Les mécanismes des croyances au paranormal
Après un dossier spécial particulièrement réussi sur l’alimentation dans son numéro précédent, Science et pseudo-sciences consacre son dossier spécial dans le numéro de Janvier aux mécanismes des croyances au paranormal. Le démontage des pseudo-sciences et des affirmations paranormales fait logiquement partie des thèmes souvent abordés par SPS, dédié à la diffusion de la science et du rationalisme. Mais au-delà, porter un regard scientifique sur le fonctionnement de la fabrique de croyances qu’est notre cerveau humain est tout à fait nécessaire pour ceux qui tentent de combattre celles-ci ou au moins d’en limiter des dégats. Elle permet de mieux mesurer les limites (au moins à moment donné) de l’action rationaliste et peut-être d’en affiner les outils.
Les croyances paranormales sont donc éclairées sous plusieurs angles complémentaires, car ce produit de l’activité de l’esprit est comme tous les autres, le produit complexe de la biologie, de l’environnement et de la biographie individuelle.
9 contributeurs différents font entre autres appel à la psychologie du développement (cf Marjaana Lindeman et Kia Aarnio ), à la coexistence de la pensée émotionnelle et et de la pensée analytique, ou au rôle des facteurs émotionnels dans la fixation des croyances et dans la difficulté d’y renoncer même en situation de « dissonances cognitives » (cf Jacques Van Rillaer), lorsque des faits observés viennent contredire nos représentations mentales .
Les facteurs sociologiques (cf Jacques Van Rillaer) sont également très influents sur la nature et la force des croyances . Nous héritons une bonne partie de nos croyances . D’autre part, la nature des croyances paranormales varie selon les milieux sociaux et le niveau culturel des individus, et selon le niveau d’intégration religieuse (cf Jean-Bruno Renard), tous ces éléments pouvant bien sûr se recouper.
Et le cerveau dans tout ça ? Serge Larrivée nous rappelle que notre cerveau est programmé pour trouver du sens… même là où il n’y en a pas (1). Notre propension à faire des inférences tous azimuts fabrique des croyances paranormales. Les mécanismes de la mémoire, et nos illusions statistiques ( « probabilités subjectives », selon les termes de Nicolas Gauvrit) les renforce. Peter Brugger nous invite à l’exploration du cerveau ésotérique : il a été mesuré que le temps de réaction de celui des « croyants » était plus rapide et que leur propension au « priming indirect » , c’est-à-dire à faire des associations de mots très éloignés sémantiquement était significativement supérieure à celle des non- croyants.
Il est dommage que la réflexion sur le rôle que les prédispositions à la superstition pourrait avoir joué comme avantage sélectif dans l’évolution soit réduite à un simple encadré de qelques lignes. Néanmoins, des références sont fournies.
Voici quelques pistes examinées dans ce dossier passionnant que je vous invite à découvrir. Reste la question fondamentale ? Pourquoi se donner tant de mal à démonter toutes ces croyances ? Ma réponse personnelle est que si ce combat est loin d’être gagné d’avance (2) , mieux vaut ramer à contre-courant que dans le sens du courant, mieux vaut que ceux qui sont perméables entendent au moins d’autres voix que celles qui les renforcent dans la conviction de forces occultes et de phénomènes paranormaux, que l’irrationnel ne se sente pas en terrain conquis partout, y compris à l’école , etc… Et puis, comme le souligne Henri Broch, il s’agit de défendre une certaine conception de la liberté humaine.
Anton Suwalki
Le sommaire de SPS n° 284
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1052
(1) une formulation à ne pas interpréter comme négation du causalisme !
(2) Ainsi, plus d’un américain sur deux affirme croire au pouvoir de la guérison par la pensée, par l’esprit. 42% croient que les êtres humains peuvent être possédés par le diable. 13% seulement affiche une conception clairement évolutionniste de l’origine de l’homme ( !) , 38% une conception de type intelligent design ou inspirée de l’intelligent design, et 40% des opinions relèvent d’une interprétation littérale de la Bible. 54% des frnaçais croient à la guérison par imposition des mains, 40% à la télépathie, 35% aux rêves prémonitoires, 33% à l’astrologie . On voit qu’il y a du boulot !