Etudes européennes et française sur les OGM : Séralini aggrave son cas
En décembre 2012, alors qu’il était déjà acquis que l’étude de Gilles Eric Séralini et du CRIIGEN sur les rats nourris au maïs génétiquement modifié NK603 et au Roundup ne valait rien, l’Assemblée nationale émettait le vœu « que toutes les mesures appropriées soient prises afin de permettre aux agences de sécurité sanitaire la mobilisation de financements dans des délais rapides en vue d’une recherche publique, indépendante et transparente, destinée à conduire des études de long terme et de grande ampleur, seules de nature à consolider les connaissances scientifiques sur les risques sanitaires et environnementaux insuffisamment documentés » (1).
Trois projets ont vu le jour, deux au niveau européen, GRACE et G-TwYST, et un mené par la France, GMO90plus. Ils ont été menés dans une démarche de complémentarité et de cohérence des programmes de recherche. Les résultats ? Pas d’effet toxique sur les rats nourris avec les deux maïs GM étudiés, le Mon 810 et NK 603. Et surtout, les études longues (un ou deux ans) n’apportent aucun élément d’information supplémentaire par rapport aux études sub-chroniques de 90 jours : « Les données recueillies au cours de l'étude supplémentaire qui a duré un an concordent avec les conclusions atteintes à la fin des études de 90 jours, soit que nourrir des rats de la variété MON810 n'a aucun effet secondaire. » est-il par exemple noté à l’issue du projet GRACE (2). Une revue de la littérature scientifique parue en 2012 dans Food and Chemical Toxicology aboutissait déjà à un tel constat (3).
Au total, apprend-on, 15 millions d’euros auront été dépensés. C’est beaucoup, pour confirmer ce qui faisait déjà l’objet d’un large consensus. Cela permettra-t-il au moins de tirer un trait sur l’affaire Séralini ? Pas sûr… Comme on pouvait le craindre, les résultats de ces projets ont été beaucoup moins médiatisée que les photos d’horribles tumeurs exhibés en 2012 par l’équipe du CRIIGEN, et l’Obs, qui s’était déjà gravement compromis en 2012, récidive en redonnant la parole à Séralini, et uniquement à Séralini (4).
Il est utile ici de restituer quelques propos tenus par ce dernier :
« -L’obs : L’étude G-TwYST a, comme vous, nourri des rats pendant deux ans au maïs NK603 et n'y trouve aucun danger. Auriez-vous "bidonné" vos conclusions ?
-GES : C’est ce qu’affirmait l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV), mais je vous rappelle que nous avons déjà gagné notre procès en diffamation contre elle et contre son ex-président, Marc Fellous. »
Pour le coup, c’est Séralini qui fait de la diffamation. Nul part, l’AFBV n’a parlé de bidonnage ni n’a utilisé un terme approchant (5).
« GES : Clairement, l’étude G-TwYST est un autre cas de malhonnêteté méthodologique flagrant : elle prétend reproduire les expériences que j’ai conduites en 2012... mais n’a pas le même protocole. J’ai d’ailleurs claqué la porte avec mon équipe en mai 2014 du comité scientifique de Risk’OGM [l’ancêtre de G-TwYST, NDLR], car j’ai estimé qu’on allait détourner des fonds publics non pour faire la lumière sur une réalité scientifique, mais pour discréditer mes travaux ! »
Passons sur le fait que Risk’OGM ne soit pas l‘ancêtre de G-TwYST. Pour le reste, reproduire les expériences de Séralini selon le même protocole que lui ne correspondait absolument pas à la commande de la Commission Européenne (6), contrairement à ce qu’il raconte. Il serait d’ailleurs stupide de vouloir reproduite une étude dont on sait que le protocole est complètement foireux. Et parler de détournement de fonds publics pour discréditer ces travaux relève du délire. GES est d’ailleurs suffisamment grand pour se discréditer tout seul.
« -L’obs : Pourquoi jugez-vous cette étude malhonnête ?
-GES : D’abord, parce qu’elle n'évalue que la cancérogénicité sur deux ans. C’est-à-dire qu’elle n'a cherché que les marqueurs du cancer sur tel ou tel organe. Mais notre étude ne s’est pas contentée de cela ! Nous avons mesuré toutes les tumeurs sur les rats et nous sommes livrés à des analyses biochimiques sur les hormones sexuelles, sur le foie, sur les reins... C’est ce qu’on appelle la toxicologie générale.
