Retour sur le texte "La novlangue des anti-OGM" et les commentaires qu'il a inspirés

Publié le par Anton Suwalki

Bonne année à tous ,chers lecteurs!

Pendant qu'Imposteurs s'accordait une trêve des confiseurs, la polémique sur « La novlangue des
anti-OGM » s'est poursuivie (1) , sur un ton courtois, ce dont on peut se féliciter. A mon tour de
faire quelques remarques à la suite des réponses de Canardos (que j'approuve).

Aurélien nous a reproché de déplacer la problématique vers des polémiques à caractère social. Or un de ses premiers commentaires débutait par la phrase suivante : « L'introduction du texte ressemble à s'y méprendre à la politique actuelle de l'Axe du Bien de l'OCDE au niveau international... ». Avouez que si ça n'est pas (dé)placer la problématique sur le terrain social ou politique , ça y ressemble fort. Ce qui ne nous gène pas. Quoi d'étonnant à ce que la discussion sur les OGM dépasse la discussion scientifique ou purement technique d'experts (ceux-ci étant généralement détestés par les anti-OGM) ? Le mouvement anti-OGM serait-il le seul à avoir le droit de discuter de la signification humaine et des implications économiques, sociales et politiques des biotechnologies ? Il se trouve que les arguments scientifiques , lorsqu'ils ne sont pas  dépourvus de fondement, pèsent relativement peu dans le discours des opposants aux OGM, noyés qu'ils sont dans un cocktail de préjugés moraux ou philosophiques, et de préjugés politiques , à travers l'assimilation pure et simple d'une technique au « libéralisme mondialisé », d'où le fait que cette opposition prenne les traits folkloriques d'un mouvement néo-luddite souvent teintée d'idéaux précapitalistes. Imposteurs continuera donc à s'interroger sur les affirmations techniques et scientifiques concernant les OGM, tout en analysant les affirmations à caractère social et politique des faucheurs volontaires, leur stratégie de communication et de lobbying, etc…

Pour le reste les échanges entre Aurélien et Canardos sont très intéressants et je n'ai pas grand
chose à rajouter aux réponses apportées par ce dernier. Quelques remarques cependant :

Une des objections majeures d'Aurélien était le fait que «  l'obtention des OGM (soit) directement issue d'un processus physiopathologique », ce qui lui permettait de suggérer que l'opération de
transgénèse ait en elle-même quelque chose de pathologique. A ce compte là, c'est la vie et bien des mécanismes essentiels de l'évolution qui pourraient être qualifiés de pathologique. Franchement, quelle sens cela aurait-il ? D'autre part, ce détournement de processus physiopathologiques ne sont-ils pas abondamment utilisés en médecine, lorsque des substances toxiques sont utilisées comme anesthésiants, ou dans l'élaboration de vaccins ? Ces détournements méritent-ils aux yeux d'Aurélien le qualificatif de pathologiques, malsains ou autres ?
Si on est matérialiste, on comprend que toute l'activité humaine consiste à comprendre les forces de la nature pour les détourner à son profit. Pour nous, ce qui compte, c'est le résultat de tels
« processus culturels » ( ?) , qui ne peuvent être qualifiés de « sains » ou « malsains » qu'au regard de leurs effets réels et constatés , des bénéfices ou des inconvénients pour l'homme, selon des critères mesurables et indiscutables. Par contre, lorsqu'on glisse de ces critères vers des
considérations sur ce qui est « naturel », « normal », opposé à l' « artificiel », au « pathologique »
CAR « culturel » ou « intentionnel »,  il n'existe plus de critères objectifs sur lesquels une
collectivité humaine peut s'accorder et trancher. Imposteurs avoue bien volontiers ne pas se
préoccuper « des offenses au créateur » ou à la nature « naturelle », substitut philosophique de Dieu dans une société partiellement laïcisée mais malade.

