Deux obscurantismes s’affrontent au procès des faucheurs à Bordeaux
Freud contre Bové ?
Au procès des faucheurs volontaires qui se tenait mercredi à Bordeaux (1) , le procureur de la République Jérôme Bourrier a requis 8 mois de prison ferme contre José Bové, mais aussi 4 ans de
privation des droits civiques, civils et familiaux. Une fois n’est pas coutume, nous allons presque prendre la défense de José Bové sur Imposteurs. Pour faire bonne mesure,
soulignons que concernant la peine de prison demandée, elle n’a rien d’extraordinaire car José Bové est un multirécidiviste. N’importe quel gamin s’étant prêté autant fois à des actes de
dégradation croupirait en prison depuis longtemps. La réquisition de privation des droits civiques est d’autre part concevable au regard du caractère antisocial et incivique des actes du
moustachu (2).
Mais au nom de quoi une privation des droits familiaux (dont nous ignorons l’étendue) ? La peine de prison, si elle était confirmée, ne serait-elle pas déjà une pénible privation sur 8 mois des droits familiaux de l’individu? Le comportement « politique » de José Bové préjuge-t-il de ses capacités à assumer des tâches familiales, seul critère qui devrait motiver une pareille mesure ? Peut-être M. le procureur estime-t-il que les actes publics du moustachu sont un mauvais exemple pour ses enfants ? Dans ce cas là, on pourrait se poser la même question pour Jérôme Bourrier. Car concernant Marc Giblet, l’agriculteur qui avait tiré un coup de feu en direction des faucheurs volontaires, le procureur a estimé qu’on pouvait envisager la légitime défense ! L’agriculteur a agi par exaspération, c’est évident, ça mérite d’être pris en compte. Comment ne pas être exaspéré quand des vandales viennent vous détruire 2320 tonnes de maïs ? Mais qu’un magistrat explique que se faire justice soi-même est de la légitime défense, voilà qui n’est sans doute pas un très bon exemple pour ses propres enfants ! D’ailleurs, s’il s’agissait de légitime défense, pourquoi alors requérir dix mois de prison (avec sursis) contre Marc Giblet ?
Pas cohérent pour deux sous, le procureur ! Et que penser d’un réquisitoire qui justifie ainsi la peine demandée pour José Bové : « Il est temps pour José Bové de mettre fin aux agissements compulsifs qui résultent d’un complexe d’Œdipe mal négocié ». Voilà les niaiseries psychanalytiques de retour dans les prétoires, comme si elles n’avaient pas suffisamment fait de dégâts ! Jérôme Bourrier fait ici une allusion finaude au fait que le père de José Bové était agronome et directeur régional de l’INRA. Les sophistes freudiens verront donc dans les positions anti-OGM du moustachu la manifestation d’une « opposition au père » (complexe d’Œdipe non résolu) . Bien entendu, celui-ci aurait-il opté pour une brillante carrière scientifique, et serait devenu directeur national de l’INRA, les mêmes sophistes y auraient également vu un complexe d’Œdipe mal résolu : José Bové aurait été perçu comme en compétition avec le père…pour séduire sa mère et supplanter le père dans le cœur de celle-ci ! Ajoutons que parler de comportement compulsif dans le cas des actions répétitives de fauchage n’a strictement aucun sens, et qu’aucun psychologue digne de ce nom (c’est-à-dire scientifique) ne prone à ma connaissance la prison comme remède à des troubles obsessionnels compulsifs !
Pour l’ami Yann Kindo qui s’exprimait sur le même sujet sur son « mur » de Facebook, le « gloubiboulga psychanalytique » est encore pire que les idées obscurantistes de José Bové (décroissance, naturalisme…). J’avoue qu’entre deux formes d’obscurantisme, j’ai toujours du mal à trancher. D’autant plus qu’on doit bien trouver des décroissants adeptes de la psychanalyse… Ni Freud Ni Latouche (3) !
Anton Suwalki
Notes :
(1) L'affaire relatée par le Nouvel Obs : link
(2) Je me place ici du point de vue de la pratique pénale habituelle, pas du point de vue de mes opinions sur ce que mérite ou pas le comportement de Bové.
(3) Rappel : Serge Latouche est un des idéologues actuels de la décroissance