Faucheurs de porte-vigne transgéniques de Colmar : Christian Vélot, porte-parole de l’obscurantisme
Le 15 aout 2010, une bande d’une soixantaine d’individus s’étaient introduits sur une parcelle d’essai de l’INRA de Colmar, et avaient saccagé les plans de porte-vigne transgénique résistant à la maladie d’origine virale du court-noué (1). La tentative naïve de l’institut d’associer la prétendue «société civile » à ses recherches n’était pas à même d’arrêter les fanatiques.
Condamnés en première instance, les faucheurs se payaient même le luxe de se retourner contre l’INRA, en Juin 2012 (2). Cette inversion des rôles (le délinquant se pose en victime, et la victime devient l’accusé), est révélatrice du sentiment de toute-puissance des obscurantistes. La suite des évènements prouve malheureusement que le culot est payant.
Un tribunal incompétent émet un jugement « scientifique »
Le 14 Mai 2014, la cour d’appel de Colmar a finalement relaxé les faucheurs, qualifiant d’illégale l’autorisation ministérielle de ces essais (3). « [il n’y a ]donc pas de délit de destruction d’une parcelle de culture d’OGM autorisée», a expliqué , »de manière didactique » selon l’AFP, le président de la Cour d’appel de Colmar, Bernard Meyer.
La Cour a cependant reconnu les prévenus coupables de «violation de domicile» (sic !), mais les a dispensés de peine !
C’est bien compréhensible , un des crétins volontaires, lauréat d’un Vélot d’or (4) s’est gargarisé de ce jugement : « C’est exceptionnel, c’est la première fois qu’on est relaxés en appel. La Cour nous a apparemment vraiment entendus et a pris conscience de son rôle en disant que l’autorisation ministérielle était illégale» .
« La Cour d’appel a pris conscience de son rôle » : traduisez que pour blanchir les faucheurs volontaires, elle s’est substituée aux conclusions de l’expertise scientifique et a jugé qu’il y avait eu «erreur manifeste d’appréciation des risques inhérents à l’expérience, réalisée dans un environnement non confiné » (3).
Admettons un instant que la Cour d’appel soit dans son rôle lorsqu’elle revient sur une autorisation ministérielle (5). Peut-elle néanmoins rétroactivement requalifier ce qui était un délit au moment où les faits ont été commis ?
Mais le problème est bien plus grave : en alléguant une « erreur manifeste d’appréciation des risques inhérents à l’expérience », la Cour d’Appel s’est attribuée une compétence scientifique qu’elle n’a absolument pas, contre les avis successifs des biologistes de l’INRA, de la CGB et du HCB.
Selon ce dernier : « Les caractéristiques de l’essai, l’environnement et les mesures prises pour contrôler le risque sont décrites de façon précise. Il n’y a pas d’indication d’effet indésirable des produits des transgènes sur la santé publique ou l’environnement. En outre, l’essai est conduit de telle façon qu’il n’y ait pas de dissémination hors du site d’expérimentation, pendant et après celle-ci. Dans l’état actuel des connaissances, compte tenu des caractéristiques des OGM disséminés, de la taille de l’expérimentation et des mesures préventives adaptées, le CS du HCB considère que l’expérimentation telle qu’elle est décrite dans le dossier ne présente pas de risques identifiables pour la santé humaine ou animale ou pour l’environnement » (6).
Qu’un juge puisse s’estimer au-dessus de la science pour apprécier les risques inhérents à une telle expérience , voilà une dérive bien inquiétante. Une dérive que le biologiste Marcel Kuntz attribue aux ravages de l’idéologie postmoderne (7).
Christian Vélot, caution scientifique des obscurantistes
Pour s’asseoir sur les avis scientifiques, il fallait bien sûr à la Cour d’Appel un alibi scientifique : celui des faucheurs lui suffisait amplement. En effet, si elle n’a pas daigné consulté les représentants de la science « normale », elle a visiblement fait sienne les thèses de la « science citoyenne ». Selon Reporterre, Christian Vélot, que nos lecteurs connaissent bien, a été cité comme témoin par les faucheurs, ainsi que l’inénarrable Claude Bourguignon (8).
La victoire de l’obscurantisme à ce procès est donc un peu celle de Christian Vélot il la célèbre donc dans BastaMag (9), dans une tribune dont l’arrogance est à la hauteur de son ignorance en matière de plantes génétiquement modifiées, ou de problématique agricole.
Qui est indécent ?
