Le témoignage sur Greenpeace de Patrick Moore, un de ses anciens dirigeants
Cet article est paru dans le Wall-Street Journal du 22 avril 2008 sous le titre « Why I left Greenpeace ». Patrick Moore est cofondateur et ancien dirigeant de Greenpeace. Cette traduction étant très imparfaite, merci aux anglicistes confirmés de signaler des erreurs ou des améliorations possibles. Le terme « politique » a été conservé partout dans le texte, mais il a prend souvent le sens d’idéologique. A.S
En 1971 un mouvement pacifiste et pour l'environnement naissait au Canada et j'ai voulu y participer. Titulaire d'un doctorat en écologie, j'ai voulu concilier ma formation scientifique et le savoir-faire médiatique de mes collègues. Conformément à nos vues pacifistes, nous avons créé Greenpeace.
Mais j'ai appris plus tard que le mouvement écologiste n'est pas toujours inspiré par la science. Au début, beaucoup de causes dont nous étions à la tête, comme l'opposition aux essais nucléaires ou la protection des baleines, étaient fondées sur notre connaissance scientifique de la physique nucléaire et de la biologie marine.
Mais après six ans d’exercice en tant que dirigeant de Greenpeace International, j'ai remarqué qu'aucun de mes colègues n'avait de réelle culture scientifique . Il s’agissait d’activistes politiques ou d’entrepreneurs de l'environnement. Finalement, l’orientation vers le refus de l'objectivité scientifique en faveur des ordres du jour politiques m'a convaincu de quitter Greenpeace en 1986.
Le point de rupture fut une décision de Greenpeace de militer pour une interdiction mondiale du chlore. La science montre que le fait d'ajouter le chlore à l'eau potable était la plus grande avancée dans l'histoire de santé publique, Et la majorité de nos produits pharmaceutiques sont basés sur la chimie du chlore. Le chlore est essentiel pour notre santé.
Mes anciens collègues ont ignoré la science et ont soutenu l'interdiction. Bien que la science ne conclue à aucun risque de santé identifiable pour l'adjonction de chlore dans l'eau potable, Greenpeace et d'autres groupes de l'environnement se sont opposés à son utilisation pendant 20 ans.
L'opposition à l'utilisation de produits chimiques comme le chlore fait partie d'une hostilité plus large à l'utilisation de produits chimiques industriels. Le livre de 1962 de Rachel Carson, "Silent Spring" (1) a eu un impact significatif sur beaucoup de pionniers du mouvement vert.
Le livre a soulevé des inquiétudes sur les risques et sur l'impact négatif de la sur utilisation de produits chimique sur l'environnement.
Mais le salutaire scepticisme initial s’est radicalisé dans un façon de penser qui jette systématiquement la suspicion sur toute utilisation industrielle de produits chimiques. Malheureusement, Greenpeace a glissé vers l'extrémisme. Sa campagne anti javellisation a échoué, seulement pour être suivie par une campagne contre les polychlorure de vinyle (PVC).
Greenpeace a maintenant une nouvelle cible, les phtalates .Ceux-ci sont des composants chimiques qui rendent les plastiques flexibles. On en trouve dans tout l'équipement hospitalier, les sacs ,les tubes jusqu’aux jouets d'enfants et aux rideaux de douche. Ils sont parmi les composants chimiques les plus utilisés.
Les phtalates sont les nouveaux croquemitaines de Greenpeace. Ces produits chimiques sont des épouvantails commodes, ne serait-ce que parce que leur nom, difficile à prononcer, les rend suspect.
Certains, comme le phtalate de diisonyle (DINP), ont été utilisés pendant des décennies dans tous les produits quotidiens sans qu'aucun problème de santé humaine n'ait jamais été détecté. Le DINP est le premier plastifiant utilisé dans les jouets. Il a été testé par des agences gouvernementales et de nombreuses agences indépendantes et il a été considéré comme un produit sûr.
En dépit de cela, une campagne politique qui rejette la science fait pression sur les compagnies et le public pour interdire l'utilisation de DINP. Les détaillants comme le Wal-Mart et les Jouets "R" retirent les produits en contenant pour éviter la pression publique.
On peut être tenté de suivre cette ligne de moindre résistance, mais qui en pâtit ? Aucun des produits de substitution n'a été évalué et ne présente le degré de sécurité qu'a le DINP .
La Commission de Sécurité des Produits de consommation a récemment averti : "si le DINP doit être remplacé dans les produits d'enfants... les risques potentiels des produits de substitution doivent être pris en considération. Les plastiques pourraient se casser plus facilement, provoquant des asphyxies par ingestion. »
D'autres plastifiants ne pourraient pas être aussi éprouvés que le DINP. "L'hystérie sur DINP a commencé en Europe et Israël, qui l’ont interdit . Pourtant cette année, Israël a réalisé l'erreur qui consiste à faire passer la politique avant la science et a ré autorisé le DINP.
L'Union Européenne a interdit l'utilisation des phtalates dans les jouets avant l'achèvement d'une évaluation complète des risques du DINP. Cette évaluation a finalement conclu que l'utilisation du DINP dans les jouets pour bébés ne présente aucun risque mesurable.
Les activistes antiphtalates poursuivent leur capagne de peur conformément à leur agenda politique . Ils ont obtenu gain de cause en Californie avec l'interdiction publique de l'utilisation des phtalates dans les produits pour bébés et maintiennent leur pression pour une interdiction nationale.
Cette campagne de peur est une véritable diversion par rapport aux menaces réelles qui pèsent sur l'environnement. Nous avons tous la responsabilité d'être des « intendants » de l'environnement. Mais cette gestion exige que ce soit la science et non pas les ordres du jour politiques, oriente notre politique publique.
L’article original en anglais : http://online.wsj.com/article/SB120882720657033391.html
Note :
(1) Rachel Carson, « Le Printemps silencieux » en Français. Pensant avoir identifié que le DDT aboutissait à une diminution de l’épaisseur de la coquille des oiseaux et rendant plus difficile la reproduction, elle écrit cette fiction plus ou moins étayée par des références scientifiques, dépeignant un monde silencieux parce que sans oiseaux, tous morts à cause des pesticides. C’est le mythe fondateur du mouvement écologiste qui aboutira à une interdiction du DDT, et à une résurgence dramatique du paludisme. Une triste victoire sur laquelle les grandes organisations écologistes n’ont jamais fait d’autocritique, et que certains continuent à célébrer.