) a fait l'objet d'une longue analyse ; y compris sur des aspects tels que les incidences socio-économiques et éthiques de la production de soja 40-3-2 dans les pays exportateurs [4], ce qui ressemble fort à une ingérence dans les affaires internes de ces pays. À l'évidence, le CEES a été de bonne composition à l'égard de la bande des six, voire complaisant [5]. Les positions de la bande des six ont été amplement reflétées dans le document principal. Ainsi, dans le résumé :
« Pour certains membres, renouveler l’autorisation d’importation :
. reviendrait à encourager les pays américains à continuer de produire ce soja et donc à conforter la dépendance européenne et française en soja transgénique ;
. obèrerait la perspective de voir ces pays accroître les cultures de soja sans OGM et conventionnel et alimenter les filières "sans OGM" en cours d’établissement en Europe ;
. conforterait la nécessité, pour les filières AOC, bio et conventionnelles, de continuer à se protéger – jusqu’ici à leurs frais – de toute présence d’ADN de soja transgénique dans leurs productions ;
. constituerait un signal peu cohérent au regard de la nécessité d’amoindrir la dépendance européenne au soja. Ils ajoutent qu’un plan de relance des légumineuses en France ne permettant de réduire que partiellement cette dépendance, la transition vers un autre modèle d’élevage, qui ne soit plus fondé sur l’utilisation massive de soja, s’avère nécessaire. Cette transition pourrait s’accompagner d’une évolution des habitudes alimentaires, vers une moindre consommation de viande. »
En clair : sabotons la filière animale française pour envoyer des signaux aux pays producteurs de soja ; pour favoriser la filière « sans OGM » [6] ; pour contraindre les Français à adopter le mode de consommation et d'alimentation préconisé par la bande des six.
Mais cela ne les a pas empêchés d'exprimer une position divergente. « Divergente » par rapport à une position fidèlement reflétée dans la conclusion, selon laquelle « « [...] le CEES rappelle que, pour les raisons mentionnées plus haut, il est divisé quant à l’opportunité de renouveler l’autorisation d’importation du soja 40-3-2 », cette phrase étant suivie des deux positions.
La bande des six admet expressément le sabotage dans sa position prétendument divergente :
« Refuser de renouveler l’autorisation de mise sur le marché de ce soja pourrait, en effet, "mettre à mal la compétitivité de certaines formules d’élevage (intensifs principalement) et, en conséquence, conduire à un renchérissement du prix de la viande pour les consommateurs" [...] »
Mais :
« [...] cela doit être vu comme une opportunité pour les décideurs politiques de réformer le système actuel, à nos yeux terriblement nocif d’un point de vue sanitaire et environnemental, et de mener une politique volontariste ambitieuse afin de réduire la dépendance en protéine végétales de l’UE, tout en incitant les consommateurs à modifier leur consommation de produits carnés. C’est pourquoi, les organisations Greenpeace, la Confédération Paysanne, les Amis de la Terre, FNE, la FNAB et l’UNAF sont opposées à la demande de renouvellement d’autorisation de mise sur le marché du 40-3-2 [7]. »
En clair : tapons encore un peu plus le consommateur pauvre.
Dans la pensée de Jeanne Grosclause, c'est :
« [...] méconnaître les disparités entre populations aux niveaux de vie et aux couvertures nutritionnelles éloignés : en France même, déjà, une large part de la population (13 %) vit en dessous du seuil de pauvreté et connaît la précarité alimentaire, sans compter ceux qui en sont réduits à prélever leur nourriture dans les poubelles et ne regardent pas l’étiquetage OGM ! »
Mais qu'importe pour la bande des six ! L'idéologie doit prévaloir :
« Constatant que les mesures de substitution envisageables ne feront pas disparaître les besoins français et européens en soja importé, certains membres du CEES proposent que la dépendance soit réduite par une réorganisation profonde de l’élevage, en particulier par une diminution de la part de l’élevage hors-sol, consommateur important de soja transgénique importé et par ailleurs générateur d’externalités négatives (pollutions, nuisances, etc.). Ils conviennent que s’acheminer dans cette voie ne peut être qu’un processus long et progressif. Ils sont par ailleurs conscients qu’une telle réorientation entraînerait une baisse de la production de viande, une hausse de son coût et donc une moindre consommation de viande par la population. Ils estiment néanmoins que dans nombre de pays développés, l’alimentation humaine tend à être aujourd’hui trop riche en viande, un véritable changement s’imposant donc. »
Plus que jamais, ces gens méritent le qualificatif de Khmers verts.
Wackes Seppi
[1] http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/spip.php?rubrique1
Les recommandations seront prises dans l'ordre chronologique inverse. Les recommandations précédentes contiennent aussi leur lot d'insanités.
[2] La Commission n'y est, dans cette affaire, qu'une force de proposition et, en partie, de gestion administrative du processus de décision.
[3] « Le pétitionnaire mentionne qu’aucun excès du taux moyen de mortalité n’a été observé selon les lots, ni au cours de la première semaine correspondant à la période de démarrage (2,6 % ; valeurs extrêmes : 0,8 - 5 %), ni au cours des cinq semaines suivantes correspondant à la période de croissance (1,3 % ; valeurs extrêmes 0 - 5 %). Il explique également l’excès initial de mortalité par la survenue d’infections bactériennes et de cas de déshydratation fréquents dans ce type d’élevage. Cependant, il convient de noter que les lots nourris avec le soja MON 87701 présentent une mortalité de 5 % au cours des deux périodes alors que celle des autres lots était de 0,83 – 4,17 % en période initiale et de 0 - 2 % en période de croissance de sorte que l’explication apportée par le pétitionnaire n’est pas satisfaisante. »
[4] Et, par extension, tous les sojas transgéniques et même non transgéniques.
[5] La recommandation cite – sans analyse critique – la littérature anti-OGM, telle que Benbrook, C. M. (2005), “Rust, Resistance, Run Down Soils, and Rising Costs – Problems Facing Soybean Producers in Argentina”, Ag BioTech InfoNet. Technical Paper Number 8: p.1-51.
Texte à : http://www.greenpeace.se/files/2900-2999/file_2981.pdf
Le CEES le cite à l'appui de : « En Argentine, la production de viande, de produits laitiers et d’œufs a ainsi chuté de manière significative ces dernières années ». Ce faisant, il a gobé un extraordinaire amalgame entre la culture du soja et la crise économique qui a secoué l'Argentine en 2001.
[6] Chère à une certaine multinationale de la distribution... et chère pour le consommateur. Le document relève – sans nul doute sur l'intervention de l'un ou l'autre de la bande des six – que « la filière de soja biologique destiné à l’alimentation humaine s’est dotée d’un cahier des charges Sojadoc destiné à garantir un taux de présence d’OGM dans la production inférieur à 0.1 %. Le coût de ce cahier des charges a été chiffré pour l’année 2005 à 50 euros par tonne de soja, répartis sur la filière des membres adhérant à Sojadoc. » La prétention implicite de faire payer ce surcoût par les filières qui n'ont pas établi le cahier des charges est tout simplement extravagante.
[7] Bis repetita... et, par extension, tous les sojas transgéniques.
Notes :