Pour justifier leurs actes, les faucheurs ne reculent devant aucun argument débile : « Face aux lobbies à Bruxelles, il ne nous reste que ça », se justifie l’un d’eux.
Christian Vélot n’est pas en reste , et sans craindre le ridicule, affirme qu’ « en neutralisant un essai de vigne OGM, les faucheurs volontaires ont commis un acte salutaire ». Car bien sûr , une parcelle de 0,54 are (oui, vous avez bien lu : 54 m2 !!! ) plantée de porte-greffes de vigne transgéniques et dans des conditions de sécurité drastiques, et c’est toute la planète qui est en péril… Cette caricature grotesque est le prix à payer pour faire passer les vandales pour des sauveurs de l’humanité.
Qu’il approuve ou pas de tels essais, le fait de soutenir les faucheurs contre ses collègues chercheurs est déjà une faute de goût. On aimerait savoir comment réagirait cette « grande conscience » si une bande de sauveurs autoproclamés , jugeant ses propres travaux « inutiles » ou insuffisamment sécurisés, venaient saccager son laboratoire….
Mais Vélot va plus loin: « C’est drôle de constater comment des scientifiques [ceux de l’iNRA, NDLR]qui sont prêts à sacrifier la recherche publique sur l’autel des intérêts mercantiles à court terme n’hésitent pas à se réfugier derrière elle lorsque ces mêmes intérêts sont en danger. Quelle indécence ! » C’est bien connu, l’INRA est un repaire de « fanatiques ultralibéraux », le portefeuille entre les dents.Au fait, où étaient donc les intêrets mercantiles mis en danger par ce courageux sabotage ?
Une ignorance totale du dossier :
Dans un article précédent (10), Vélot affirmait : « on nous dit que la transmission par le pollen est peu probable puisque c’est le porte greffe qui est génétiquement modifié et non le greffon. C’est faire fi des travaux scientifiques publiés dans Science en 2009 qui montrent le passage de gènes de porte-greffe à greffons. D’où sans doute la précaution supplémentaire d’avoir supprimé (mécaniquement) les fleurs sur ces plants. Du coup, on a aucun moyen de suivre une éventuelle transmission via le pollen. »
Il démontrait ainsi ne pas avoir pris la peine de lire le dossier : le greffon était un hybride femelle. Il ne pouvait donc pas y avoir de pollen, même si les inflorescences étaient présentes.
Cette fois-ci, Vélot évite cette grosse boulette et concentre le tir sur les virus recombinants : « Mais avant tout, ce dont se gardent bien de mentionner nos chercheurs soucieux de l’intérêt général, c’est le fait que cette vigne, comme toutes les plantes transgéniques conçues pour résister à des virus, est un véritable réservoir à virus recombinants. Le transgène introduit artificiellement dans ces plantes transgéniques est un gène viral. Sa présence protège la plante contre le virus en question ainsi que contre les virus apparentés (sans qu’on en connaisse vraiment les mécanismes intimes). Or, les virus ont une très grande capacité à échanger spontanément leur matériel génétique (phénomène de recombinaison). Par conséquent, quand une telle plante transgénique est victime d’une infection virale, il peut se produire très facilement des échanges entre le matériel génétique (ADN ou ARN [7]) du virus infectant et le transgène viral (ADN) ou sa version ARN, ce qui conduit à l’apparition de virus dits recombinants, dont on ne maîtrise rien et qui vont pouvoir se propager dans la nature. »
La dissertation comporte plusieurs curiosités de langage (le transgène viral ou sa « version » ( ?) ARN), dont des formules probablement destinées à distiller la peur : « c’est le fait que cette vigne, comme toutes les plantes transgéniques conçues pour résister à des virus, est un véritable réservoir à virus recombinants. ».
Ce que Vélot ignore ou fait semblant d’ignorer, c’est que la possibilité de recombinaison entre le transgène et des virus infectant la plante a été envisagée par l’INRA (11), et faisait partie de phénomènes étudiés dans cette expérience démarrée en 2004. Résultat de 6 ans d’observation : Rien, monsieur Vélot !!! Voilà pour le « véritable réservoir » à virus recombinants.
Vélot confond pitreries et argumentation scientifique
Vélot n’est pas dénué de talent. Son goût pour les effets de scène, dont il abuse lors de ses conférences anti-OGM, contribue sans doute à son succès auprès d’un public non averti. Malheureusement pour nous, cela lui permet de faire passer pas mal d’âneries scientifiques.
