L'abominable vengeance de M. Séralini, par Wackes Seppi
Or donc Food & Chemical Toxicology a – finalement – retiré (dépublié), en novembre/décembre 2013, l'« étude » de Séralini et al. « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize » initialement mise en ligne le 19 septembre 2012 [1].
Or donc M. Gilles-Éric Séralini a trouvé l'asile scientifique (enfin... il serait plutôt écolo-politique) chez Environmental Sciences Europe, un titre du groupe Springer. Il y a republié son œuvre sous un titre vengeur : « Republished study : [...]» [2].
Et la vie continue à F&CT.
Le 31 janvier 2014, F&CT a mis en ligne un article de Bryan Delaney, Laura M. Appenzeller, Jason M. Roper, Pushkor Mukerji, Denise Hoban et Greg P. Sykes, « Thirteen week rodent feeding study with processed fractions from herbicide tolerant (DP-Ø73496-4) canola » [3]. Une étude classique de toxicité subchronique à 90 jours sur 12 rats par groupe ; et sept groupes par sexe : un groupe recevant une alimentation contenant du colza tolérant la molécule herbicide glyphosate, lequel colza a été produit avec emploi du glyphosate pour le désherbage ; un groupe recevant ce même colza, mais cultivé sans recours au glyphosate ; un groupe recevant un colza quasi isogénique ; quatre groupes recevant un autre colza.
Les auteurs ont précisé :
« Tous les aliments ont été formulés en tant que variantes de l'aliment de laboratoire standard PMI® Nutrition International, LLC Certified Rodent LabDiet® 5002 (PMI® 5002). »
Le tourteau et l'huile de colza se substituaient à ceux du soja.
Les auteurs ont conclu :
« Aucune différence toxicologiquement significative n'a été observée entre les traitements et les témoins. Les résultats décrits ici étayent la conclusion que le tourteau DH [déshuilé/dégraissé et grillé] et l'huile RBD [raffinée/décolorée/désodorisée] sont aussi sains et nutritifs que le tourteau DH et l'huile RBD obtenus à partir de graines de canola non GM. »
Cela n'a pas plu à M. Gilles-Éric Séralini et son équipe rapprochée (MM. Robin Mesnage, Nicolas Defarge et Joël Spiroux de Vendômois). Ils ont donc écrit une lettre à l'éditeur, M. A. Wallace Hayes, celui qui avait osé décider – seul selon lui – de dépublier M. Séralini [4].
Que disent-ils en substance ?
Que les conclusions de l'étude peuvent être utilisés par des instances de régulation ; que, selon leurs propres tests sur la Purina Certified Rodent LabDiet 5002, celle-ci contenait du maïs transgénique et du glyphosate, ainsi que son métabolite, l'AMPA ; qu'en conséquence, « la présence incontrôlée des résidus de pesticides et autres OGM rend l'étude non concluante » ; que « selon les critères de l'éditeur de F&CT, l'étude devrait être retirée à son tour »
On peut dire que c'est de bonne guerre ; mais aussi du niveau de la cour de récréation.
Sur le plan scientifique, c'est d'une indigence crasse. L'objet de l'étude était d'étudier les effets d'un colza transgénique en comparant une alimentation le contenant à des rations contenant d'autres colzas – toutes autres choses étant égales par ailleurs. C'était bien le cas.
M. Delaney a répondu par une lettre à l'éditeur [5]. Lapidaire et cinglante :
« Mesnage et al. n'ont pas analysé les rations témoins de notre étude. »
Il nous faut gâcher un peu cette étourdissante chute. Mais il y a encore matière à Schadenfreude;
M. Delaney et ses co-auteurs sont employés par la firme DuPont Pioneer. Ils ont déclaré une absence de conflits d'intérêts, et formellement relevé le parrainage de DuPont Pioneer. M. Delaney est un des directeurs de rédaction de F&CT.
MM. Mesnage, Defarge et Séralini se sont prévalus du CRIIGEN et de l'Université de Caen (dans cet ordre), M. Spirous de Vendômois du seul CRIIGEN.
La lettre à l'éditeur de Mesnage et al. a été mise en ligne le 2 juillet 2014 ; la réponse le lendemain.
Cela n'a pas empêché Mme Claire Robinson de produire un article sur GMWatch (tiens... pourquoi pas sur GMOSeralini dont elle est la directrice de rédaction ?), « The farce of GMO industry safety studies », daté du 11 juillet 2014, qui occulte la réponse de M. Delaney [6].
Et il y a mieux encore : le CRIIGEN (donc M. Séralini, etc.) a publié une traduction et adaptation le 17 juillet 2014, « Analyse toxicologique des OGM : la mauvaise farce des études de l'industrie », toujours sans tenir compte de la réponse [7].
Le monde de la désinformation n'est-il pas merveilleux ?
Wackes Seppi
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[1] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691512005637
Texte disponible, par exemple, à :
http://www.ask-force.org/web/Seralini/Seralini-Long-Term-Toxicity-RR-Bt-def-2012.pdf
[2] http://www.enveurope.com/content/26/1/14
[3] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514000568
[4] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514003226
(accès payant)
[5] http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691514003238
(accès payant)
[6] http://www.gmwatch.org/index.php/news/archive/2014/15529-the-farce-of-gmo-industry-safety-studies