L'opinion publique et les OGM : la querelle de la légitimité.

Publié le par Anton Suwalki

bov---sondage.JPGAlors que les adversaires des biotechnologies tiennent pour acquis l'hostilité de l'opinion publique aux cultures transgéniques,  un sondage CSA effectué le 18 Octobre suggère tout autre chose (1) : 52% des français seraient favorables à une culture encadrée des OGM. Sans doute par distraction, aucun des organismes anti-OGM n'a fait mention de ces résultats vieux de plus d'un mois, résultats en contradiction avec leurs propres affirmations et des sondages précédents qu'ils avaient eux-mêmes commandé  (2) .
Doit-on conclure que l'hostilité publique a atteint son paroxysme en 2006 pour revenir à des seuils plus raisonnables aujourd'hui ? Il est difficile de croire qu'on soit passé en un an de 85% (ou 78% pour le sondage BVA) d'hostilité à moins de 50% .

Les 2 sondages BVA sont effectués suivant les mêmes méthodes : échantillon « stratifié » de manière à fournir en modèle réduit une représentation assez fidèle de la population , par catégorie socio-professionnelle, hommes-femmes, par tranche d'âge, population urbaine-rurale etc (3). Pour un nombre de sondés à peu près équivalent, ils sont censés offrir des résultats de même fiabilité : 85% d'hostiles selon le premier sondage donne une fourchette entre 82,5 et 87,5% d'opinions hostiles dans l'ensemble de la population. 52% de favorables selon le deuxième correspond à une fourchette approximative de 49-55%. Faut-il donc croire avec les blasés que de toute façon, les sondages c'est bidon ? Certains ne manqueront pas de faire remarquer que les sondages qui donnent des résultats hostiles ont été commandés par des organismes hostiles, tandis que celui qui donne des résultats favorables a été commandé par des organismes de la filière agricole et semencière (4) a priori favorables aux OGM.
Pourtant les chiffres avancés ne sont pas en cause et il est fort probable qu'une même personne interrogée aurait donné des réponses contradictoires d'un sondage à l'autre. On peut regretter cette versatilité de l'opinion  sur ce type de questions, mais elle est parfaitement compréhensible compte tenu de l'absence de débat rationnel sur la question, et de la nature de la propagande qui agite des peurs et des épouvantails. De plus, il faut remarquer que les sondages qui utilisent le plus souvent des questionnaires fermés et des questions formulées de telle sorte qu'elles conditionnent en grande partie la réponse.

Le sondage commandé par le GNIS et l'AGPM contenait deux questions dont une « ouverte » : la première invitait les sondés à estimer les principales raisons qui pouvaient motiver le choix des agriculteurs de cultiver du maïs OGM : invité à rechercher des motivations rationnelles, le sondé formule des réponses elles aussi rationnelles et neutres avec une lucidité étonnante : les réponses spontanées les plus fréquentes invoquent les motivations économiques (l'amélioration du rendement, des coûts de production inférieurs) combinées aux motivations technico-environnementales ( diminuer l'usage de pesticides, améliorer la qualité du maïs (5) ). Le plus frappant est que l'argument obsessionnel des faucheurs d'OGM, la pression des semenciers, n'intervient que pour 1% des réponses spontanées (6)! Il est vraisemblable que si le questionnaire avait été fermé incluant la réponse « (les agriculteurs choisissent les OGM) à cause des pressions des semenciers) », le pourcentage eut été beaucoup plus élevé. Et sans doute un seul passage de Bové à la télé la veille du sondage récitant l'inévitable couplet sur Monsanto  aurait également eut ses effets !
La deuxième partie du sondage comportait des questions fermées (6) et formulées avec une connotation positive pour les OGM et incontestablement négative pour les faucheurs d'OGM par exemple :
-Un agriculteur qui cultive du maïs OGM prend un risque élevé de voir son champ détruit par des militants anti-OGM.
-Il faut permettre la culture encadrée des OGM pour sauvegarder la compétitivité des agriculteurs français par rapport à celle des agriculteurs des autres pays producteurs de maïs.
-Les destructions illégales des essais et des cultures de maïs OGM découragent les chercheurs français qui travaillent sur les OGM
-D'une façon générale, les cultures OGM auront à l'avenir des applications intéressantes et utiles pour la société

Ce type de questions suscite  automatiquement davantage de réponses « pro-GM » que celles des sondages commandés par les adversaires : comme celui de BVA où il est suggéré que l'évaluation des risques des OGM nécessite une interdiction « temporaire » (alors que les faucheurs volontaires ont naturellement l'intention de tranformer en interdiction définitve). De même le sondage CSA - Greenpeace induit forcément un fort pourcentage de réponses défavorables : la 1ère question était : « A votre avis, y-a-t-il souvent rarement ou jamais des OGM qui rentrent dans la fabrication des aliments que vous consommez ? » Or il s'agit d'un fait qui devrait être mesurable et objectivable et non reposer sur un avis basé sur une quelconque suspicion.
Puis le sondé était prié de dire si un tel phénomène l'inquiétait ? Le sondage partait donc du principe que consommer des OGM était un motif d'inquiétude d'autant plus grand que la première question reposait sur la suspicion (dans le registre « on nous cache tout, on nous dit rien » ). Un tel pourcentage d'inquiets (66%) et de personnes favorables à une interdiction totale (28% !) ou temporaire (58%) est sans surprise une fois le contexte de suspicion posé.

La technique ou la compétence des instituts de sondage, qui font souvent l'objet de railleries, ne sont pas ici en cause. D'autre part ceux-ci ne font que poser les questions convenues avec le commanditaire du sondage. Ces sondages aux résultats totalement contradictoires ne reflètent ni la légitimité ni l'illégitimité « démocratique » des cultures OGM, mais la difficulté pour le citoyen ordinaire de se faire une opinion stable et fondée sur des faits établis un raisonnement  solide et une attitude rationnelle par rapport au « principe de précaution » et à la balance bénéfices/risques. Une opinion d'autant plus difficile à se forger quand les anti-OGM agissent à coup de rumeurs , de mensonges délibérés , ou quand un  ministre bouffon ou une présidentiable bouffonne sont prêts à raconter n'importe quoi sur le sujet.

 

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Notes
(1) http://www.csa-fr.com/dataset/data2007/opi20071018-opinion-des-francais-sur-les-cultures
(2) -ogm.pdfhttp://www.infogm.org/resogm/sondage.html sondage CSA effectué pour Greenpeace en Septembre 2006
ou
http://www.agirpourlenvironnement.org/pdf/sondageogm.pdf sondage BVA effectué pour le compte d'agir pour l'environnement en Janvier 2006
(3)   il y a un petit problème méthodologique dans les principes de stratification : on part du principe que les critères tels que la catégorie sociale, le sexe, l'âge etc…sont déterminants dans les différences d'opinion, ce qui sans doute vrai pour beaucoup de questions, mais peut-être pas opérationnel dans certains cas.
(4) le GNIS et l'AGPM
(5) et d'autres vertus des OGM comme la résistance à la sécheresse mais qui ne concernent pas à notre connaissance les variétés de maïs GM autorisées en France.
(6) rappelons le une fois de plus, il ne s'agit pas de se leurrer sur les semenciers qui ne sont pas des philantropes, mais de mettre un terme à la paranoïa sur leur supposée toute puissance. Les agriculteurs qui choisissent les OGM et ne  font pas ce choix le pistolet sur la tempe.
(6) Réponses possibles : Oui, tout à fait d'accord, plutôt d'accord, non , plutôt pas d'accord, pas du tout d'accord.

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M
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