La biodynamie est une pseudoscience
Certains commentaires, postés à la suite de notre article sur l’expérience menée par GE Séralini et J Douzelet, appellent à faire une mise au point sur la biodynamie, à partir notamment du texte posté par « un physicien ». Un document édité par le Mouvement de l’Agriculture biodynamique.
Il existe beaucoup de confusion autour de l’agriculture biologique et dynamique, ou « biodynamique ». En effet, au cours du temps les agriculteurs qui la pratiquent ont intégré des idées et des pratiques rationnelles qui existent dans l’agriculture biologique ou conventionnelle. On ne peut donc juger ce système qu’à partir des théories et pratiques qui lui sont spécifiques, et qui elles, n’ont guère évolué depuis les années 20. Elles reposent sur les idées ésotériques et totalement dépourvues de scientificité du fondateur de l’anthroposophie, Rudolf Steiner.
Côté pratiques, la biodynamie s’appuie essentiellement sur deux pseudosciences : l’astrologie, et particulièrement les croyances lunaires, et l’homéopathie pour ce qui concerne ses fameuses préparations. Des pratiques qui ont donc été transposées à la vinification.
Des analogies naïves
Toues les pseudosciences reposent sur une symbolique et des analogies naïves qui sont prises au pied de la lettre par leurs adeptes.
« Travailler sur le vin représente symboliquement ce que l’on fait sur le sol lors d’un binage. On l’ouvre vers les forces de la périphérie» explique ainsi ce document. Et ces forces de la périphérie, cela serait celles exercées par les planètes.
On recycle alors les vieilles analogies des almanachs pour jardiniers amateurs qui nous expliquent par exemple que la lune « montante »… fait monter la sève des plantes des racines vers les feuilles. Miracle ! Cela marche aussi pour le soutirage du vin : « Si le vin présente un caractère très réduit ou trop fermé, le soutirer en lune montante peut lui être bénéfique, et en jour fruit afin de l’ouvrir davantage. Un vin trop ouvert peut être soutiré en jour racine pour le recentrer un peu sur lui-même, le resserrer. La Lune descendante a un effet réducteur et resserre les vins ».
Un peu de physique (enfin , un tout petit peu)
La méthode biodynamique convoque à la marge quelques notions de physique, la loi universelle de la gravitation, ou la force de marée, pour les mettre au service d’affirmations totalement fantaisistes.
La première loi est celle de Newton qui décrit l’attraction réciproque de deux corps ayant une masse (cf schéma): elle est proportionnelle au produit des masses des deux corps (mA.mB) et inversement proportionnelle au carré de leur distance (d2 ). Et si elle est universelle, il faut admettre, qu’elle s’exerce entre la lune et, par exemple la cuve dont le vin doit être soutiré.
Seulement, un petit calcul permet de se rendre compte que la force d’attraction de la lune sur un objet à la surface de la terre vaut de l’ordre de 300 000 fois moins que la pesanteur. Quant à la force de marée, qui est liée à cette loi de gravitation, mais qui dépend également de la force centrifuge liée à la rotation de la terre, elle est environ 10 000 000 de fois plus faible que la pesanteur. Et je défie quiconque d’en sentir l’effet sur une masse de liquide telle que le contenu d’une cuve de vin…voire de la sève qui circule dans une plante !
A vrai dire, il serait plus raisonnable de se questionner sur l’effet sur le vin des vibrations produites par le passage d’engins agricoles près d’une cave, que sur les effets de la lune.
Cela n’empêche pas la biodynamie de mettre celle-ci à toutes les sauces, ainsi que les autres planètes, « [les infra-solaires] ont une action sur le calcaire et les forces de croissances. Les planètes supra-solaires plutôt sur la silice et les forces de structuration ». Par quels mécanismes ? Mystère.
« Le calendrier des coefficients de marées s’invite de plus en plus dans les caves des biodynamistes ». Par exemple, par des coefficients de marée bas (<60), «les micro-organismes sont au repos ». Heureusement pour nous, les chirurgiens ne suivent pas le calendrier des marées pour choisir le moment de leur intervention.
Les préparations homéopathiques, où comment mettre un peu d’eau dans son vin.
On connaissait les préparations « 500 » à « 507 » de la biodynamie appliquée à l’agriculture. Pour le vin, on utilise les dilutions homéopathiques pour le souffre et pour le cuivre. Pour cela, nos biodynamistes ne se sont pas penchés sur des bouquins de chimie, mais …sur le Cours aux agriculteurs de Rudolf Steiner. C’est forcément beaucoup plus riche, puisque selon lui, « le carbone est lié à plus de 400.000 éléments ». Pauvre Mendeleïev ! S’affranchir de la chimie classique permet sans doute de trouver un sens à ce genre de discours : « le soufre s’immisce dans le fort intérieur du carbone ….».
Concernant les dilutions de souffre , il est affirmé que « des résultats intéressants sont apparus avec les dilutions 4CH, 5CH, 27CH et 41CH. Chacune de ces dilutions apporte une caractéristique propre, les 4CH et 5CH offrent un côté plus esthétique et opulent au vin, la 27CH est proche d’un sulfitage classique, la 41CH verticalise et raffermit le vin. » Il n’est pas précisé si d’autres dilutions dégradent au contraire le vin. On apprend donc qu’une dilution au : 1/10 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 (vous pouvez vérifier le nombre de zéros) verticalise et raffermit le vin . Attention toutefois, ne verser qu’un demi-litre de la solution pour 20hl, ce qui correspond au final, à presque 43 CH.
Personnellement, je n’en retiens qu’une chose : il est toujours sage de mettre un peu d’eau dans son vin.
Tout cela ne remet pas en cause, en soi, la qualité du vin qui serait produit par tel ou tel biodynamiste. Mais on peut sincèrement douter que cette qualité doive quelque chose au folklore pseudo-scientifique dont il s’entoure. Par contre, cela a sans aucun doute un rapport avec le choix de certains « cobayes » dans l’expérience de GE Séralini et J Douzelet que nous avons décrite, et avec leur réaction à l’expérience, conforme à ce qu’attendaient les expérimentateurs.
Anton Suwalki