Face aux activistes, les scientifiques doivent s’impliquer dans les questions sociétales qui les concernent
Pour un scientifique, quelle attitude adopter face aux anti-science qu’on sait de mauvaise foi, motivés par l’appât du gain ou la notoriété ? Partons d’un exemple, celui des anti-vaccins .Il ne fait aucun doute qu’ils représentent un danger pour la santé publique. Peut-on les empêcher de s’exprimer ? A mon avis, non. Avec 41% de personnes qui considèrent que les vaccins ne sont pas sûrs (1), il n’existe aucun autre moyen de rétablir la confiance que de démontrer patiemment que ne pas se vacciner est un danger pour soi et pour les autres, une tentative de censure aurait probablement pour effet de renforcer la défiance. Elle est de toute façon impossible matériellement. Mais on ne peut regagner la confiance qu’en combattant la mauvaise foi des adversaires de la vaccination, sans perdre de vue que ces derniers sont des adversaires du débat loyal, et que s’ils le pouvaient, ils règleraient tout devant les tribunaux.
La question vaccinale est un exemple parmi tant d’autres. Récemment, le procès spectaculaire intenté à Monsanto par le jardinier américain Dewayne Johnson, souffrant d’un lymphome, est une autre illustration des dérives judiciaires : un tribunal se sent compétent pour établir que « le Roundup Pro ou le Ranger Pro a été une cause majeure dans le préjudice physique causé à D.Johnson », et de condamner la firme pour défaut d’information sur les risques que Johnson encourait ! Une décision judicaire au mépris donc les données scientifiques qui rendent très improbables cette affirmation( 3). Ceux qui, par hostilité envers une multinationale, s’en réjouissent ou sont indifférents, ont bien tort ! On peut craindre beaucoup de victimes collatérales de cette dérive, que des individus et des organisations dépourvues de scrupules promettent d’exploiter à fond.
La question du climat et du bilan carbone est elle aussi propice à toutes les manipulations. La mauvaise foi de certaines ONG et leur volonté de nuire sont établies. Il y a quelques semaines, quatre d’entre elles (4), soutenues par quelques people écervelés, lançaient a pétition l’ Affaire du siècle, mettant en cause l’Etat français pour «inaction climatique». Elles ont depuis engagé des poursuites (5). Cette pétition correspondrait-elle vraiment à un souci de décarboner l’économie française ? La réponse est clairement non ! La France est, parmi les pays économiquement comparables, un de ceux qui émet le moins de CO2 par habitant. En 2017, elle a réduit de 11% ses missions de CO2 par rapport à 2010 (6). Son parc nucléaire, lui permet de produire une électricité 6 fois moins émettrice de CO2/kwh que l’Allemagne. L’Allemagne émet 72% de CO2 de plus par habitant que la France, ses émissions n’ont été réduites que de 2% par rapport à 2010. Le choix de l’année de référence n’est bien sûr pas innocent. Les émissions de CO2 de l’Allemagne ne diminuent pas sensiblement parce qu’elle a considérablement réduit sa production nucléaire depuis 2010, et n’envisage d’abonner sa production à base de charbon qu’en…2038 (7)! Charbon qu’elle remplacera-si elle tient ses promesses ! -en grande partie par du gaz, vu qu’une électricité totalement à base d’ENR est une utopie complète. Elle ne décarbonera donc pas beaucoup sa production d’électricité, et continuera pendant 20 ans d’émettre non seulement du carbone, mais , bien pire, des particules particulièrement dangereuses. L’action en justice contre l’Etat français « pour inaction climatique » est donc une escroquerie des ONG, qui n’attaquent pas l’Allemagne dont elles bénissent la politique anti-nucléaire. Un tribune parue dans le Monde le 16 novembre 2018, va même jusqu’à accuser le nucléaire français d’être responsable de la politique énergétique des autres pays.: « [si on ne sort pas du nucléaire], la transition énergétique sera également bloquée au niveau européen. Car tant que la France maintient son parc nucléaire, l’Allemagne et d’autres pays européens continueront à recourir au charbon. » Devant pareilles monstruosités, on est facilement convaincu que le climat est donc un pur alibi pour ces activistes.
Source : http://lemontchampot.blogspot.com/2018/02/co2-allemand-criteres-constants.html
Ces affaires ne sont pas près de s’arrêter. Deux jours après l’Affaire du siècle, le maire de Grande Synthe attaque à son tour l’état pour inaction climatique, épaulé par Corinne Lepage, avocate et fondatrice du CRIIGEN (8) !
Corinne Lepage, à la veille de la COP 21, allait même jusqu’à préconiser de ficher les climatosceptiques (9) ! Qui, mieux qu’elle, peut illustrer nos craintes des dérives judiciaires et des dangers pour la liberté d’expression la plus élémentaire? Car dans le cas de Corine Lepage, la conversion à cette idée d’urgence climatique est pour le moins récente : Sa liste aux élections européennes de 2004 comprenait un certain Yves Lenoir(10), auteur de Climat de panique (11), un livre 100% climatosceptique, qui expliquait même que les gaz à effets de serre avait un effet refroidissant ! L’ancien allié de Lepage est-il déjà fiché sur sa blacklist ? Beaucoup plus récemment, en 2013, c’est Paul Deheuvels, le seul académicien français à avoir défendu l’étude de Séralini sur les rats nourris avec un maïs GM et abreuvés au RoundUp, qui l’accompagnait à une conférence au Parlement européen pour défendre la nullissime étude (12). Paul Deheuvels, lui aussi climatosceptique, au point d’avoir soutenu l’attribution du Prix Lyssenko du Club de l’horloge à Jean Jouzel (13) ! Cet homme subira-t-il le néo-maccarthysme de madame Lepage ? Pas sûr, des fois qu’il pourrait encore venir au secours de Séralini et du CRIIGEN…
Quelles sont les motivations réelles et communes à toutes ces attitudes, puisque la présomption de bonne foi peut difficilement être retenue ? L’appât du gain, pour certains, et sans doute, pour d’autres, des fantasmes totalitaires. Face à eux, la science et la société ont tout à perdre.
Les scientifiques devraient s’impliquer davantage dans toutes les questions sociétales et politiques qui impliquent l’éclairage de la science. Dire l’état actuel des connaissances et des incertitudes scientifiques, ce que la science permet de dire, ce qu’elle n’autorise pas à dire. Ne plus laisser le terrain aux activistes pour qui la science est au mieux un alibi lorsqu’elle conforte leur vision de ce que devrait être le monde, un adversaire à calomnier et à trainer devant les tribunaux dans la plupart des cas.
Anton Suwalki
(2) 2 produits de Monsanto à base de glyphosate
(3) voir la plus grande étude épidémiologique sur les effets du glyphosate : Journal of the National Cancer Institute, djx233, https://doi.org/10.1093/jnci/djx233
(4) la Fondation pour la nature et l’homme (FNH), Greenpeace, Notre affaire à tous et Oxfam
(6) Source : Statistique BP 2018
(9) https://www.contrepoints.org/2015/11/11/228718-corinne-lepage-detendue-du-fascisme-vert
(10) http://www.europarl.europa.eu/elections2004/ep-election/sites/en/yourvoice/fr/candidates.html
(13) https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Deheuvels