« « Tout avait été mis en place pour qu’il n’y ait aucun risque de contamination » nous disent les chercheurs scandalisés [4]. Mais de quelle contamination parlent-ils ? De la seule dissémination des gènes étrangers (transgènes) introduits dans la vigne qui, selon ces chercheurs avertis, ne pourraient s’échapper dans la nature au prétexte qu’ils n’ont été introduits que dans le porte greffe. C’est faire fi de travaux scientifiques publiés dans la revue Science en 2009 - [5], et qui montrent justement le passage de gènes du porte greffe aux greffons. Dans un article du 24 septembre 2010 [6], Jean Masson, président de l’Inra de Colmar, précise que ces données scientifiques ont été obtenues à partir « d’une expérimentation de greffe d’OGM faite avec du tabac » et « ne concernent pas la vigne »… On ne la lui fait pas à M. Masson, il ne faut pas tout mélanger. Mon voisin a été victime d’un accident avec une Peugeot ; moi, je ne crains rien : j’ai une Renault… »
Très drôle, le « moi, je ne crains rien : j’ai une Renault » . Le falsificateur Vélot se permet à la fois de détourner le contenu d’une étude (12) et de tenter de ridiculiser M. Masson en déformant le sens de ses propos rigoureusement exacts : les phénomènes (très limités) observés concernaient des plants de tabac, ils n’ont jamais été observés sur les porte-greffe de l’INRA. C’est aussi simple que cela ! Il est vrai que pour Vélot, la spéculation vaut davantage que les faits !!!
Comprenette difficile
Vélot , qui a décidemment tout compris , affirme, malgré toutes les précautions prises que «le plein air, c’est le confinement zéro ! » Entre la mauvaise foi et d’éventuels problèmes de comprenette dont pourrait souffrir ce grand chercheur , il nous arrive d’hésiter :
« C’est d’ailleurs assez « drôle » de constater la contradiction de l’Inra sur cette question des risques : dans un article du Monde daté du 16 août 2010 [8], l’Inra dit à propos des faucheurs : « Ils contribuent à répandre la peur en évoquant des risques environnementaux qui n’existent pas sur cet essai, alors que l’Inra essaie de déterminer, en toute indépendance, la pertinence et les risques éventuels de ce type de technologie dans la lutte contre le court noué ». Cherchez l’erreur ! »
Aucune erreur ! Ce que Vélot n’a pas compris, c’est que les chercheurs se sont prémunis contre les risques de dissémination, mais que les phénomènes éventuellement observés au cours de l’expérimentation auraient permis d’extrapoler des risques en conditions de culture normales. C’était l’un des buts de cette expérience dont ne voulaient surtout pas les anti, des fois qu’il aurait été démontré que la transgénèse était à la fois efficace et sans risque.
De la junk science au charlatanisme :
Tout ce qui peut répugner les honnêtes gens figure dans la prose de Vélot : Arrogance, mensonges, calomnies... Et démagogie poujadiste : « N’oublions pas que ce ne sont pas les chercheurs, ni même les agronomes, qui ont inventé l’agriculture, mais les paysans qui sont d’ailleurs les premiers généticiens du monde. ». Car bien sûr, si les paysans sont aujourd’hui aussi productifs , ils ne doivent rien de cela à la recherche agronomique … Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’ils ne doivent rien à Vélot.
Sa posture constante est typique des parasites : critiquer ceux qui cherchent (bien sûr sans la certitude de trouver), parce que c’est « inutile » . en 2005, déjà, Vélot expliquait l’ inutilité des plantes génétiquement modifiées à vocation thérapeutique parce qu’on pouvait faire autrement ….
A propos de la lipase : « Premièrement, il faut savoir que dans un certain nombre de cas, la levure de boulangerie est parfaitement capable de réaliser ces modifications, et donc de fabriquer directement des protéines opérationnelles. Disposant du gène de la lipase gastrique de chien, tout biologiste moléculaire travaillant sur la levure (et c’est mon cas) est capable en quelques semaines de fabriquer la levure transgénique produisant cette lipase gastrique. A t-on essayé de produire la lipase gastrique dans la levure ? Non. » (13)
En quelques semaines… Neuf ans après, on attend toujours que la lipase gastrique promise par le fanfaron. Le discours, lui n’a pas changé : l’expérimentation de porte-greffe transgéniques était « inutile » : « « Le but de cet essai était de voir si l’on pouvait trouver un facteur de résistance » nous dit un proche du dossier. Mais alors pourquoi réinventer l’eau tiède en fabriquant cette vigne GM plutôt que d’étudier des vignes déjà résistantes ? »
Le dilettante n’a pas pris la peine de se documenter : les porte-greffe génétiquement modifiés ne représentaient qu’une infime partie de la recherche de l’INRA, mais c’est bien sûr encore trop aux yeux de ces imbéciles. Mais là ou cela devient cocasse, c’est quand Vélot prescrit à l’INRA de se tourner… vers la biodynamie !!!
