Cash investigation, ou Cash mystification ?
De Climat investigation...
Le 1er novembre 2015, Philippe Verdier, présentateur météo sur France 2, était licencié. Il venait de publier ses réflexions critiques sur le climat, son traitement médiatique et politique, quelques semaines avant l'ouverture de la COP 21 . Ce livre était intitulé Climat investigation, un clin d’œil à l'émission Cash Investigation de sa consœur Élise Lucet.
Climat investigation est à vrai dire très confus, truffé de contradictions et d'approximations. L'idée que l' « explosion démographique » serait la cause principale du réchauffement climatique observé au cours du 20ème siècle (et dénoncée paraît-il par le GIEC!), est assez représentative de la légèreté de ce livre. Nous y reviendrons dans un autre article. Mais renvoie-t-on un journaliste de télévision, qui fait correctement le travail pour lequel il est payé, parce qu'il a écrit un livre médiocre ?
Officiellement, il lui est reproché d'avoir utilisé l'image du groupe France Télévision pour promouvoir son livre. "J'ai parcouru [Climat investigation], admet Delphine Errnotte. Je n’en ai pas pensé grand-chose, sauf que, lorsqu’on est salarié d’une maison comme France Télévisions, il faut faire une distinction entre ses avis personnels et ceux que l’on fait porter à l’entreprise. Là, il y a eu confusion et ça me pose problème" (1). Comme si les manques au devoir de réserve des journalistes de la télévision publique se traduisaient habituellement par leur licenciement ! Il n'y a guère de doute sur le fait que son licenciement, qui a réjoui Audrey Garric (2), est politique. Le fait, notamment que Philippe Verdier ait raconté dans son livre les tentatives de Laurent Fabius d'embrigader les journalistes météo avant la COP 21…..
...à Cash Investigation
Si Delphine Ernotte justifie le licenciement de Philippe Verdier , comment devrait-elle réagir à la dernière émission de Cash Investigation intitulée : Produits chimiques : nos enfants en danger ? Le fait que le documentaire, signé Martin Boudot, ait été « en grande partie » préparée par l'ONG anti-pesticides Générations futures (3), ne constitue-t-elle pas une première entorse au devoir de réserve, autrement plus grave que celui de Philippe Verdier, dans la mesure où il s'agit d'un documentaire diffusé sur France 2, et qui engage donc directement le groupe ? D'autant plus que l'émission s'accompagne opportunément de la sortie d'un livre éponyme, préfacée par la sémillante Elise Lucet, dont la photo orne la couverture, à côté du logo de la chaîne…
Mensonger et manipulateur
Si encore on ne pouvait reprocher à ce documentaire qu’un côté orienté… C'est bien pire que cela : la patte de Générations Futures ne tarde pas à être reconnue, et on s’aperçoit qu'Elise Lucet et ses collaborateurs sont largement capables de rivaliser avec une Marie-Monique Robin. La présomption d’innocence s'efface rapidement et laisse la place au soupçon, puis à la certitude que ce reportage cherche à nous manipuler. La peur, on le sait, est beaucoup plus vendeuse que la vérité. « Informer n'est pas un délit », proclame Elise Lucet (4). Désinformer non plus, mais cela n'est pas très joli. Et c'est surtout dangereux d'inquiéter le public sur la base de faits manipulés
Pour une analyse détaillée, nous renvoyons nos lecteurs aux sites de Forum phyto et de notre ami Wackes Seppi., ou encore d'un article à paraître dans la revue Science et pseudosciences. De toute évidence, Cash mystification est un nom qui conviendrait mieux à l'émission d'Elise Lucet.
Un documentaire à 97 % mensonger ?
Une bonne partie du documentaire et de l'émission sont articulés autour d'un message : 97 % produits alimentaires contiendraient des résidus de pesticide (5). Ce message, martelé au cours de l'émission, associé aux autres affirmations et aux images destinées à terroriser, tels ces enfants hawaïens atteints de malformations associées de manière tout à fait gratuite aux pesticides, a malheureusement pu marquer les téléspectateurs.