-L’obs : Sauf que G-TwYST a elle aussi mesuré la toxicologie générale des rats...
GES : Certes, mais seulement durant une période d'un an ! Or, c’est après la première année que les dysfonctionnements majeurs apparaissent chez les rats. Notre étude toxicologique le démontre. Pourquoi ne pas avoir poussé les investigations plus loin ? »
Le but de l’expérience prolongée sur deux ans et effectuée sur 50 rats par groupe, était bien d’évaluer la cancérogénicité. Séralini reproche donc aux auteurs de G-TwYST de faire ce qu’il a été incapable de faire, se contentant de rapporter le nombre de «tumeurs palpables » et leur localisation ! D’autre part, sur le plan de la toxicologie générale, non seulement l’étude de Séralini ne démontre rien, tellement le bruit masque tout, mais elle ne montre même pas que les supposés «dysfonctionnements majeurs » apparaissent après un an. Les seules données biochimiques publiées sont celles relative au 15ème mois, et on n’a donc aucun élément de comparaison. Curieusement, les auteurs ne mentionnent d’ailleurs même pas cela dans leur article.
« GES : (…)dans mon expérience, le protocole scientifique enjoignait que soit comparé un groupe de rats consommant du maïs génétiquement modifié avec un groupe contrôle qui, lui, n’en consommait pas. Si un rat du groupe contrôle a une tumeur, on la déclare "naturelle", puisqu’elle n’est pas due au maïs OGM. Si beaucoup de rats du groupe contrôle ont beaucoup de tumeurs, alors il est aisé de déclarer que les rats sont très sujets aux tumeurs et d’exclure statistiquement une grande quantité d’entre eux dans le groupe qui consomme du maïs OGM - pour que la comparaison ait, soi-disant du sens. Mais à la fin, les statistiques sont si peu représentatives qu’on déclare les OGM sans danger prouvé... »
Quelle confusion ! En réalité, si certaines souches de rats développent spontanément beaucoup de tumeurs, il faut un nombre très important de rats dans l’expérience pour trouver d’éventuelles différences significatives entre un groupe contrôle et un groupe testé. Mais sans s’en rendre compte, c’est sa propre étude que GES dénigre. Les rats Sprague Dawley qu’ils a utilisés sont connus depuis des décennies pour être très sujets aux tumeurs (7), il ne pouvait rien démontrer à ce sujet avec un nombre de rats ridiculement faible : 10 par groupe, 5 fois moins que les recommandations de l’OCDE.
« -L’obs : Vous dites que G-TwYST manque de rigueur parce qu’elle aurait dû mesurer, comme vous l'avez fait, les effets du RoundUp, l’herbicide de Monsanto, sur la santé des rats. Mais c’est bien ce qu’elle fait, non ?
GES : Pas réellement, et c’est bien le problème. Cette étude observe en effet trois groupes de rats : ceux qui consomment du maïs NK603, ceux qui consomment du maïs NK603 couvert de RoundUp et un groupe contrôle qui, donc, ne consomme pas de maïs NK603. Mais mon étude comportait quatre groupes : les trois déjà mentionnés, plus un groupe de rats qui buvaient une eau contenant du Roundup à des taux autorisés dans l’eau du robinet. Et quelle était la conclusion ? Que le maïs OGM constitue un petit danger pour leur santé, à cause du stress oxydatif du maïs OGM. Que le maïs couvert de Roundup est un peu plus dangereux. Mais que le grand danger provient du Roundup consommé même à très faible dose ! Pourquoi l’étude G-TwYST a-t-elle refusé de reproduire cette expérience pourtant essentielle ? »
Rappelons que les résultats chaotiques de son étude ne montrent absolument rien des effets allégués : ni que le maïs OGM constitue un "petit danger" pour la santé des rats, à cause du stress oxydatif du maïs OGM (pure spéculation), ni que le maïs couvert de Roundup est un peu plus dangereux, ni que le grand danger provient du Roundup consommé même à très faible dose ! D’ailleurs, comment une étude basée sur un seul groupe témoin pour 9 groupes testés (par sexe) peut-elle encore être défendue ? Répétons-le, l’étude G-TwYST visait à identifier des effets d' OGM, pas du Round-Up ou d’autres herbicides à base de glyphosate. Le 4ème groupe n’a rien à faire dans une telle étude. Mais pour le 3ème (maïs GM +RoundUp), Séralini cherchait à étayer sa thèse des OGM « éponges à pesticides ». Or, il oublie ses propres résultats, qui varient d’ailleurs selon ce qu’il est censé démontrer. Dans une étude publiée en 2016 (8) , où il prétend démontrer qu’il n’y a pas d’équivalence en substance entre le maïs GM NK603 et son parent non transgénique le plus proche, il ne trouve aucun résidu de glyphosate ni d’aucun autre pesticide dans le maïs cultivé avec du RoundUp!