De la junk science de Vélot au charlatanisme ouvert, il n’y a qu’un pas qu’il franchit allègrement : colportant le témoignage individuel d’une viticultrice (qui a autant de valeur scientifique que « Raël m’a sauvé »), l’éminent conseiller scientifique du CRIIGEN généralise : « Dans le domaine de la viticulture par exemple, plutôt que de foncer tête baissée dans les biotechnologies, la démarche scientifique de base ne consisterait-elle pas à essayer de comprendre pourquoi tous les plus grands crus classés du monde sont issus de la biodynamie ? ». Évidemment, il est grand temps que l’INRA abandonne sa démarche « scientiste » (14) et se consacre aux préparations de bouse de corne, à l’astrologie, et autres sornettes qui caractérisent la biodynamie. On ne peut, de ce point de vue reprocher une certaine cohérence à Vélot : La phobie des OGM , cette offense faite à Mère nature, procède de la même pensée magique que les croyances irrationnelles sur les bienfaits de la biodynamie.
On ignorait qu’ en plus d’être champion de la production virtuelle de lipase à partir de levure , expert en plantes génétiquement modifiées sur lesquelles il n’a jamais travaillé, capable de critiquer une expérience sur laquelle il ne s’est pas documenté, Vélot est de surcroit un éminent œnologue : tant de compétences réunies en une seule personne, forcent le respect. Sur la base de quelle connaissances proclame-t-il que tous les plus grands crus sont issus de la biodynamie ? Est-il seulement capable de reconnaitre dans une dégustation en aveugle un grand cru traditionnel d’un « très grand cru » issu de la biodynamie(15) ? Les pratiques de sorcellerie associée à la biodynamie seraient-elles capables d’améliorer les qualités organoleptiques du vin?
Que Vélot puisse avoir une influence sur les décisions d’un tribunal, c’est déjà grave. Mais on tremble à l’idée qu’engagé auprès d’EELV (16), et conseiller d’Ile de France, il soit un jour appelé à de plus hautes irresponsabilités : lui ministre de la recherche, on imagine ce que ça pourrait donner. Pourquoi pas Élisabeth Tessier à l’agriculture, l’avenir de la biodynamie serait alors radieux. Allez, autant en rire , nommons dans la foulée Delphine Batho à la pêche (17).
Anton Suwalki
- http://www.imposteurs.org/article-retour-sur-le-saccage-des-essais-de-porte-greffes-de-vignes-transgeniques-a-colmar-56375566.html
- http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/06/19/des-faucheurs-d-ogm-portent-plainte-contre-l-inra_1721331_3244.html
- http://www.liberation.fr/societe/2014/05/14/la-cour-d-appel-de-colmar-relaxe-54-faucheurs-de-vignes-ogm_1017198
- http://www.imposteurs.org/article-le-velot-d-or-a-jean-pierre-frick-56596478.html
- Je ne suis pas juriste, mais il me semble que ce genre de décision relève du Conseil d’État.
- http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/IMG/pdf/100410-Vigne-Avis-CS-HCB.pdf
- http://www.marcel-kuntz-ogm.fr/article-jugement-colmar-fiasco-sociologie-postmoderne-123662037.html
- http://www.reporterre.net/spip.php?article5592
- http://www.bastamag.net/Vignes-OGM-quand-la-Cour-d-Appel
- qu’on peut retrouver par exemple ici : http://gouttedesable.fr/revue-presse-i-13.html
- de tels phénomènes avaient été observés sur des vignes… non transgéniques.
(12) Exchange of Genetic Material Between Cells in Plant Tissue Grafts
Science 1 May 2009: Vol. 324 no. 5927 pp. 649-651
Cf les commentaires à ce sujet de Marcel Kuntz dans :
- http://www.infogm.org/spip.php?article2317
- Pour reprendre la langue de bois des Vélot and Cie
- Une « science » bien peu fiable, même pour les spécialistes :