On peut déduire que Martin Boudot, qui affirme avoir travaillé entre 10 et 12 mois pour cette enquête, soit ne sait pas lire, soit qu'il nous ment sciemment. Il est de toute façon invraisemblable que ses mentors de Générations Futures n'aient pas repéré (et donc cautionné) cette énorme bourde, si c'en est une.
En réalité, selon le rapport annuel de l'EFSA (6) sur le programme de surveillance des pesticides dans l'Union Européenne dont est extrait ce chiffre :
-97,4 % des échantillons analysés se situent dans les limites légales de résidus de pesticides, c'est à dire a priori sans aucun danger pour la santé () ,dont 54,6 % des échantillons ne contiennent aucun résidu détectable.
- Seuls 2,6 % dépassent les limites légales (infinitésimales) de résidus, et 1,5 % les dépassent suffisamment pour justifier des sanctions juridiques ou administratives. Ce qui ne veut pas dire que 1,5 % des produits alimentaires que nous consommons soient réellement dangereux. N'oublions pas que nous baignons dans la culture du « principe de précaution ».
Pris en flagrant délit au cours du tchat qui suivit l'émission sur le site de France Info (7), Martin Boudot a trouvé le moyen de s'enfoncer un peu plus. A un internaute qui lui pose la question « Bonjour Martin, dans l'enquête vous parlez de 97 % des aliments qui comportent des résidus de pesticides. Quels sont les 3 % restants ? »
Notre fin cash investigator répond : « les 3 % restants correspondent au bio (sic!) ou aux aliments à très faible teneur en pesticides (re-sic!) »
Pathétique !
Une réaction, madame Ernotte ?
Bien que les méthodes et les ficelles énormes employées dans Cash mystification nous révulsent, loin de nous l'idée de réclamer des têtes. Nous n'avons pas les mêmes valeurs qu'Audrey Garric .Mais comment la direction de France Télévisions, si pointilleuse sur le « cas Philippe Verdier » pour un livre qui, finalement, n'engageait que lui-même, peut-elle laisser passer une telle entreprise de désinformation et de manipulation délibérées sur ses propres ondes ? La moindre des choses serait de diffuser un rectificatif aux « erreurs » les plus manifestes de ce documenteur. La crédibilité du « service public d' information » est en jeu. On attend avec beaucoup impatience votre réaction, madame Ernotte !
Un contre-poison : Science et pseudo-sciences
Heureusement, les téléspectateurs dotés d'un minimum de sens critique peuvent facilement se désintoxiquer des mensonges colportés par Cash Investigation. Nous leur recommandons le dernier numéro de Science et Pseudosciences (8), et son dossier « Pesticides- ce qu'en dit la science ». 5 euros la cure,avouez-le, c'est vraiment donné. Ceci-dit, dans une optique de « désintoxication durable » contre les marchands de peurs et de pseudo-sciences, on peut aussi s’abonner à l'année pour la modique somme de 25 euros...
Pour finir et sourire un peu …, ce commentaire très drôle de Forum phyto sur le documenteur :
« Une affirmation particulièrement contestable concerne le Chlorpyriphos accusé dans l’émission d’être au moins en partie responsable d’une augmentation des cas d’autisme. Or il y a bien une relation statistique aux USA entre l’évolution de l’emploi de cet insecticide et l’autisme. Mais cette relation est inverse. Les cas d’autisme augmentent alors que l’usage du chlorpyriphos baisse. Il faudrait prévenir Stéphane Le Foll, qui s’est quasiment engagé pendant l’émission à le faire interdire. Il va avoir une épidémie d’autisme sur la conscience… »
Anton Suwalki
Notes :
(2) Chef adjointe du service Planète/Sciences du Monde, elle a célébré sa mise à pied par ce tweet infâme : « Bonne nouvelle n. France 2 met à pied son « M. Météo » climatosceptique, Philippe Verdier » .
(3) http://www.generations-futures.fr/chimique/cash-investigation-et-france-info/
(4) http://www.humanite.fr/videos/informer-nest-pas-un-delit-message-delise-lucet-577004
(5) voir l'excellente petite vidéo postée sur Youtube par Agriculture et Environnement
https://www.youtube.com/watch?v=zXz_ORDAozs
(6) http://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/150312
(8) http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article2580