Aurélien :
"Maintenant la question de la salubrité publique de ces organismes n'est écartée pour autant, et c'est acte de croyance que de dire que ces organismes (agricoles) sont sains voire bons pour la santé, alors que leur analyse toxicologique en tant que produits de consommation est actuellement soumis à des patterns indépendants de leur mode de production. Preuve en est que celle-ci est dirigée par le concept d' "équivalence en substance" créé de toute pièce pour l'occasion. "

Si je comprends bien la phrase « alors que leur analyse toxicologique en tant que produits de
consommation est actuellement soumise à des patterns indépendants de leur mode de production »,
Aurélien critique la méthode d'évaluation parce qu'elle porte sur l'analyse toxicologique du produit final et non sur la façon dont il a été produit ! C'est totalement fantaisiste ! Un produit qui arrive dans l'assiette est toxique ou ne l'est pas en fonction de sa composition,  c'est bien la seule chose qui compte pour le consommateur, et c'est la seule approche rationnelle. D'autre part, si le concept d' « équivalence en substance » a été créé de « toutes pièces », c'est tout simplement parce que les OGM sont les premiers produits à faire l'objet d'une analyse toxicologique systématique !

Voici comment Gérard Pascal , de l'INRA décrit ce principe d'équivallence en substance (1):
« Comment évaluer la salubrité, la sécurité des aliments provenant de plantes transgéniques
consommées en l'état ou après transformation ? Il ne s'agit pas d'une évaluation toxicologique
classique, dont les aliments consommés actuellement n'ont d'ailleurs jamais fait l'objet à
l'exception des aliments irradiés. De plus on ne dispose pas de méthodologie validée permettant
de tester sur des animaux des aliments destinés à l'Homme et encore moins l'ensemble d'une
alimentation. C'est la raison pour laquelle un nouveau concept a été adopté : «l'équivalence
substantielle». Issu de travaux de la FAO, de l'OCDE et de l'OMS, il repose sur la comparaison
des nouvelles denrées alimentaires avec des aliments ou ingrédients existants et consiste à
considérer de la même manière sur le plan de la sécurité la nouvelle denrée et l'aliment ou
l'ingrédient traditionnel lorsqu'aucune différence significative n'a été mise en évidence.
Cette relation d'équivalence est valable dans le domaine de la sécurité, et s'appuie sur la
consommation de longue date des aliments bien connus sans conséquence négative identifiée sur
la santé. Il ne s'agit donc pas d'une évaluation toxicologique à proprement parler. Les recherches
menées depuis longtemps à l'INRA sur les aliments ont donné à ses chercheurs des compétences
dans ce domaine. Plusieurs d'entre eux participent aux travaux d'expertise rendus nécessaires par la mise au point et la mise en marché de plantes transgéniques à vocation alimentaire.
Pour pouvoir évaluer l'équivalence en substance il est nécessaire de déterminer les
caractéristiques de l'organisme génétiquement modifié. Pour ce qui concerne l'organisme hôte, il
faut connaître sa nature, l'historique de son utilisation comme aliment, sa production éventuelle
de toxines, son allergénicité, sa composition, sa valeur nutritionnelle, savoir s'il contient des
facteurs antinutritionnels... Une caractérisation précise de la construction génétique introduite est aussi nécessaire : nature des modifications génétiques et structure de l'ADN inséré ; mécanismes
de régulation, site et stabilité d'expression des gènes introduits; fonctionnalité de ces gènes... Il
faut enfin déterminer les caractéristiques alimentaires du ou des produits issus de l'organisme
modifié. Pour une plante on recherche notamment les nutriments caractéristiques, mais aussi les
composés toxiques ou antinutritionnels qui peuvent y être naturellement présents comme la
solanine pour la pomme de terre, les facteurs anti-trypsiques du soja...
« 

Que critique exactement Aurélien dans cette méthodologie ? S'il en a une autre à proposer (réaliste bien tendu), qu'il dise laquelle .

