Les propos à géométrie variable du professeur Bellé
En 2007, les résultats d’une étude dirigée par Robert Bellé basée sur l’étude du développement embryonnaire précoce de l’oursin mettaient en cause le RoundUp , dénomination commerciale du glyphosate vendu par Monsanto (1). Celui-ci est censé affecter au premier stade de la division cellulaire le point de contrôle de l’ADN qui permet de réparer d’enclencher le processus de réparation des copies endommagées de l’ADN.
Or, nous avions dans un article précédent d’Imposteurs fait la synthèse d’un rapport de l’Institut National de Santé du Québec basé sur plus de 20 études qui concluait à la très faible toxicité du RoundUp en général, et à l’absence d’effets chroniques, en particulier oncogènes du glyphosate testé sur des animaux (2).
Ces travaux remettraient-ils en cause tout ce qui a été publié auparavant ? Il semble que l’étude en elle-même ait été peu critiquée, mais toute la question est de savoir en quoi ces expériences de laboratoire ont une portée en milieu ouvert : les œufs sont des organismes particulièrement fragiles et vulnérables à un très grand nombre de molécules.
Le principal problème est ailleurs : pour les anti-OGM, les propos publics de Robert Bellé sont une aubaine. Taper sur le RoundUp, c’est taper sur les OGM, et plus particulièrement sur Monsanto. Si le RoundUp n’était pas associé au nom de Monsanto, ils se moqueraient totalement de la question de l’innocuité du RoundUp. Mais les propos de Robert Bellé, en lanceur d’alerte à mi-temps avant de partir en retraite, souffrent de beaucoup d’ambigüité et de contradiction :
Interviewé dans le télégramme de Brest en Juin 2007 (3), il affirme ainsi :
« En termes scientifiques, nous pouvons aujourd’hui affirmer que ce produit est cancérigène parce qu’il engendre un dysfonctionnement du point de surveillance de l’ADN. ( ) Dès qu’elles seront possibles, les études épidémiologiques permettront de démontrer l’incidence de ce produit sur les différents types de cancer. En particulier sur les cancers des voies respiratoires puisque le produit pulvérisé contient la formulation à des concentrations très supérieures (500 à 2.500 fois plus) à celles qui engendrent le dysfonctionnement du point de surveillance de l’ADN. Des études anglaises tendent ainsi à prouver que cet herbicide présente un danger pour la santé par voie d’inhalation.»
Diable ! Si le RoundUp produit de tels effets à des doses de 500 à 2500 fois inférieures à celle qui prévalent pour son utilisation domestique, c’est à se demander comment il peut y avoir un seul agriculteur vivant à l’heure actuelle, vu que cet herbicide est utilisé depuis 40 ans dans le Monde entier.
Dans une interview accordée à Marie Monique Robin (4) pour son Monde selon Monsanto, Robert Bellé en rajoute une gouttelette qui a valeur d’une louche : « . En fait, il suffit d’une gouttelette pour affecter le processus de la division cellulaire. Concrètement, cela veut dire que pour utiliser l’herbicide sans risque, il faut non seulement porter une combinaison et un masque, mais aussi s’assurer qu’il n’y a personne à cinq cents mètres à la ronde… »
Bref de produit réputé plutôt inoffensif, le RoundUp deviendrait le produit le plus dangereux du monde ? Pour un peu, on se baignerait plus volontiers dans une cuve de centrale nucléaire !
Mais notons l’essentiel : le professeur Bellé est totalement affirmatif . « Ce produit est cancérigène » , et les anti-OGM de surenchir en produit hautement cancérigène . Seulement voilà, dans le même Télégramme de Brest en Avril 2008 et répondant à une interview de la même Marie-Monique Robin le voici qui éprouve le besoin de rectifier :
« L'article fait état de nos résultats concernant le Roundup. Ceux-ci sont effectivement difficiles à interpréter pour des non spécialistes. Ils mettent en évidence un risque mais en aucune façon une certitude. Il faudra beaucoup d'efforts scientifiques, épidémiologiques et probablement de biologie systémique pour arriver à cerner le "degré de certitude" en la matière. Les connaissances actuelles des mécanismes biologiques de la cancérisation ne permettent pas de conclure que tel ou tel produit aboutira nécessairement à un cancer. Tant que les études n'auront pas établi de corrélation entre le Roundup et les cancers avérés, le produit doit être considéré "à risque" et non comme cancérigène "certain". Je souhaite, en tant que scientifique, que nos résultats ne soient pas interprétés au-delà de leur portée, en l'état des connaissances dans ce domaine » . (5)
Robert Bellé s’imaginait peut-être que ses résultats n’allaient pas être interprétés au-delà de leur portée avec des journalistes du style MMR !!! Mais reconnaissons qu’une fois n’est pas coutume, ça n’est pas du côté de Madame Robin que se situe la mauvaise foi, mais plutôt du sien : sans doute aura-t-il cédé aux charmes du statut si médiatique et si envié du lanceur d’alertes quitte à adopter une communication publique peu compatible avec la règle scientifique qui veut effectivement que des « résultats ne soient pas interprétés au-delà de leur portée » , avant de regretter d’avoir poussé le bouchon un peu loin.
Remarquons enfin que Robert Bellé prétend tantôt que « le composant actif qu’il contient, dénommé glyphosate, n’est pas le seul élément toxique de cet herbicide. Ce sont les produits de formulation l’accompagnant qui rendent l’ensemble particulièrement dangereux pour la santé » tantôt que « c’est donc le Roundup lui-même qui est toxique et non son principe actif » .
Dans un cas, le glyphosate est toxique, mais avec une toxicité décuplée par les adjuvants du produit.
Dans l’autre , le glyphosate n’est pas toxique.
Avouons que ça fait tout de même beaucoup d’approximations et de contradictions pour ce qui est censé être la révélation du siècle !
Voilà pourquoi il semble plus que prudent d’accueillir avec réserve les propos publics du professeur Bellé qui continueront, quelque soit le sort de ces découvertes, à alimenter la mythologie anti-OGM.
Anton Suwalki
Notes :
(2) http://imposteurs.over-blog.com/article-19153483.html
(3)http://www.pesticides-etudes.mdrgf.org/2007/06/un-herbicide-hautement-cancrigne.html
(4)http://blogs.arte.tv/LemondeselonMonsanto/frontUser.do?method=getHomePage
(5) http://www.letelegramme.com/gratuit/generales/regions/finistere/ogm-les-precisions-du-professeur-robert-belle-20080419-2927635_1298083.php