OGM ou pas, les agriculteurs dépendent des semenciers.

Publié le par Anton Suwalki

Lorsqu'il sont à court d'arguments sur la dangerosité des OGM, il reste un ultime prétexte pour les
condamner : ceux-ci n'auraient été développés que pour soumettre les agriculteurs aux grands groupes
semenciers qui seuls en tireraient profit
. Ce dernier argument mérite d'être examiné. Cet article n'a pas
l'ambition de donner une réponse définitive à la question, mais simplement de soulever quelques
remarques par rapport à la dépendance des agriculteurs.

L'agriculteur opère dans le cadre d'une division  technique et sociale du travail qui a commencé très tôt
dans l'histoire et cette division a même pris depuis longtemps  un caractère international. L'agriculteur
moderne ne fabrique pas ses outils lui-même
,  ne tire pas (la majorité de) ses revenus de la vente
directe mais s'inscrit dans un réseau de distribution, achète la plupart de ses intrants -engrais,
désherbants, insecticides, gasoil - et la plupart des produits-y compris alimentaires- qu'il consomme sont
produits par d'autres.

Sauf à exalter, comme les décroissants profonds, les valeurs nostalgiques d'un monde où dominaient le
« produire et consommer local » et l'  autoconsommation  (1) , on est bien obligé de reconnaître que cette
évolution a été  un facteur d'énorme progrès économique.

La dépendance aux semenciers est elle un phénomène beaucoup plus récent, elle s'est
considérablement accrue au cours des dernières décennies (2). Elle concerne essentiellement les
agriculteurs des pays développés. Mais ce qu'il faut souligner c'est qu'elle a eu lieu bien avant les OGM ,
et que les OGM ne modifie pas qualitativement la donne
. Ainsi dans une contrée aussi hostile que la
France où les cultures OGM sont marginales (3), 58% des semences sont achetées pour le blé, 75% pour
le colza , 100% pour le maïs et le tournesol (4) . Pour ces deux cultures , les semences sont pour
l'essentiel des hybrides (5) pour lesquels  l'agriculteur n'a pas intérêt à ressemer sous peine de perdre les qualités et l'homogénéité des plantations et doit donc racheter à chaque fois ses semences. Pour le colza, 31% des semences sont hybrides . Si les agriculteurs acceptent cette dépendance , faut-il croire que c'est
uniquement pour gonfler les bilans les grands semenciers ?

Bien évidemment, les gains techniques et économiques peuvent être inégalement répartis entre
agriculteurs et producteurs de semences, en fonction de la nature des contrats, de l'organisation du
marché, etc… Il en est de même pour les semences OGM qui  elles ne sont pas stériles (6).

La question de la dépendance des agriculteurs n'est aucunement spécifique aux OGM, et savoir si elle est
inique ou pas s'examine sous l'angle des rapports économiques
. La nature des semences, qu'elles soient des semences anciennes à destination des adorateurs du bio, qu'elles soient conventionnelles, hybrides ou
transgéniques ne modifie rien ou pas grand-chose.

Pour conclure provisoirement, concernant l'agriculture de bien des pays du Sud, le problème qu'elle doit
le plus souvent affronter est non pas sa dépendance aux grands semenciers , mais son archaïsme, son
incapacité à nourrir
la paysannerie elle-même et les mégalopoles du tiers monde où affluent les
populations rurales chassées par la misère. Et c'est précisément cet archaïsme (« non productiviste ») dont
les anti-OGM décroissantistes font l'apologie, prétendant défendre ainsi les petits agriculteurs du tiers-
monde . Alors arrêtons un peu l'hypocrisie.
 

(1) tout simplement parce que les rendements agricoles étaient tellement faibles que l'agriculteur peinait
à se nourrir lui-même ! Quelle charmante époque !
(2) les surfaces de multiplication ont été multipliées par 4 en 25 ans. Source : GNIS
(3)0,02% des surfaces cultivées en France
(4) source : INRA
(5) Pour le colza, 31% des semences sont hybrides . source INRA
(6) rappelons que le gène baptisé « Terminator » par les anti-OGM , qui a testé pour induire une stérilité
ou une fertilité conditionnelle n'a jamais été introduit sur des plantes commerciales. Lire à ce sujet L.M
Houdebine : OGM -Le vrai et le faux. On remarquera à ce sujet l'attitude des anti-OGM qui veulent
toujours le beurre et l'argent du beurre. Ainsi s'insurgent-ils des risques de prolifération des OGM , après
avoir fait campagne contre Terminator qui supprimerait définitivement ce type de risque !

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M
Merci tout d'abord pour ces articles plutôt bien documentés et qui permettent de réfléchir à l'actualité sur les OGM même s'il sont virulents.<br /> Je voulais juste ajouter une précision à votre commentaire disant que la dépendance des agriculteurs envers les semenciers "eu lieu bien avant les OGM , et que les OGM ne modifie pas qualitativement la donne."<br /> Il me semble que la donne a évoluée qualitativement et quantitativement à partir du moment où l'on a commencé à parler de brevet sur le vivant et les gènes plutôt que de développement d'une variété qui soit enregistré au catalogue, dispositif beaucoup moins contraignant.<br /> En bref, cette dépendance existe effectivement depuis longtemps mais a pris une dimension autrement plus large et complexe pour les producteurs qui voudraient resemer leur récolte.<br /> <br /> Des solutions existent pourtant et viendront peut être sur le marché (inactivation du gêne dans les semences, ...)
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A
Merci pour votre commentaire intéressant. Je vous invite si vous le souhaitez  à m'adresser (par mail) un texte où vous développeriez cette idée que la donne a "évolué quantitivement et qualitativement". Je le publierai bien volontiers (intégralement bien entendu) .A.S