Enfin dire que « c'est acte de croyance que de dire que ces organismes (agricoles) sont sains voire bons pour la santé », c'est tout simplement faux. Il n'y a aucun acte de croyance et personne n'a jamais dit que tout PGM devrait par nature être « sain voire bon pour la santé ». La conclusion
(provisoire, et toujours succeptible d'être remise en cause) se fait au cas par cas, en fonction des
résultats de l'analyse toxicologique, un point c'est tout. D'autre part, Aurélien devrait savoir que
l'expérimentation permet d'identifier des risques existants, à l'inverse, il est impossible de prouver que le risque est nul et que des effets indésirables n'apparaitront jamais. Si on devait généraliser le principe de précaution tant prisé de nos jours et qui est généralement compris comme risque zéro, plus aucun médicament ne verrait jamais le jour !  L'attitude actuelle à l'égard du risque en dit long sur l'irrationalité galopante qui s'est emparée du débat public.

Dernière remarque sur les commentaires d'Aurélien : Canardos vous a répondu très justement sur la notion de « sain » ou « malsain » que vous comprenez à tort comme l'intervention de l'homme sur les espèces vivantes à l'encontre du processus d'évolution naturelle. Et il souligne que :« dans le cas des ogm, ce transfert de matériel génétique est volontaire et correspond à des fonctions souhaitées par le sélectionneur.C'est plus précis mais pas fondamentalement différent comme démarche de celle des agriculteurs et eleveurs qui depuis le début du néolithique procedent par hybridation et sélection. » 
 
D'autre part,
« Diriez vous qu'un cochon est "sain" par rapport à un sanglier ou qu'un charolais est "sain"
par rapport à un bison. Dans les deux cas ce sont des monstruosités en termes darwiniens,
puisque leur masse de chair et de graisse est un handicap majeur pour la survie dans un
milieu sauvage, mais ces variétés présentent toutefois des avantages évidents pour
répondre à nos besoins alimentaires
». (Canardos)

Teosinte.jpgJe me permets de rajouter que ce qui semble vous poser problème dans le cas des OGM, c'est le caractère non seulement intentionnel de la manipulation (quoique l'intentionnalité existait avant) mais aussi son caractère conscient , qui le distingue des manipulations empiriques et relativement aveugles des procédés traditionnels : Et oui, en comprenant (en grande partie) et en tentant de maîtriser ce qu'il fait , l'homme perd son innocence, ce que semblent regretter certains. Ca relève à mon avis d'une nouvelle version du péché originel…

Anton Suwalki.

Notes :
(1) voir les commentaires :
http://imposteurs.over-blog.com/article-14989234-
6.html#anchorComment
(2)http://www.inra.fr/internet/Directions/DIC/ACTUALITES/DOSSIERS/OGM/pascal.htm

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PS :
« Aurélien :Premièrement, si je n'ai pas écrit d'une seule traite mes commentaires, c'est que
la pensée est souvent un processus discontinu et que je n'ai pas planifié mon intervention à
la suite de cet article. Il s'agissait de commentaires tout à fait spontanés et vivants.
 
Deuxièmement, je ne suis pas auteur de ce blog et en tant que simple visiteur je n'ai pas la
possibilité de rectifier mes commentaires, de souligner des mots, ni d'ailleurs de colorer les
caractères d'écriture afin que l'on reconnaisse bien que ce que je dis a une importance ou
pour le rendre plus visible par rapport aux autres intervenants
.. »

OK. Notez que je n'ai aucune intention de censurer quelque message que ce soit, du
moment qu'il respecte les règles de civilité. Mais le blog ne possède pas les fonctionnalités qui lui permettraient de devenir véritable forum. Je vous demande d'essayer d'être aussi synthétique que possible et de ne pas multiplier inutilement les messages. Vous pouvez si vous le désirez envoyer un texte plus complet qui serait publié comme article, en droit de réponse.