« -L’obs : Si l’on doit donc titrer une leçon de votre étude qui a tant fait parler des OGM, paradoxalement, c’est que le maïs génétiquement modifié n’est pas, en lui-même, réellement dangereux ! Que c’est le Roundup le coupable !
GES : ll reste dangereux, mais moins que le Roundup qui, en plus du glyphosate, contient de l’arsenic. Nous l’avons démontré dans une étude. Mais ce maïs n’est jamais cultivé sans Roundup, donc la question est plutôt intellectuelle. Les OGM sont bien dangereux parce qu’ils sont faits pour contenir des pesticides. »
Pour la dernière phrase, nous renvoyons simplement à l’étude précédemment : pas de trace de glyphosate dans le maïs GM selon Séralini 2016. Mais la dernière étude à laquelle il fait allusion (9) contient elle aussi des bizarreries. Il y prétend avoir détecté en quantités non négligeable de l’arsenic (et d’autres métaux lourds), qui est, on le sait, toxique pour les mammifères. Il a donc été sous-entendu que l’arsenic fait partie des formulants des herbicides à base de glyphosate. Or il n’y aurait strictement aucun intérêt à mettre de l’arsenic dans un herbicide, sachant que les plantes l’accumulent sans problème : on les utilise même parfois dépolluer certains sites industriels. Comment donc expliquer sa présence dans les échantillons de Séralini ?
Autre chose étrange : alors que les « surfactants », présents dans les herbicides, sont réputés n’avoir eux-mêmes aucune action herbicide (ils servent à favoriser la pénétration du produit actif dans la plante), Séralini prétend que l’un deux, le POEA, utilisé seul (plant de tomate F sur la photo), a une action herbicide et qu'il est même plus efficace que les produits glyphosate + POEA. A la limite, on pourrait même en conclure que le glyphosate, le produit réputé actif, réduit l’efficacité du POEA.
Photo publiée dans Toxicology Reports
On pourrait ainsi se dire que l’équipe de GES a fait là une découverte révolutionnaire : les fabricants s’embêtent depuis des décennies avec des formulations d’herbicide compliquées, ils ajouteraient des métaux lourds sans aucune utilité (juste pour empoisonner les gens, peut-être ? ), alors qu’il leur suffisait d’utiliser le surfactant seul, qu’ils croyaient inerte !
Seulement, il y a un problème, et même un gros problème : que le POEA ait un tel effet herbicide rendrait impossible l’utilisation d’herbicides glyphosate + POEA sur des plantes GM tolérantes au glyphosate. J’ai eu beau tenter de documenter de telles contre-indications, je n’en ai pas trouvé. Encore une contradiction que l’équipe du CRIIGEN aura du mal à expliquer. Tout cela mis bout à bout permet de réaliser qu’avec ou sans les études GRACE, G-TwYST et GMO90plus , les travaux de Séralini et du CRIIGEN sont définitivement irrrecevables.
- http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion0545.asp
- https://cordis.europa.eu/news/rcn/124740_fr.html
- Food Chem Toxicol. 2012 Mar;50(3-4):1134-48. doi: 10.1016/j.fct.2011.11.048. Epub 2011 Dec 3.
- https://www.nouvelobs.com/planete/20180704.OBS9187/seralini-on-detourne-des-fonds-publics-pour-discrediter-mes-travaux-sur-les-ogm.html
- voir les termes exacts utilisés par Marc Fellous
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1614
- https://www.g-twyst.eu/files/Conclusions-Recommendations/G-TwYSTConclusionsandrecommendations-final.pdf
- par exemple 81% dans cette étude :
Journal of Cancer Research and Clinical Oncology,
October 1979, Volume 95, Issue 2, pp 187–196
- Scientific Reports volume 6, Article number: 37855 (2016)
- Toxicology Reports; Volume 5, 2018, Pages 156-163