Subsidiarité sur les OGM : toujours plus de manipulation
Lors de la séance de mercredi 15 juillet de questions au gouvernement, une belle unanimité s’est dégagée pour enterrer le maïs BT MON 810 (1). La député Geneviève Gaillard, du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche a interpellé Chantal Jouanno sur le fait que Monsanto ait déposé son dossier auprès de la Commission Européenne pour le renouvellement de l’autorisation du Mais BT MON 810.
S’appuyant sur l’indigent rapport du comité de préfiguration de la Haute autorité sur les OGM (2) qui prétendait que « des protocoles utilisés pour le MON 810 ont une puissance insuffisante pour détecter des différences, même importantes entre deux groupes de rats dont un seul a consommé le produit » (3), madame Gaillard demande : « C'est dans ce contexte préoccupant que la délégation autrichienne a présenté le 25 juin, lors de la réunion du Conseil des ministres de l'environnement européens, une note d'information sur les OGM. Celle-ci invite la Commission à travailler à une adaptation de la réglementation, afin qu’un État membre puisse suspendre ou interdire la culture d'OGM sur tout ou partie de son territoire, non seulement pour des raisons environnementales, mais aussi à partir de critères socio-économiques qu'il faudrait définir. À ce jour, l'Autriche est soutenue dans son initiative par dix États membres.La France entend-elle dénoncer l'insuffisance des tests pratiqués par Monsanto à l'appui de sa demande d'autorisation du MON 810 ? Par ailleurs, soutiendra-t-elle l'initiative autrichienne ? » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je vous invite à découvrir la réponse de Chantal Jouanno dans son intégralité : « Madame la députée, les fondements de la clause de sauvegarde qu’a voulue le Président de la République pour ce fameux maïs OGM MON 810 étaient, d’une part, l’existence d’incertitudes environnementales, notamment sur les résistances, et, d’autre part, l’absence de bénéfices socio-économiques avérés. En d’autres termes, nous ne sommes pas opposés aux biotechnologies, mais il faut que leur utilité soit prouvée.
Telle est la position que la France a défendue au sein de l’Union européenne, en particulier lors du Conseil européen de décembre, qui l’a approuvée à l’unanimité. Nous tenons en effet à ce que de nouvelles règles rendent l’expertise pluraliste, contradictoire et susceptible de mesurer les bénéfices socio-économiques attendus, ce qu’elle n’est pas actuellement au niveau européen. La position française a été, je le répète, soutenue par tous les États membres.
Aujourd’hui, nous attendons encore que la Commission traduise concrètement ce choix défendu par la France. L’expertise de l’AESA, l’Autorité européenne de sécurité des aliments, qui a émis, le 30 juin, un avis positif pour la reconduction du MON 810, se fonde sur l’ancienne procédure. À ce titre, elle ne change rien à notre position, qui consiste à refuser le maïs MON 810 tant que de nouvelles règles, de nouvelles procédures ou de nouvelles formes d’expertise n’auront pas été décidées au sein de l’Union européenne, comme elles l’ont été en France.
Quant à la proposition de l’Autriche, qui met en avant la subsidiarité, nous la soutenons s’il s’agit de faciliter l’interdiction de ce type de culture en France, mais non s’il s’agit de faciliter cette culture. Nous maintiendrons notre position, telle que nous l’avons définie lors du dernier Conseil de l’environnement, jusqu’à ce que l’Union européenne et la Commission proposent de nouvelles modalités d’expertise. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) »
Voilà qui confirme bien que le suivisme anti-OGM de la gauche est perdu d’avance, car en matière de suivisme et de démagogie, le gouvernement a une bonne longueur d’avance. L’interdiction du MON 810 en janvier 2008 sur la base d’un rapport vide de contenu scientifique, l’indifférence du gouvernement face aux dernières actions des faucheurs sur les essais pourtant autorisés par la loi, ce qui a permis une nouvelle fois à Bové de fanfaronner , les dernières initiatives comme celle de l’ambassade de France aux Pays-Bas d’organiser une projection du Monde selon Monsanto, et ces dernières déclarations, tout corrobore l’idée que les OGM ne sont pas près de réapparaître sur le territoire et que le gouvernement tente d’entraîner l’Europe derrière lui, et continuera à fouler aux pieds le travail patient de ces propres experts. Le gouvernement se ménage la possibilité d’utiliser n’importe quel prétexte bidon pour maintenir ad vitam eternam l’interdiction de cultures transgéniques sur le territoire.
Que veut dire dans le contexte actuel «de nouvelles règles [qui] rendent l’expertise pluraliste, contradictoire ? », sinon la tentative de donner du crédit et du poids à des organismes pseudo-scientifiques comme le CRIIGEN ? Science « citoyenne » au pouvoir, science tout court au placard… Que veut dire « bénéfices socio-économiques attendus » ? Si des millions d’agriculteurs du Nord et du Sud cultivent des OGM , qu’est-ce que cela met en évidence, sinon des bénéfices socio-économiques au moins pour les agriculteurs ? Le gouvernement choisit de priver les agriculteurs d’ici de décider eux-mêmes si cette technologie correspond à une avancée socio-économique pour flatter les écologistes et une opinion publique maintenue dans l’ignorance.
Tout à fait révélateur, la façon dont le gouvernement français conçoit la subsidiarité . Comme pour tout ce qui concerne les OGM, on joue à Pile je gagne, Face tu perds : Si l’Europe autorise un OGM , on peut jouer du principe de subsidiarité pour justifier sa propre interdiction. Si l’Europe l’interdit, le principe de subsidiarité ne s’applique plus ! Il suffisait d’y penser.
Les députés de l’UMP réputés majoritairement pro-OGM ont applaudi. Comme quoi, les convictions sont fragiles , quand on fait de la politique.
Même Maxime Gremetz, qu’on croyait « légèrement » anti-droite s’est paraît-il écrié « Bravo » (1). Ca n’est vraiment pas le sectaire qu’on croyait.
De son côté, Bové peut-être bientôt vice-président de la commission européenne , aurait tort de se sentir géné. Il va au contraire se sentir conforté dans ce sentiment de toute puissance, et c’est bien compréhensible. Quand on pense que son tracteur , dont le compteur affiche 5 km (le trajet de sa dernière manif parisienne), va définitivemenent rouiller dans un coin… Quel gâchis ! Ne pourrait-on lui confisquer et faire un ou des heureux parmi les agriculteurs du Sud ?
Anton Suwalki
(1)http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2008-2009-extra/20091017.asp#P300_55092
(2) rapport tellement baclé qu’il n’était même pas à même de fournir une bibliographie sommaire correcte à l’appui des « doutes émis ». Des fautes grossières qu’on jugerait inacceptables dans un mémoire d’étudiant en DEUG. Relire les critiques scientiques exprimées lors du forum organisé par l’AFIS sur :
http://agribiotech.free.fr/
(3) En réalité, dans l’étude incriminée*,il y avait 10 groupes de 20 rats de chaque sexe, deux nourris au MON810 (11% et 33%), deux nourris avec le maïs isogénique, les autre nourris avec d’autres maïs. Ceux qui prétendent juger de la puissance des tests ne savent même pas cela, c’est dire leur crédibilité…
*Results of a 90-day safety assurance study with rats fed grain from corn borer-protected corn. Hammond et al(2006)
(4) http://www.agrapresse.fr/parlement-europeen-jose-bove-pourrait-etre-vice-president-de-la-commission-de-l-agriculture-art243528-17.html