 

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A
Si vous aviez demandé mon autorisation pour publier cet articel ou encore m'en aviez informé, là cela aurait été plus correct.<br /> <br /> Donc ne noyez pas le poisson dans deux fils différents. <br /> <br /> Merci
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A
Plus que du toupet, ca devient "bibendummesque" ! Il faut que je vous demande préalablement l'autorisation de publier un article de mon cru sur le blog que j'ai créé ? Ca suffit SVP !    
A
Bonsoir, <br /> <br /> Je n'avais pas vu cette reprise, mais je dirais que plutôt que de se fier à une relecture des commentaires parsemée de citations très partielles, j'invite les lecteurs à relire la totalité de la discussion sur le lien figurant dans l'article).<br /> <br /> Je recopie par ailleurs ici mon dernier commentaire figurant sur l'autre article, musclé mais courtois:<br /> <br /> Comparer des technologies physiques (avions) aux biotechnologies montre tout simplement que vous n'avez pas, mais pas du tout, saisi la problématique des OGM et ses enjeux, et que vous défendez ces produits uniquement au travers de votre propre filtre dogmatique lié à une certaine conception du progrès, qui est purement sociétale.<br /> <br /> En fait vous ne vous intéressez pas à la science et peut-être ne vous êtes-vous pas forgé vous-même un esprit scientifique, permettant de distinguer entre technoscience et science, recherche fondamentale, recherche appliquée, ou encore industrie, économie, et connaissance et passion pour la science.<br /> <br /> On ne traite pas un argument comme "risible" quand la seule réponse que l'on a est d'attribuer de vaines étiquettes complètement hors propos aux idées exprimées.<br /> <br /> --> Le scandale réside dans l'utilisation de l'argument médical ou de recherche pour valider la commercialisation d'OGM agricoles qui n'ont absolument aucun rapport avec ces premiers thèmes.<br /> <br /> C'est exactement ce qui s'est passé pendant des années par les défenseurs des OGM, tronquant et manipulant complètement le débat.<br /> <br /> Aujourd'hui, les lobbies financiers ou agricoles se font plus prudents, on peut lire aujourd'hui dans une dépêche AFP par exemple qu'ils parlent seulement d'"innovation et de recherche".<br /> <br /> Pour la recherche, c'est complètement faux, vendre des produits OGM (mon810 et Cie) n'a aucun rapport avec de la recherche, c'est du commerce ou marketing pur et simple.<br /> <br /> Pour l'innovation, c'est encore plus du marketing voire du lobbying publicitaire: on crée un produit et une demande et on l'impose par d'énormes pressions financières.<br /> <br /> L'inutilité des OGM dans nos terroirs est largement reconnue dans le domaine strictement agronomique et va à l'encontre des volontés de préservation de la biodiversité et des ressources naturelles, et d'autant plus qu'il existe quantités d'alternatives de gestion et d'innovation agronomique, indépendamment de produits marketing GM particuliers.<br /> <br /> L'agriculture n'a pas attendu les OGM pour exister, ni le modèle corporatiste de développement économique actuel qui permet ce développement technoscientifique de brevetage génétique des organismes agricoles. Ce n'est pas de la science, ce n'est pas du progrès, c'est une idéologie de la science et du progrès, qui, si elle est peut-être adaptée au monde physique et matériel, pose quantité de problèmes et de questions nouvelles au niveau biologique, dans une perspective de dissémination massive.<br /> <br /> Le pragmatisme empirique du concept d'équivalence en substance n'est pas de la science, c'est la résultante de l'acceptation sociétale de l'idée de dissémination massive de ces organismes et de leur mise en place croissante dans l'alimentation humaine. Et avec cela, les véritables questions scientifiques autour des OGM sont éludées, comme le montre par exemple, votre déni de l'importance des OGM expérimentaux élaborés et non commercialisés.<br /> <br /> D'après ce que vous dites, la science indépendante est morte, et les chercheurs en biotechnologie n'ont plus d'autres choix que de de devenir des scientifiques de seconde main dont le travail consiste à agréer des produits fabriqués par des firmes corporatistes, sans possibilité d'exercer véritablement leur esprit scientifique et un questionnement critique et fondamental sur ce qu'ils font ou sur la nature de l'activité de production de cette industrie particulière.<br /> <br /> Triste vision de la science que celle véhiculée par les défenseurs des OGM.
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A
La réponse à ce commentaire, posté 2 fois, figure à la suite du texte initial "La novlangue des anti-OGM". Il faudrait peut-être arrêter de tourner les gens en bourrique, M Aurélien.A.S