«Les OGM sont des éponges à herbicides », et autres balivernes
Alors que l’Europe continue à tergiverser à propos du renouvellement de l’autorisation du glyphosate, le quotidien suisse Le Courrier trouve nécessaire d’interroger le célèbre professeur Séralini[1].
Le temps passe, les postures ne changent pas, GES n’a aucune difficulté à « vendre » son image de chevalier blanc au journaliste. « Critiques du monde scientifique, attaques de la presse, tentatives de corruption... Il en aurait fallu plus pour déstabiliser Gilles-Eric Séralini qui revendique son attachement à une science transparente et indépendante ». Certaines de ses affirmations, même si elles sont récurrentes, méritent qu’on s’y attache, dans le contexte actuel, et que l’on rétablisse quelques vérités.
1/ On le sait, pour les « lanceurs d’alerte », l’enjeu de la bataille du glyphosate va bien au-delà de ce seul produit. C’est aussi et peut-être surtout une occasion de dénoncer les plantes génétiquement modifiées, dont une grande partie ont été conçues pour tolérer cet herbicide. Très logiquement, le Quotidien reprend à ce sujet l’expression tout en nuances de GES : « «Les OGM sont des éponges à herbicides». La réalité : dans une récente analyse de nourriture destinée à l’alimentation de rats de laboratoire, contenant entre autres de la nourriture issue de plantes génétiquement modifiées tolérantes au glyphosate,, GES lui-même n’a trouvé au maximum que 370 parties par milliards (PPB) de Glyphosate et de son produit de dégradation[2]. Pas très efficaces, les « éponges à herbicides ».
2/ « [les études des grandes firmes] sont totalement malhonnêtes. Par exemple, tester le glyphosate seul est une véritable fraude. Monsanto l’utilise comme faux-semblant. Ceci permet à la multinationale de déclarer non nocif le Roundup ». Une fois de plus, GES entretient la légende que seul le produit actif est évaluée. La réalité : « Dans le cadre des demandes de mise sur le marché, les préparations font également l’objet d’études spécifiques réglementaires qui permettent d’évaluer la toxicité des formulants et les effets cumulatifs potentiels de ces derniers avec la substance active.L’évaluation prend en compte les effets des formulants, sur la base d’une évaluation des dangers et des risques en utilisant des doses de référence comme la DJA pour le consommateur et l’AOEL9 pour l’opérateur et l’exposition qui est estimée en se basant sur des modèles ou des données expérimentales ».
3/ « Ceci permet à la multinationale de déclarer non nocif le Roundup. Or, dans ce produit commercialisé, nous avons détecté des poisons mille fois plus toxiques que le glyphosate lui-même
la description histopathologique des tumeurs était pauvre » . Simple question de bon sens. Pourquoi, si le glyphosate est réellement un poison, et que la formule commerce contient des produits « mille fois plus toxiques », les rats de son expérience de 2012 dépublié par Food and Chemical Toxicology soumis au RoundUp ne mourraient-ils pas foudroyés. Pourquoi ne mourraient-ils pas davantage, au moins dans le cas des mâles, que ceux qui n’avaient pas ingéré de Roundup ? « Nous avons établi que des rats, nourris avec du maïs transgénique, développaient des tumeurs cinq fois plus vite que le groupe contrôle recevant une nourriture parfaitement saine. » GES, décidément fâché avec les statistiques, tire des conclusions à partir d’un rat dans un seul groupe ! Et la réalité, c’est qu’en fin d’expérience, 9 des 10 rats du groupe mâle nourri avec de la nourriture « parfaitement saine » sont morts, soit le deuxième groupe en termes de mortalité. Ce qui n’est pas pour autant significatif, mais voilà ce qu’on peut dire lorsqu’on pousse la méthode GES jusqu’au bout , on pourrait dire « mieux vaut éviter la nourriture parfaitement saine » !
4/ Sa trop fameuse étude, toujours : « Nous avons simplement poussé les études plus loin, ce qui n’avait jamais été fait. Les rats, par exemple, ont été observés durant deux ans et non trois mois, comme le font les grandes firmes. Par ailleurs, nous avons effectué des prises de sang sur nos rongeurs et étudié 100 000 paramètres, du jamais vu. » La réalité : Son étude est très loin d’être la seule sur deux ans. Deuxièmement, il n’a évidement pas mesuré 100.000 paramètres, mais… 49 paramètres biochimiques. Nuance ! Éventuellement, si on compte le nombre de paramètres, le nombre total de rats, et la fréquence des analyses, on peut imaginer que 100.000 mesures ont été effectuées, ce qui d’ailleurs n’en fait en rien une étude plus valable que les autres. Ce chiffre est balancé uniquement pour impressionner les gogos.
5/ Nous laisserions bien volontiers de côté les accusations habituelles de « fraude », et de campagnes téléguidées par les « lobbyistes ». Remarquons simplement dans l’introduction du journaliste : « Son étude, «Toxicité à long terme d’un herbicide Roundup et d’un maïs tolérant au Roundup génétiquement modifié», a reçu un écho planétaire. En effet, le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), citant ses travaux, a classé, en mars 2015, l’herbicide phare de la multinationale Monsanto au rang d’«agent probablement cancérogène», soit la deuxième marche du podium en termes de nocivité ». La réalité : la classification du CIRC ne correspond en rien à la deuxième marche en termes de nocivité. Il s’agit uniquement d’un niveau de preuve estimé par l’agence. Ensuite, consultons l’avis du CIRC sur l’étude de Séralini, qui n’a observé que les éléments concernant la solution contenant du RoundUp . « le Groupe de travail a conclu que cette étude était inadéquate pour l’évaluation (du glyphosate, NDLR), à cause du petit nombre de rats par groupe, du fait de la description « pauvre » de l’histopathologie des tumeurs, et de l’incidence des tumeurs (par individu) qui n’était pas fournie ». Ho-ho ! Voilà, qui en résumé, confirme les plupart des griefs formulés par les soi-disant lobbyistes. Si on ne peut même plus compter sur le CIRC pour défendre les honnêtes chercheurs, où va-t-on ?
Anton Suwalki
[1] http://www.lecourrier.ch/139185/les_ogm_sont_des_eponges_a_herbicides
[2] Laboratory Rodent Diets Contain Toxic Levels of Environmental Contaminants: Implications for Regulatory Tests