A propos des rendements des plantes génétiquement modifiées
En avril 2009 l’Union of Concerned Scientists (USA)
a publié un rapport sur les rendements des cultures d’OGM (1): Failure to yield- Evaluating the Performance of Genetically Engineered Crops.
L’ enjeu de cette publication serait de démontrer que les performances des OGM « réellement existants » sont nettement en-dessous des attentes, comme le suggère le titre. Tout cela, au terme d’un passage en revue très laborieux, pour ne pas dire indigeste d’ études s’étant penchées sur le problème.
Si la présentation que fait d’elle cette organisation : « science indépendante » « Citoyens et scientifiques pour des solutions environnementales » …fleure bon la langue de bois à la mode, cela n’exempte pas d’examiner le contenu de la publication.
Mais il se trouve que les soupçons de partialité sont assez vite confirmés :
1°/ Tout d’abord parce que le contenu du rapport est loin de correspondre au message du titre très journalistique, qui évoque carrément une défaillance dans les rendements.
2°/ Ensuite parce que l’objet de l’étude est lui-même douteux : les deux principaux traits des OGM actuellement cultivés -tolérants à un herbicide, résistants à des insectes- ne confèrent pas aux plantes un rendement intrinsèquement supérieur, et ils n’ont pas été conçus pour cela. L’auteur , Doug Gurian-Sherman, a donc beau jeu de relever que dans des conditions normales , les rendements des OGM ne sont pas supérieurs.
Dans des conditions idéales, où les cultures seraient préservées des adventices et des ravageurs, les gènes insérés dans les OGM ici considérés ne joueraient aucun rôle particulier.
L’absence d’avantage significatif en terme de rendements dans des conditions de pression faible ou modérée des insectes ravageurs est donc sans surprise pour les plantes BT . Les rendements n’ont pas « explosé » avec la mise en culture des OGM, et l’amélioration de ceux-ci relèvent pour l’essentiel de l’amélioration classique des plantes, dont ont également bénéficié sur la même période les plantes non transgéniques.
La mauvaise foi consiste à faire comme s’il s’agissait d’une révélation et donc matière à polémique, et de pratiquement occulter les principales raisons pour lesquelles ces plantes sont cultivées (moindres utilisations d’intrants).
3°/L’auteur est toutefois obligé de reconnaître un avantage pour les plantes BT en cas d’attaque virulente des ravageurs, où la résistance des plantes transgéniques s’avère une protection plus efficace que les remèdes classiques , réduisant ainsi les pertes.
Un avantage très mineur selon lui : au total depuis leur mise sur le marché, les rendements du maïs auraient augmenté de 28% , dont 4 seulement seraient attribuables au caractère transgénique lui-même. Sa méthode de calcul n’est pas justifiée, mais occulte par contre un élément essentiel visible à l’œil nu sur l’un des seuls graphiques publiés dans cet article (voir ci-dessous). Les écarts par rapport à l’évolution tendancielle des rendements se sont nettement réduits après l’introduction des OGM.
4°/ Il convient également de souligner que dessiner une droite de tendance pour toute la période couverte par les statistiques (2) constitue un trompe-l’œil , que ça soit volontaire ou pas. Il suffit pour s’en rendre compte de construire une droite de tendance avant l’introduction des OGM et une après , pour constater qu’il y a bien une rupture dans l’évolution des rendements, rupture masquée dans le graphique publié par l’UCS :
La différence de pente entre les deux droites (même si la méthode de calcul est loin d’être parfaite) conduit à penser que les avantages concédés ci-dessus (cf 3°) )sont nettement sous-estimés par Doug Gurian-Sherman.
5°/ Cette contribution qui prétend tirer des conclusions générales sur le rendement des OGM , présente d’emblée de deux limitations importantes :
-elle ne discute que des rendements du mais et du soja , laissant de côté deux des 4 principales cultures d’OGM: le coton et le colza. Est-ce justement parce que les comparaisons entre OGM et non OGM sont pour ces cultures nettement plus favorables aux premières ?
- elle ne s’appuie que sur les données américaines, hors des comparaisons dans d’autres régions du globe qui auraient mis en évidence des avantages beaucoup plus nets selon Actu-OGM :
« [aux USA] utiliser des OGM peut être considéré comme une « assurance » de rendement. A l’inverse, dans les pays du Sud, et plus généralement en conditions réelles, le potentiel est plus grand. Dans le cas des OGM, réduire les traitements et simplifier les pratiques culturales génèrent alors des bénéfices économiques, environnementaux, mais aussi sanitaires et sociaux.
Des exemples : Au Mexique : rendement du soja tolérant aux herbicides : plus 9%
Aux Philippines : rendement du maïs résistant à des insectes : plus 15%
Aux Philippines : rendement du maïs tolérant à des herbicides : plus 24%
En Roumanie : gains de rendement de plus 30% grâce à l’utilisation de soja tolérant à des herbicides
Les avantages du maïs Bt s’expriment naturellement plus dans les zones touchées par les insectes foreurs (pyrale et sésamie), c'est-à-dire historiquement plutôt en Europe du Sud. En Espagne, pays producteur de maïs Bt, les gains des agriculteurs sont effectifs dès lors qu’un seul traitement insecticide est économisé
En France : le différentiel de rendement entre OGM et non OGM est de 11 quintaux à l’hectare, et la technologie est amortie dès lors que les rendements sont supérieurs à 3,5 quintaux/ha » (3)
6°/ L’UCS fait par ailleurs un recensement intéressant des essais de plantes transgéniques réalisés depuis 1987 en les classant selon l’objectif recherché. Elle note, et c’est incontestable, la faible part des essais spécifiquement dédiés à la recherche de rendements accrus (652 sur 11 275), et le fait qu’à ce jour aucun n’a été commercialisé. Près des 3/4 des essais menés à ce jour concernent la tolérance aux herbicides et la résistance aux insectes, donc les biotechnologies déjà éprouvées.
Pour être justes, ces remarques n’en soulignent pas moins que la problématique choisie par l’UCS est biaisée , comme nous le remarquions dans le 2°/.
De plus, les recherches consacrés aux rendements se sont considérablement accélérées au cours des dernières années. C’est aussi le cas des essais d’OGM sur la tolérance au stress abiotique ( sécheresse, gel, salinité etc..) qui, s’ils aboutissent contribueront à l’évidence à améliorer les rendements dans certaines régions du globe.
Les recherches concernant un maïs tolérant à la sécheresse sont près d’aboutir, comme nous l’avons déjà noté (4) . Et comme ne l’a pas noté l’UCS. Un oubli ?
Le plus surprenant, comme le souligne actu-OGM, c’est que « le rapport UCS débute en rappelant l’objectif de nourrir la population grandissante en respectant l’environnement, et conclut en appelant à développer davantage les techniques conventionnelles ou biologiques. Pourtant les rendements du soja et du maïs issus de cultures biologiques sont inférieurs, aux USA , de 20 à 30% » !
Curieux en effet, pour une étude qui critique les OGM pour l’insuffisance de leur rendement. De là à y voir une démarche essentiellement guidée par l’idéologie, il n’y a pas des kilomètres…
Anton Suwalki
Notes :
(2) statistiques officielles américaines de 1978 à 2007
lire également les textes (en anglais) proposés en lien par le liste:
. "Union of Concerned Scientists report on GM crop performance is misleading" by Graham Brookes and Peter Barfoot
(4) http://monsanto.mediaroom.com/index.php?s=43&item=676
http://abonnes.lemonde.fr/web/recherche_breve/1,13-0,37-1065445,0.html